Guide en images des églises de Venise

Santa Maria della Salute (Dorsoduro)

Histoire

Le terrain appartenait depuis 1256 à l'ordre des Chevaliers Teutoniques, pour construire un monastère dédié à la Saint Trinité. (ils avaient assisté Venise dans sa guerre contre Gênes, en particulier sur les mers).

L’ordre fut dissous à la fin du 16ème siècle par Clément XVI et le terrain revint à la ville. (l'image ci-dessous est "empruntée" à www.comune.venezia.it ).

La Salute est une incontournable figure de Venise, on la voit de loin, du Grand Canal, du pont de l'Accademia ou de la Piazza, elle a été peinte et dessinée par des milliers de grands peintres. Son nom Salute signifie à la fois Santé et Salut. Elle signe la fin d'une peste majeure qui va décimer un tiers de la ville en quelques mois entre 1630 et 1631. Le Sénat et le Doge Niccolo Contarini (qui en mourra avec toute sa famille) décide la construction d'une église en face de la Piazza dédiée à la Vierge pour l'implorer de faire cesser le fléau. Pour être complet, lire plus bas  « La peste à Venise ».

Un appel d’offres est lancé par le Doge, où il est bien précisé que l’église devra être « impressionnante », mais « pas chère »  (rien n’a changé). Finalement, sa construction est confiée à Baldassare Longhena qui, à 26 ans, qui va y consacrer 50 ans, et cela ne suffira pas, il meurt en 1682. L'église, reprise par Gaspari, est achevée en 1687 (consécration officielle en novembre). Il s’inspira beaucoup des solutions définies par l’architecture classique d’Andrea Palladio, avec des additions nouvelles. Longhena a travaillé avec Scamozzi (architecte d’église aussi très connu ayant travaillé avec Sansovino et Palladio).

Extérieur

Basée sur plus de 1 000 000 pieux (certains annoncent 1 156 627 ! et d'autres dont le très sérieux Paolo Giordani donne 1110000) enfoncés dans la pointe de Dorsoduro, c'est un imposant édifice baroque à double coupole (la grande fait 24 m de diamètre), de forme octogonale rappelant la couronne de la Vierge. L'extérieur frappe par ses "orrechionni", gros contreforts en volutes soutenant la structure interne entre dôme et façades. Un escalier monumental permet d’accéder à l’entrée, ornée d’un grand portail, et d’un immense tympan palladien sur lequel la statue de la Vierge est posée, au milieu de beaucoup d’autres personnages et d'anges. Des façades palladiennes moins larges jalonnent les  côtés de l’entrée et identifient les chapelles à l’intérieur, elles aussi décorées de statues et de niches. D’ailleurs, Longhena s’est largement servi des principes architecturaux d’Andrea Palladio. A part les parties plus à l’arrière de l’ensemble, on retrouve tous les ingrédients de l’architecture classique qui succéda au gothique avec le grand architecte de la Renaissance.

Le dôme central est très élevé, il est surmonté d’une grande lanterne au sommet de laquelle la statue de la Vierge bénit la ville en brandissant le bâton de Capitan del Mar (pourquoi ?). Un second dôme derrière, plus petit, se trouve au-dessus du choeur, il abrite une statue de Saint Marc. 

L’église possède deux campaniles, plus fins mais imposants en hauteur (48m), situés derrière de part et d’autre du chœur et de la coupole, ils sont bien intégrés à l’ensemble. Un seul possède des cloches.

Intérieur

L’intérieur est en trois parties. Le narthex (espace entre l'entrée et l'intérieur de la nef) est une construction oblongue donnant sur l’escalier et introduisant à la rotonde immense, octogonale. 

La coupole fait 24m de diamètre, elle est supportée par de grandes colonnes de 15m de hauteur. Autour de la ceinture en hauteur, on trouve les statues de principaux prophètes. Tout le centre est vide, permettant à la fois un poids moins important et une vision élargie des chapelles autour et du chœur en face. Le chœur est en profondeur dans un espace ovale qui prolonge le sol de la coupole.

Le pavement magnifique est constitué de plaques de marbre polychromes évoquant un damier en 3D, convergeant vers un centre composé d’une magnifique rosace multicolore, placé à l’intérieur d’un cercle de motifs qui imitent un trou dans le sol, les 5 roses du centre paraissant en-dessous du niveau du sol.

Les chapelles de droite sont dédiées à la Vierge. Les retables, réalisés par Luca Giordano, évoquant la Présentation au Temple, la Naissance, et l’Assomption, dans un ordre non chronologique. 

