Contactez-moi : jeanclaude.syre sur gmail.com
Curieuse petite île de la lagune, à 2km de la Piazza et à peine 100m du Lido, rectangulaire de plus : en fait San Lazzaro est une toute petite île originellement de 8000 m2, qui a été agrandie plusieurs fois au 19ème et 20ème siècles pour atteindre 30 000 m2, ce qui a du demander des années et un énorme travail !
On sait qu’elle était habitée dès le 9ème siècle (810), sous la garde de moines bénédictins de St Hilaire à Fusina. Au fil du temps l’île a eu multiples usages : une léproserie fondée au 12ème siècle (1182, après le don à un riche Vénitien, qui y transfère des lépreux depuis San Trovaso), puis un hôpital (1262, l’hôpital de San Trovaso y est installé). En 1348, une nouvelle église est construite, et l’hôpital n’ayant plus de lépreux, accueille des mendiants (Hôpital San Lazzaro dei Mendicanti, qui sera déplacé à San Giovanni e Paolo en 1601).
C’est au tour des Dominicains d’occuper l’île en 1651, puis aux Jésuites en 1678. Le Sénat les expulse pour y créer une usine d’armement en 1684 pour la guerre de Morée. Quand elle se termine, San Lazzaro devient déserte et tombe en ruines.
Tout change en 1715. Mékhitar de Sébaste, fondateur d’un ordre catholique en 1701 à Constantinople, se réfugie en Morée à Méthonie en 1703. Mais les Ottomans prennent aussi possession de la Morée. Des commerçants vénitiens (ou la flotte militaire), fuyant aussi, emmènent Mékhithar et 12 de ses moines à Venise en 1715.
Le 8 septembre 1717, le Sénat cède l’île en ruines à la communauté arménienne, qui se met à la restaurer dès 1718. Le monastère est terminé en 1740, ainsi que les jardins et l’église. Mékhitar décède en 1749.
Napoléon arrive, les ordres monastiques sont supprimés et leurs biens confisqués, sauf San Lazzaro qui échappe en 1810 à la destruction. Un document signé de l’Empereur est visible au monastère.
La congrégation mékhitariste poursuit le développement de l’île, avec une imprimerie (créée en 1789 agrandie en 1825, mais arrêtée en 1991 au profit de leur propre maison d’édition près de Milan), une bibliothèque impressionnante, la réfection de l’église et des embellissements dans les bâtiments et les jardins.
Le 4 novembre 1966, une acqua alta de près de 2m submerge l’île et ses bâtiments (sauf la bibliothèque), et une autre acqua alta se produit en 2019.
De 2002 à 2004, une grande campagne de restauration des lieux est entreprise par la Magistrature des Eaux et le ministère italien.
Aujourd’hui, San Lazzaro est une destination quasi obligatoire pour les Arméniens, c’est le troisième centre culturel arménien au monde. 16 moines y résident et perpétuent la langue et la culture. Pour les touristes aussi, San Lazzaro est un havre de paix, accessible en quelques minutes avec le Vaporetto 20. D’autres personnalités y sont venues : Lord Byron en 1816, qui y apprend l’arménien et écrit une grammaire, un dictionnaire anglais-arménien et une histoire de l’Arménie (une inscription orne un mur extérieur du monastère). Mais aussi Gogol, Musset et George Sand, Marcel Proust, Richard Wagner, Offenbach, etc.
L’arrivée par le vaporetto 20 sur l’embarcadère se fait sur un beau jardin arboré et fleuri derrière lequel on voit le monastère qui occupe la majorité de l’île. Les bâtiments sont en briques rouges parsemées de plaques en marbre. Le jardin est toujours très bien entretenu par un jardinier (car les moines se consacrent non au travail mais à la prière et à la formation des novices ici). On y trouvera une belle statue de Mékhitar (1962) et un khatchkar du 14ème siècle (stèle arménienne).
L’entrée unique du monastère conduit au cloître carré, entouré de 42 colonnes doriques. Il abrite un magnifique jardin arboré et un puits du 15ème siècle. Dans les couloirs sous les arcades, les murs arborent des vestiges retrouvés ici datant des Etrusques et des Romains, et des inscriptions décrivant l’histoire des principaux responsables du monastère (en général en italien mais aussi en arménien). Les bâtiments entourant le cloître sont très bien restaurés et rendent l’endroit calme et serein, où on voit encore les moines arméniens déambuler sans se préoccuper des touristes.
L’intérieur qui se visite se compose de plusieurs paries, à l’intérieur du monastère.
Au 1er étage, un long couloir rassemble une foule d’objets et de tableaux ou statues. Puis c’est la bibliothèque, la salle des momies, et surtout la rotonde des manuscrits. Enfin, la visite de l’église conclut cette visite très intéressante (voir dans la suite les images et les commentaires).
