Guide en images des églises de Venise

Santa Maria Assunta (Torcello)

Note préliminaire : il existe une brochure en couleurs et en français de la basilique et de Santa Fosca (Associazione Sant'Apollonia). Ce livret est très bien fait et j'ai longtemps hésité à faire ce guide en images, car celui qu'on peut se procurer à Torcello donne beaucoup d'informations.

Histoire

Torcello est une île emblématique de la lagune de Venise. Les Vénètes sont des fermiers ou pêcheurs vivant sur la côte, à l'époque (de -700 avec leur siège à Este, à +400 environ), mais ils subissent les invasions successives, d'abord des Spartiates en -302, entraînant une première incursion d'émigrés dans les marais insalubres mais inaccessibles à l'ennemi vers Rivo Alto et des salines de la baie dont Torcello (on a trouvé des ruines de maisons romaines datant d'environ l'an 100), puis après 160 des "Barbares" venus du Nord : Quades, Marconiens, Sarmates, en 250 les Alamans, les Jutes, en 390 les Goths de Théodose et les milices d'Alaric. Un raz-de-marée vers le 5ème (date non prouvée) dévaste tout.

En 452 cela continue avec Attila qui détruit Aquilée et produit une émigration massive dans les îles de la lagune, en 486 avec Théodoric, en 560 avec les Lombards du roi Albouin, avec des flots de réfugiés emmenant tous leurs biens (jusqu'aux pierres de leurs maisons ou leurs églises). Il y avait déjà des habitants lorsqu'Altinum (la ville romaine sur la terre ferme juste en face) fut détruite en 452 par les Huns d'Attila. Reconstruite par les réfugiés revenus, Altinum devient le point d'arrivée des grumes du Trentin. Mais en 638, elle est de nouveau saccagée par les Lombards, la population fuit et on transfère l'évêché à Torcello où on élève la basilique Santa Maria Assunta, avec Eraclée comme capitale du gouvernement byzantin.

Torcello devient un siège important politique et commercial, et vers 1500, la ville compte 30000 habitants, 15 églises, des tours et des palais. Les pêcheurs devient de riches notables, le commerce fleurit, mais bientôt, l'ensablement des canaux et les maladies (peste ou malaria) condamnent rapidement la ville, surtout avec l'apogée de Venise, où sont transportées des milliers de pierres taillées, de marbres et de sculptures. Torcello est une ville fantôme, aujourd'hui une centaine d'habitants, mais avec encore des vergers et des cultures. Il subsiste les deux églises Santa Maria Assunta et Santa Fosca qui ont conservé leur charme byzantin unique, ce qui fait de Torcello une visite incontournable. REF GB 224, GV152, EDV 374, WE70.

Santa Maria Assunta est créée sur ce site en 639 (il n'en reste que le bas de la façade) par Isaac l'Exarque de Ravenne (siège de cette région gouvernée par l'empereur Heracleius de Byzance, une inscription est visible à gauche du chœur), et des modifications importantes sont faites vers 864-867.

Le bâtiment actuel (avec le campanile) est de 1008, refait par l'évêque Orso Orseolo, fils du Doge Pietro II Orseolo, qui surélève le niveau, ouvre des fenêtres. Il est curieux de voir le portique principal déboucher directement dans le baptistère arrondi dont il ne reste que des ruines mais qui est très ancien. Aux 12ème et 13ème siècles, les mosaïques de la contre-façade et du chœur apparaissent.

Une restauration a lieu en 1423 (tableaux de l'iconostase), puis en 1646 (la foudre endommage en 1640 les bâtiments et surtout le campanile). Les Autrichiens entament des travaux de consolidation entre 1821 et 1827, mais la restauration des mosaïques est catastrophique. Ce n'est qu'en 1939 que la basilique et Santa Fosca font l'objet d'une "purification" qui élimine les ajouts malheureux faits à l'époque baroque, et l'église retrouve son aspect originel. Les mosaïques sont restaurées par Venise en Péril et d'autres, en 1977-1985 et 2002.

Extérieur

Le site est occupé par des vestiges très anciens (romains ?), et deux grandes églises, très différentes : Santa Fosca, à l'abside généreuse et qu'on voit en premier, et Santa Maria Assunta, dont l'entrée est insignifiante mais l'intérieur extraordinaire. Les deux églises doivent être vues. Sur le pré où le chemin depuis le Vaporetto aboutit, on y trouve des colonnes, et ce qu'on appelle le trône d'Attila (celui-ci n'a pas dû passer loin avec les ravages qu'il a faits sur tout le Nord de la Vénétie, après bien d'autres invasions de Barbares).

Santa Maria Assunta est munie d'un long narthex à colonnes qui se prolonge de chaque côté de l'entrée vers Santa Fosca. Le portail en marbre se trouve devant un baptistère (ou ce qui en reste) semi-circulaire. La façade est en briques, haute, avec onze lésènes qui marquent les nefs latérales, les deux fenêtres hautes et les oculus.