Dans le chœur, le maître-autel est de Baldassare Longhena, flanqué de deux grandes statues de Saint Marc et de Saint Laurent Giustiniani. Derrière, belles stalles du 15ème siècle et un orgue de Francisco Dacci (fin 18ème). Chandeliers en bronze du 16ème siècle. Derrière, belles stalles du 15ème siècle et un orgue de Francisco Dacci (fin 18ème). Chandeliers en bronze du 16ème siècle. Groupe de sculptures de Giusto Le Court (Hollandais) représentant la Vierge et la Santé chassant la Peste (sous la forme d'une vieillarde en haillons) de Venise. La Madone est une icône rapportée de Crète par Francesco Morosini en 1676 quand Venise a dû céder la Crète aux Ottomans.

Une chapelle à gauche abrite un Titien réalisé en 1555 (Descente du Saint Esprit). A noter que le Titien est mort de la peste un peu plus tard.

La sacristie possède aussi un plafond fait par le Titien, ainsi que d’autres toiles du Tintoret, des Palma ou de Padovavino.

La peste à Venise

En effet, à Venise il y avait un incessant brassage des populations, de marins, de commerçants, d’ouvriers, d’étrangers, d’esclaves, de bourgeois artisans ou de Nobles, arrivant de toute l’Europe, communiquant avec la Turquie, le Moyen-Orient ou même les Indes ou la Chine, (comme Marco Polo mais il était loin d’être le seul). 

Et bien sûr, on y prenait toutes les maladies possibles. Dont la peste, et celle qui fera construire la Salute n’est pas la première.

La Peste a frappé six fois (au moins) à Venise, avec des hécatombes (1348, 1462, 1485, 1506, 1575, 1630). En 1320, une première peste noire venue des steppes mongoliennes tua presque 60% des Chinois et se propagea pendant 30 ans dans le monde oriental puis dans toute la Chrétienté.

En 1468, le Sénat de Venise, en plus des lazarets existants (sur des îles appelées Lazaretto Vecchio et Lazaretto Nuovo près du Lido) et hébergeant les malades locaux, décide de mettre "en quarantaine" tous les bateaux et marins venant de l'étranger. Le mot "quarantaine" vient de ce laps de temps imposé par le Sénat. Non seulement les hommes y étaient placés et surveillés, mais aussi toutes les marchandises, et même les bateaux qui, selon leur lieu de départ, étaient démontés, et purifiés dans l'île du Lazaretto (avec des fumées, de la chaux et des vinaigres, maigres remèdes). 

En 1575, une énorme épidémie ravage toute l’Europe, et Venise n’est pas en reste. Près de 50000 morts dans les deux années qui suivent, avec très peu de mesures pour assainir ou traiter les lieux et les gens. 

De nouveaux lazarets apparaissent, placés sur les îles au large dans la lagune, ou même dans des bateaux arrimés au large. On y entasse les malades qui ont quelques heures à vivre, les manipulateurs sont des prisonniers ou des étrangers, et quelques congrégations religieuses. En 1576, le Titien, le plus grand peintre de la Renaissance, en meurt (il avait quand même 90 ans …). 

Devant ce fléau, en 1575, le Sénat implore l’aide de Dieu en personne pour conjurer l’épidémie. Il décide de faire construire à la Giudecca (la grande île du sud de Venise qui doit son nom aux Juifs originellement vivant là) la Chiesa del Santissimo Redentore. La première pierre est posée le 3 mai 1577. 

Curieusement, la maladie a déjà régressé, et se termine en juillet 1577. Alors on fait un immense pont de barques de 600 mètres de long, et on part en procession sur le chantier. Cette fête perdure tous les ans depuis, et mobilise pas mal de monde. Et la Redentore est achevée.

Rebelote si l’on ose dire en 1630. 

Partie de Lombardie, la peste atteint début 1630 Mantoue assiégée par Ferdinand (on est en guerre de Trente ans avec une défaite cuisante de Venise contre l'Espagne et le Pape). Des ambassadeurs arrivent à sortir et à aller à Venise pour demander des vivres, ils sont isolés sur l'île de San Servolo. Mais en juillet 1630 un menuisier habitant près de l’église Sant’Agnese travaillant chez l'ambassadeur et sa famille terrassés par la peste, l'introduit dans Venise, et elle se propage rapidement compte tenu de la situation sanitaire et des mouvements de populations.

On organise des processions sans fin sur la Piazza, des chasses aux "propagateurs de peste" (les Untori). On importe des barges de chaux vive de Trévise, on fait construire des milliers de lits à l'Arsenal (la moitié des Arsenalotti mourront) pour les mettre à San Servolo. 