Adresse : Isola di San Lazzaro degli Armeni
Horaires : Visite guidée (très recommandée) tous les jours à 15 h 25 (départ de San Zaccaria avec la ligne ACTV 20 à 15 h 10), contacter éventuellement avant : visite@mechitar.org
Rev1 04/11/2025
Curieuse petite île de la lagune, à 2km de la Piazza et à peine 100m du Lido, rectangulaire de plus (image Google Earth).
Originellement de 8000 m2, elle a été agrandie plusieurs fois au 19ème et 20ème siècles pour atteindre 30 000 m2.
Habitée dès 810, sous la garde de moines bénédictins de St Hilaire à Fusina, elle a eu multiples usages : une léproserie en 1182, puis un hôpital en 1262.
En 1348, une nouvelle église y est construite, et l’hôpital désert accueille des mendiants. Il sera déplacé à San Giovanni e Paolo en 1601.
Tout change en 1715. Mékhitar de Sébaste, fondateur d’un ordre catholique en 1701 à Constantinople, se réfugie en Morée à Méthonie en 1703. Mais les Ottomans prennent possession de la Morée, et des commerçants vénitiens, fuyant aussi, emmènent Mékhithar et 12 de ses moines à Venise en 1715.
Les Dominicains occupent l’île en 1651, puis les Jésuites en 1678. Le Sénat les expulsent pour y créer une usine d’armement en 1684 pour la guerre en Morée. La guerre terminée, San Lazzaro devient déserte et tombe en ruines.
Le 8 septembre 1717, le Sénat cède l’île en ruines à la communauté, qui se met à la restaurer dès 1718. Le monastère est terminé en 1740, ainsi que les jardins et l’église. Mékhitar décède en 1749.
Napoléon arrive, les ordres monastiques sont supprimés et leurs biens confisqués, sauf San Lazzaro qui échappe en 1810 à la destruction.
La congrégation mékhitariste poursuit le développement de l’île : une imprimerie créée en 1789 mais arrêtée en 1991, une bibliothèque, la réfection de l’église, etc.
Dans le jardin arboré et fleuri, la statue de bronze de Mékhitar et son portrait à l’intérieur.
On entre dans le monastère par une petite porte surmontée d’une statuette de la Vierge à l’Enfant, et un couloir menant au cloître.
Aujourd’hui, San Lazzaro est une destination quasi obligatoire pour les Arméniens, c’est le troisième centre culturel arménien au monde. 16 moines y résident.
L’entrée unique du monastère conduit au cloître carré, entouré de 42 colonnes doriques.
Vue du pont de l'Accademia.
Monet (et beaucoup d'autres).
Les bâtiments entourant le cloître sont très bien restaurés et rendent l’endroit calme et serein, où on voit encore les moines arméniens déambuler sans se préoccuper des touristes.
En 1966, une acqua alta de près de 2m submerge l’’île et ses bâtiments (sauf la bibliothèque), et une autre acqua alta se produit en 2019.
Beaucoup de dégâts, mais une restauration importante de 2002 à 2004 remet (presque) tout comme avant. Noter le puits du 15ème siècle et des essences rares.
Lord Byron y séjourne en 1816, apprend l’arménien, écrit une grammaire, un dictionnaire anglais-arménien et une histoire de l’Arménie. Mais aussi Gogol, Alfred de Musset et George Sand, Marcel Proust, Richard Wagner, Offenbach, etc.
Le Père Hamazasp sert de guide (précieux) à la quinzaine de touristes de toutes nationalités, car la langue arménienne est spéciale.
.
On emprunte l’escalier dit « de Mékhitar » avec des tableaux aux murs. Au plafond, fresque représentant Habacuc prophète (vers -600) et l’Archange Saint Michel (Francesco Zugno, qui a signé beaucoup de tableaux ici).
L'intérieur est une vaste surface octogonale vide, marquée par d'imposantes colonnes de 15m soutenant la grande coupole, et 6 autels sur les côtés.
Les longs couloirs rassemblent une foule d’objets (dons, acquisitions, tableaux arméniens, statues et bustes, etc).
Au centre , tableau du peintre arménien Ivan Aïvazovsky (le Chaos, 1841).
Le réfectoire des moines, qui se rassemblent pour la prière et le repas ici, avec un grand tableau de la Dernière Cène sur le mur du fond.
La bibliothèque extraordinaire avec ses boiseries qui contiennent près de 200 000 livres en arménien (dont le premier livre imprimé en 1512 (Urbatagirk), et en beaucoup d’autres langues (copte, hébreu, anglais, …)
30000 ouvrages datent d’avant 1800 et traitent de tous les sujets (sciences, histoire, littérature, etc.).
Le plafond, riche de 33 fresques de Francesco Zugno (1741), a été très endommagé lors de l’incendie en 1975. Celle du fond fut détruite. Au centre, le Jugement de Sainte Catherine, partiellement restauré.
Près de la porte, Les Pères de l’Eglise : Ambroise (340-397 ap. J.-C.), Jérôme (347-420), Augustin d'Hippone (354-430) et le pape Grégoire Ier (540-604).