Le haut campanile de 55m de haut fut construit au 11ème siècle et servait aussi de tour de guet. Avant sa restauration récente, il faisait office de pigeonnier !

Intérieur

On y trouve une structure byzantine à 3 nefs, séparées par de courts pilastres corinthiens. Une iconostase sépare le fond de l'église de la partie centrale, avec en partie basse des bas-reliefs finement sculptés de lions et de paons. La contre-façade est ornée d'une immense mosaïque byzantine décrivant le Jugement Dernier (12ème et 13ème siècles). De même, le chœur et les chapelles absidiales sont décorés de magnifiques mosaïques qui datent aussi du 12ème siècle (certains disent 11ème), dont la Vierge byzantine "Theotokos" (Mère de Dieu), dominant les Apôtres. A noter aussi le pavement aux grandes mosaïques qui rappellent Santi Maria e Donato à Murano. Le chœur contient les reliques de Saint Héliodore (un copain de Saint Jérôme, Hieronimus ou Girolamo), rapportées en 635.

Adresse : Isola di Torcello (ligne 12)

Horaires : 10:30-18:00 mars-octobre (mais cela peut varier)

Rev3 06/05/2019

On y arrive par un long chemin bordant le canal au départ de la station du Vaporetto. La basilique et le campanile (il était encore plus élevé car il servait de tour de guet).

En arrivant on commence par voir Santa Fosca. (qu'il ne faut pas négliger, elle est pleine de surprises, avec son plafond en bois et ses mosaïques). Voir aussi, derrière, son architecture originale.

SM Assunta est à sa gauche, reliée par des arcades, on peut distinguer sur la façade six bandes d'encadrement verticales, et les ouvertures et œil-de-bœuf murés plus tard pour faire la mosaïque de la contre-façade).

L'entrée se trouve sous le long narthex à colonnes, à droite.

La porte principale originelle donne sur le grand baptistère extérieur circulaire (celui-ci se prolongeait en fait à l'intérieur sous le porche), elle est entourée de deux niches qui devaient contenir des autels.

Les arcades menant à l'entrée (deux colonnes ont été rajoutées au 15ème siècle pour rejoindre Santa Fosca).

Ce que l'on voit en entrant. A gauche la contre-façade et sa mosaïque. Les deux ouvertures circulaires et les deux fenêtres cintrées (visibles de l'extérieur) qui dataient de 1008 (date de la reconstruction par Orseolo) ont été murées.

L'iconostase et le chœur. Remarquer aussi les poutres de bois horizontales reliant les colonnes ainsi qu'entre les trois nefs, et les fenêtres latérales côté sud (pas côté nord). La nef centrale comporte deux ensembles de colonnes de marbre grec aux chapiteaux corinthiens dont certains datent du 7ème (2ème et 6ème à droite).

La nef droite (tout ceci est couvert de mosaïques et donne une atmosphère typiquement byzantine rappelant Ravenne).

Le Jugement Dernier date des 11ème et 12ème siècles (mais on pense que les mosaïques ont été refaites ultérieurement).

Tout en haut sous le toit, Jésus crucifié, son sang giclant copieusement de sa plaie, avec Marie et Saint Jean l'Evangéliste.

En dessous, Jésus triomphant du mal et foulant les démons, tenant une croix.

A ses côtés, Saint Jean Baptiste le montrant, et un groupe de Prophètes.

Jésus tire Adam du royaume des morts, avec Eve en prière devant les rois David et Salomon.

Différents moments du Jugement Dernier sont décrits dans les registres en-dessous. Le Christ apparait entre la Vierge et Saint Jean Baptiste, dans une amande tenue par deux séraphins (symbolisant la nature divine dissimulée sous une enveloppe corporelle).

De cette amande part un fleuve de feu (ancien testament) alimentant l'Enfer en-dessous. De part et d'autre du Christ, deux anges aux riches vêtements.

Puis les douze Apôtres (six de chaque côté) et derrière, des anges.

Plus bas, on a au centre une scène avec le trône du triomphe de la Croix, les instruments de la Passion, avec Adam et Eve implorant miséricorde, et de part et d'autre, des résurrections de morts.

A droite, deux anges ressuscitent des morts en mer.

A gauche, les morts sortent des tombeaux.

En dessous un registre avec au centre la Pesée des âmes, avec dans la lunette de la porte Marie en prière.

La pesée des âmes : les Anges mettent les bonnes et mauvaises actions du défunt sur la balance, les démons tentant de pousser le plateau de leur (mauvais) côté.

Sur la droite, un grand panneau illustrant les Orgueilleux chassés par les lances des anges, avec un Lucifer assis avec l'Antéchrist sur ses genoux.

En dessous, 6 panneaux décrivant les autres péchés capitaux : Luxurieux, Gourmands, Coléreux, en-dessous les Envieux (crânes d'où sortent des vers), les Avares, et les Paresseux.