Le 22 octobre 1630, le Sénat et le Doge font le vœu de construire une église, celle-ci dédiée à la Saint Vierge, et d'y organiser une procession solennelle annuellement. Avec 14000 morts en novembre, la (dernière) peste va tuer en tout plus d'un quart de ville (50000 morts environ en tout) jusqu'en novembre 1631 où elle s'éteint comme elle était arrivée. On rase toute la pointe de Dorsoduro, on y plante plus d’un million de pieux, et on bâtit dessus.

Entretemps, le jeune Baldassare Longhena est choisi comme architecte de la nouvelle église, on rase le vieil hospice existant,  un emprunt est levé, 10000 ducats sont demandés aux Juifs, Niccolo Contarini Doge pose la première pierre le 1er avril 1631, et meurt tout de suite après avec la dogaresse et sa famille, de la peste. 

Prévue pour le 21 novembre, la première procession à la Salute eut lieu le 28 novembre avec un pont de barques enjambant le canal (comme pour la Redentore, mais c’est nettement moins compliqué). La tradition se perpétue avec des flots énormes de touristes pour l’’occasion.

Adresse : Campo della Salute - 1 Dorsoduro

Horaires : Lun-Sam, 09:00-12:00 15:00-17:30 

Sources : 

http://www.campiello-venise.com/fete_de_la_salute/fete_de_la_salute_2.htm

http://www.comune.venezia.it/flex/cm/pages/ServeBLOB.php/L/FR/IDPagina/3455

http://www.e-venise.com/fetes_venise/fete-de-la-madonna-de-la-salute-venise-1.htm

 

Rev4 02/11/2023

Partie de Lombardie, la peste atteint début 1630 Mantoue assiégée par Ferdinand (on est en guerre de Trente ans avec une défaite cuisante de Venise contre l'Espagne et le Pape). 

Des ambassadeurs arrivent à sortir et à aller à Venise pour demander des vivres, ils sont isolés (sur l'île de San Servolo  selon le campiello, San Clemente selon e-venise). 

Mais en juillet 1630 un menuisier habitant près de Sant'Agnese, travaillant chez l'ambassadeur et sa famille terrassés par la peste, l'introduit dans Venise. Le guide en images de Dorsoduro Est fait passer devant sa maison. 

Elle se propage à toute vitesse. En août les Nobles fuient la ville et sont rappelés. On organise des processions  sans fin sur la Piazza, des chasses aux "propagateurs de peste" (les Untori). Mis à contribution, la moitié des Arsenalotti mourra. 

Avec 14000 morts en novembre, la (dernière) peste va tuer plus d'un quart de ville (50000 morts environ en tout). Entretemps, le jeune Baldassare Longhena (26 ans) est choisi comme architecte de la nouvelle église. 

Il y travaillera 50 ans jusqu'à sa mort en 1682 ! Gaspari la termine en 1687. On rase le vieil hospice existant,  un emprunt est levé, 10000 ducats sont demandés aux Juifs.  On plante 1 million de pieux.

Niccolo Contarini Doge pose la première pierre le 1er avril 1631, et meurt tout de suite après avec la dogaresse et sa famille, de la peste. En novembre 1631 la peste disparait comme elle était arrivée.  

Prévue pour le 21 novembre, la première procession à la Salute à peine commencée eut lieu le 28 novembre avec un pont de barques enjambant le canal. 

Des dizaines de peintres ont immortalisé cette belle église octogonale très originale, ici Claude Monet 

Là, Turner.

La Vierge surplombe le tympan de l'entrée. Ses dimensions sont basées sur le chiffre cabalistique 11 : longueur 121 pas (de 32cm), largeur 88, chacun des 8 côtés 44, les orrechioni à 66 ! 

La Vierge est aussi au sommet du dôme central. Beaucoup moins visible car très haut placée, elle bénit la ville avec un bâton de Capitan del Mar. 

Les "orecchioni" 'grandes oreilles)sont ces gros contreforts en spirale soutenant la grande coupole, comme les contreforts gothiques, mais bien plus élégants. 

L'intérieur est une vaste surface octogonale vide, marquée par d'imposantes colonnes de 15m soutenant la grande coupole, et 6 chapelles sur les côtés entre l'entrée et le chœur. 

La coupole principale, ornée de statues de Tommaso Rues, représentant les Prophètes, Baruch, David Ezéchiel, Isaïe, Jérémie, Osée, Daniel, etc. Visite par la droite. 

Le sol est richement orné de pavements extraordinaires qui remplissent le vide du centre de l'église (sans doute pour ne pas alourdir l'ensemble). 

Au centre,  une rosace magnifique multicolore, ornée de cinq roses, que l'illusion formée par les pavés noirs et blancs fait paraître sous le niveau du sol. 