Sur le palier, des armoires contiennent de nombreux objets religieux ou laïcs.
Ici, un document signé de l’Empereur Napoléon, autorisant, en 1810, les moines mékhitaristes à rester sur l’îlot.
Ici, un Doge (mais qui ?).
Au plafond, La Justice et la Paix. Peut être de Gianbattista Tiepolo, mais Francesco Zugno, très présent sur les murs, peignait dans le style de Tiepolo, donc doute.
Sur la droite, la salle, petite mais remplie de raretés : sièges, livres, et surtout, un cercueil offert par le ministre des Affaires étrangères égyptien.
Sous verre, la momie, extrêmement bien conservée, date du 11ème siècle avJC. Enveloppé dans une couverture de perles de verres ornée du scarabée et de l’aigle d’Horus, il s’agit du prêtre du temple d’Amon à Louxor, Nemenkhetamon.
On pénètre ensuite dans la magnifique salle des manuscrits, climatisée et fortement sécurisée. Les Mékhitaristes n’ont pas comme la majorité des catholiques, à travailler ou produire des biens (jardins, fromages ou alcools).
Ils se consacrent uniquement à des tâches intellectuelles ou scientifiques, d’où ces collections uniques de livres anciens et de manuscrits, ici rassemblés.
Cette rotonde, créée en 1970 a été financée par Boghos Ispenian, un antiquaire égyptien, et construite par son fils Andon. Il y aurait entre 1200 et 3000 manuscrits ici, certains du 8ème siècle.
Deux pages de l’Urbatagirk, tout premier livre imprimé en rouge et noir, dans une imprimerie vénitienne (en 1512 ou 1513, 124 pages).
Il y a aussi une Vie d’Alexandre le Grand, un Evangile d’Adrianopolis (début 11ème), et 44 parchemins de prières.
Page de l’Evangile de la Reine Mlké, de 862. L’acqua alta de 1966 n’avait pas touché la salle des manuscrits ni la bibliothèque (mais l’église, le cloître).
La magnifique église, qui a conservé de celle de 1348 son style en arc brisé, avec une nef centrale et deux bas-côtés assez étroits. Noter les 6 colonnes en marbre rouge supportant les arcatures couvertes de mosaïques vivement colorées.
Elle est restaurée par Mékhitar fin 1722, et son campanile dressé (non accolé à la nef) en 1750. Le Père Hamazasp nous présente l’histoire de l’église et ses richesses.
Quatre autels ont été créés vers 1735 : deux de chaque côté de l’abside, et deux sur les bas côtés, décorés par des artistes vénitiens.
Aile droite, autel dédié à Antoine le Grand (Francesco Zugno, 1737). Probablement Saint Antoine résistant à la Tentation ?
Appelé aussi Antoine l’Ermite d’Egypte (né en 251, mort à 105 ans !), il est considéré comme le fondateur du monachisme.
A droite de l’abside, autel de Saint Grégoire l’Illuminateur, né en 257 et considéré comme le fondateur de l’Eglise arménienne. On voit l’évêque procédant au baptême du roi arménien Tiridate III (ou IV ??). Païen, il réactive les temples et les fêtes païennes.
Grégoire s’y oppose et est emprisonné. Tiridate devient très malade. Il libère Grégoire qui le guérit, et se convertit aussitôt. Il détruit les temples, et Grégoire devient le premier Catholicos d’Arménien, évêque de Césarée de Cappadoce.
Belle abside néogothique, agrandie en 1899.
L’autel, de style baroque et reconstruit en 1722, abrite le tombeau de Mékhitar.
Deux anges magnifiques entourent le tabernacle et trois beaux vitraux. On voit le soin qu’apportent les moines à la beauté de l’église.
A droite, Lesrops Machtots (362-440), linguiste missionnaire chrétien, et aussi grand théologien. Il est le créateur de l’alphabet arménien.
Au centre, Saint Lazare (San Lazzaro)..
A gauche, le Patriarche Sahak 1er Parthev, Catholicos en 387, qui vivait avec 60 disciples dans un grand monastère. Il décède en 439.
Il faut aussi noter le plafond et la voûte de l’abside, richement décorés par des artistes italiens au 17ème et 18ème siècles.
Autel à gauche du chœur, dit de la Sainte Croix (1735).
Sur l’aile gauche, outre de nombreux tableaux, l’autel de la Vierge Marie.
La Nativité (Domenico Maggiotto).
On trouve d’autres tableaux, d’auteurs arméniens, mais aussi une Vierge à l’Endant de Palma le jeune, une Assomption d’Alessandro Bassano.
D’autres peintres italiens sont venus aussi, comme Bernardo Strozzi (Annonciation), Marco Basaiti (Fuite en Egypte), ou Girolamo da Santa Croce (Thècle, Saint Pierre et Saint Paul).
La contre façade au-dessus de l’entrée.