Sur la gauche, les Elus assistent à la pesée.

En-dessous, le Paradis avec Saint Pierre et Saint Michel devant la porte, le Bon Larron portant la Croix et la Vierge, avec Abraham à sa droite entouré des âmes en attente. (visite par la gauche).

Nef gauche, la Vierge de Miséricorde du Tintoret (plutôt de son école), et en-dessous un sarcophage en bois doré, contenant (curieusement) deux reliques superposées.

Magnifique autel en bois polychrome de Paolo Campsa (1526), très bien restauré en 2000 représentant Saint Liberale entre Saint Jérôme et Saint François.

Remarquable aussi en se rapprochant, la prédelle en-dessous décrit des scènes de la vie de Saint Liberale.

L'ambon (la chaire). Il y en avait un autre au 11-12ème siècle, on les a réunis avec un plus petit au début de l'escalier (pour l'Epître) soutenu par une seule colonne, et un plus haut soutenu par 4 colonnes (pour l'Evangile).

En continuant la nef gauche, les restes d'une fresque dans l'arcade, des tombes de religieux.

Ici la Chapelle (abside) de gauche, qui mériterait un rafraîchissement.

Sur le mur de séparation en briques, une pierre encadrée de noir rappelle la création de la première église en 639. Le chœur est couvert de mosaïques du 12 et 13ème siècle (restaurées plusieurs fois ensuite).

De part et d'autre de l'arcade, une Annonciation avec Gabriel à gauche tendant son bras vers …

… la Vierge à droite, tenant un fuseau et son panier posé à terre.

Au centre, la Vierge représentée de la façon la plus classique de la tradition byzantine, en péplum bleu à franges dorées, montrant de la main droite Jésus en basileus tenant le rouleau de la Loi. Dans l'arcade une inscription latine sur la nature humaine et divine du Christ (voir le guide de l'église).

Et sous la Vierge, un bandeau horizontal qui la sépare des Apôtres avec une autre inscription latine louant Marie et Jésus libérant les hommes du péché originel.

Les douze Apôtres, nommés et peints sur un parterre de coquelicots, avec au centre sous la fenêtre d'Héliodore évêque d'Altino juste avant l'invasion lombarde définitive de 639.

En-dessous, des plaques de marbre et des gradins en briques (pour les religieux) avec un escalier de dix marches conduisant au trône épiscopal. (les Commandements ?)

L'autel, changé en 1939 simplement avec une pierre de marbre grec. Sous une plaque de verre, l'ancien pavement de l'église primitive. Sous la grille (la fosse du martyre) devant l'autel, un sarcophage roman rapporté d'Altino en 639 par des Réfugiés et contenant les reliques de l'évêque Saint Héliodore.

On passe dans la chapelle de droite (du Saint Sacrement ou Diaconinon) et ses somptueuses mosaïques, refaites au 12ème siècle sur la base de l'église d'origine et des premières mosaïques du 9ème.

En bas les Docteurs de l'Eglise (Augustin, Ambroise, Martin et Grégoire), au-dessus le Christ bénissant sur son trône, et deux anges.

Sur la voûte, au centre l'Agneau mystique saignant du ventre (symbole du salut), et des décorations de vigne, de lys, de grappes et de grains de blé.

Pavement de la nef droite.

L'iconostase vue du chœur.

Le pavement du chœur (13ème siècle).

De ce côté de l'iconostase, on peut voir la Vierge Marie et l'Enfant, entourée des 12 Apôtres.

Selon d'autres sources, les tableaux de ce côté dateraient du 16ème siècle.


De l'autre côté, on retrouve la Vierge, avec des peintures de Saints en tempera et or sur bois plus abîmées (Zanino di Pietro, vers 1423, mais selon d'autres sources, du 11ème siècle).

Maure, Nicolas, Théodore, Jérémie, Raphaël, Liberale, Teonisto, Jean-Baptiste, Isias et Gabriel. A noter au-dessus le crucifix en bois du 15ème aussi.

Sous l'iconostase, de magnifiques panneaux de marbre décorés, du 11ème, entre les petites colonnes, ici les paons buvant dans le Calice. (à comparer avec d'autres mosaïques comme à Santi Maria e Donato à Murano).

Les deux lions, soit du 11ème siècle et rapportés de Venise au 14ème lors de la réfection de Saint Marc, soit du 5ème siècle provenant de Byzance et rapportés d'Altino.

Retable en bois polychrome de Campsa représentant le premier évêque d'Altino, Héliodore, sculpté par Antonio de Poris, entouré de Saint Antoine et Saint Nicolas de Bari, au-dessus, l'Annonciation, et en dessous des scènes de la vie de Teonisto.

Après la porte d'entrée, l'autel du 16ème siècle, avec le Massacre des Innocents (école du Véronèse).