Bénitier avec Jean-Baptiste (A. Vittoria), de l'autre côté le même avec Saint Marc.

Les trois autelsde droite sont illustrés par Luca Giordano et évoquent la Vierge (mais de façon anachronique). 

Autel de la Présentation de Marie au Temple (1674). Ressemble fortement à celle du Tintoret à Madonna dell’Orto, mais en moins bien. 

Autel de l'Assomption. Statue de Girolamo Miani (Giovanni Maria Morlaiter). 

Autel de la Naissance de la Vierge (1674). Anne la parturiente est au fond, à peine visible (ce qui fait penser au Tintoret avec la naissance de Jean Baptiste qui place les parents presque en dehors du tableau).

Les aides-soignantes au premier plan sont très bien habillées autour de la Vierge. La naissance de Marie faite plus tard par Nicolo Bambini en 1709 (église San Stefano), lui ressemble beaucoup. 

Le chœur avec l’autel de Baldassare Longhena.

De part et d'autre, deux grandes statues de Saint Marc et de Saint Laurent Giustiniani. 

L'autel est coiffé de sculptures de Giusto Le Court (Hollandais) représentant la Vierge, avec à sa droite la Santé (Salute) chassant la Peste (sous la forme d'une vieillarde en haillons) de Venise. 

La Madone du tabernacle est une icône rapportée de Crète par Francesco Morosini en 1676 quand Venise a dû céder la Crète aux Ottomans.

Si on passe derrière l'autel on découvre le choeur des moines avec des statues et  un orgue de Francisco Dacci (fin 18ème). Le plafond est décoré par Giuseppe Salviati (Elie nourri par l'ange, La Manne, Habacuc et Daniel). 

Dans les petits médaillons, 4 Evangélistes et 4 Docteurs de l'Eglise réalisés par le Titien à 70 ans (bien avant bien sûr, il est mort en 1576 de la peste de 1575), et disparus. 

Descente de la Manne (Il Salviati). 

On y trouve aussi une petite chapelle joliment décorée. 

Descente de la Manne (Il Salviati). 

Magnifiques stalles très décorées.

Revenons dans l'église, à gauche du chœur, c'est l'autel de la Descente de l'Esprit Saint (Le Titien, 1555 ou 1541 ?). 

Devant l'autel, une tapisserie de la Pentecôte (Lazzaro Bastiani).

Mais aussi, un panneau indiquant l'entrée de l'ancienne sacristie, à ne pas manquer (vérifier quand elle est ouverte). Elle renferme des merveilles.


Dans la première grande salle, des tableaux de maître partout, et un pavement d'origine remarquable. 

Sur l'autel de la grande sacristie, un grand retable du Titien (1570).


Saint Marc en gloire, entouré de Saint Cosme et Saint Damien, à gauche. 

Comme à son habitude, Le Tintoret s'y est représenté, dans le premier apôtre à gauche en toge jaune. 


Les Noces de Cana (Le Tintoret, 1561). 

Comme à son habitude, Le Tintoret s'y est représenté, dans le premier apôtre à gauche. 

Et surtout,  il faut admirer les splendides servantes qui versent l'eau dans les jarres, avant que le Christ, au bout de la table, ne la transforme en vin. Le Tintoret mettait des femmes partout ! 

Sur le mur donnant sur la deuxième salle, des tableaux de Giuseppe Porta (Il Salviati), peintre maniériste lui aussi 

La dernière Cène.

David rapportant la tête de Goliath.

La sortie du tombeau.

Mais aussi, ne pas manquer d'admirer les petits formats extraordinaires de La Vierge en prière, de différents auteurs. En haut, la madone priant de Sassoferrato..

Plafond du Titien, à droite Caïn et Abel (1570), Abraham et Isaac (et David et Goliath). Difficiles à voir avec la lumière.

A côté, la salle des ex-votos, en grand nombre et très anciens. On y trouve aussi des tableaux en lunette représentant les Evangélistes. 

Mattieu et l'ange.

Jean

Marc.

Luc et le taureau.

On sort de la sacristie et on poursuit avec la 2ème chapelle à gauche et l'autel de Saint Antoine. 

Venise aux pieds de Saint Antoine de Padoue (Pietro Liberi, 1656). La Venise est moins belle que celle du Palais des Doges, mais semblable à bien d’autres peintes dans Venise.

Le trône  de Pie X.

Autel de l'Annonciation (Pietro Liberi, 1674).

L’ange annonciateur est immense et la Vierge est vraiment effarouchée (y a de quoi …). 

Et le Père Eternel dans les cieux semble apprécier.