Guide en images des églises de Venise
San Geremia e Lucia (Cannaregio)
ou Santuario di Lucia
Histoire
Des sources contradictoires voient la première église au 9ème siècle (dédiée au prophète Jérémie, Geremia), ou au 11ème par Mauro Tosello et son fils Bartolomeo pour y loger le bras de San Bartolomeo (Barthélémy) rapporté des Pouilles en 1043. Elle est reconstruite en 1172 sous le règne du doge Sebastian Ziani (et consacrée beaucoup plus tard en 1292).
L’église actuelle est une refonte complète par le prêtre-architecte Carlo Corbellini de 1753 (1754 ?), elle est consacrée le 27 Avril 1760.
En 1861 pour les besoins de la réalisation de la gare de Venise (Santa Lucia), l’église Santa Lucia située à l’époque à peu près à l’endroit du grand escalier, est détruite. Et les vestiges intérieurs de cette église partirent juste à côté, ce qui fait que San Geremia prit le nom de "dei Santi Geremia e Lucia", puisqu’en particulier le corps de Sainte Lucie martyre de Syracuse y fut déposé. Depuis quelques années on l'appelle Santuario di San Lucia. Son corps fut volé en novembre (juillet ?) 1981, mais la tête oubliée en route par les voleurs fut retrouvée en décembre. A noter que le prophète Jérémie n'a jamais pu être un Saint (mais ce n'est pas le seul à Venise : Moïse, Job, Zaccarie, etc).
Extérieur
L’église est très grande, on s’en rend compte seulement quand on est dedans, car de l’extérieur on voit la façade depuis le grand campo, contre le palais Labia, mais depuis le Canal on peut mieux apprécier l’énorme volume de l’édifice. La forme est une immense croix grecque avec une très haute coupole à la croisée et 4 demi-coupoles à la fin de chaque bras. Mais l’intérieur, très symétrique, est doté de chapelles qui rendent l’ensemble presque rond (un peu comme à la Salute). On a les 2 entrées (Campo et Cannaregio). Le campanile roman date lui du 12ème siècle. La façade est de 1861. Le clocher en brique (datant probablement du XIIe siècle) a deux fines fenêtres à meneaux romanes à la base. On se demande combien de millions de pieux de bois ont été nécessaires pour supporter un tel ensemble.
Les deux façades de marbre de conception similaire sont achevées en 1861 et 1871 pour remplacer celles endommagées par le feu après un bombardement autrichien en 1849. Elles ont été payées par le baron Pasquale Revoltella. La première donne sur le campo où la célèbre course des taureaux avait lieu (probablement en raison de la proximité de l'ambassade d'Espagne, d'où le nom de cette grand rue vers la gare, la Lista di Spagna) et semble un peu à l'étroit par la présence sur la gauche du Palazzo Labia. Celle donnant sur le Canal de Cannaregio fut rénovée de nouveau après un incendie d'un échafaudage par un pyromane en 1998 (opérationnelle en 2017). On entre par la porte du Campo, soit l'aile droite du transept.
Intérieur
A l'opposé des 2 entrées on trouve les deux autels principaux (Lucie et Chœur). Le chœur est flanqué de 2 étroites chapelles latérales. L'église ne contient pas que des chefs d'œuvre, juste quelques Palma le Jeune, mais la visite est à faire pour la magnifique chapelle de Sainte Lucie, les retables assez beaux (mais l’argent doit manquer pour refaire les parois un peu abîmées par le sel). Se succèdent des chapelles séparées par des parois recouvertes d’autels et de retables ce qui fait de l’église un ensemble immense de tableaux, autels, portes d’orgue et autres statues. Autour de la coupole centrale, on trouve 4 coupoles pour la nef et les transepts, avec de grandes fenêtres semi circulaires à la Codussi. L’église est très claire dans les hauteurs mais assez sombre finalement dans les chapelles en bas.
Sur Geremia (Jérémie)
Vers 650 av. Jésus-Christ, Jérémie naît aux environs de Jérusalem. Les « Confessions de Jérémie » proviennent du prophète lui-même. Il a la révélation de Dieu vers -626 et connait la ruine du royaume de Judée. Mais les Chaldéens et Nabuchodonosor, après une courte période de calme relatif, reviennent et détruisent Ninive en -612, remportent Jérusalem en 587, le Temple est incendié et la population exilée. Jérémie choisit de rester en Palestine auprès de Godolias, nommé gouverneur par les Chaldéens. Mais celui-ci fut assassiné et un groupe de Juifs, craignant des représailles, s'enfuit en Egypte, entraînant Jérémie avec eux. C'est probablement là qu'il mourut. Il a produit le Livre de Jérémie qui raconte ses histoires tristes de défaites et d’exil. Mais n'est pas un Saint !
Sur Sainte Lucie
Légende de Sainte Lucie (une parmi d'autres) : la noble et chrétienne Lucie de Syracuse alla à Catane sur la tombe de Sainte Agathe pour faire guérir sa mère. Elle s'endort et voit Agathe en songe qui lui dit : "c'est toi qui vas guérir ta mère, et tu seras à Syracuse aussi vénérée que moi ici". Sa mère guérie le lendemain, elle distribue ses biens aux pauvres et fait vœu de chasteté. Mais l'homme à qui elle était promise se fâche, elle lui demande alors ce qu'il lui plaît le plus en elle et il répond : "vos yeux". Alors Lucie s'arrache les yeux avec un couteau et les tend sur une coupelle à l'homme qui furieux va la dénoncer au consul Pascasius (sous Dioclétien), et la Vierge lui redonne la vue avec de plus beaux yeux. Pascasius décide de l'emmener dans un lupanar pour la faire violer, mais l'Esprit Saint la rend immobile et 1000 bœufs ne peuvent la déplacer. Alors Pascasius l'enduit de poix et la fait brûler, mais son corps reste intact. Finalement elle meurt d'un coup d'épée dans la gorge en 304 (303 ?, 310 ?). Sainte Lucie (13 décembre) est la patronne des aveugles, des électriciens, des oculistes, elle est aussi invoquée pour les maux de gorge et les hémorroïdes.
Son corps est resté intact, il est enseveli à Syracuse puis porté à Constantinople. Les versions de son rapatriement à Venise sont nombreuses, anachroniques, et contradictoires selon les nombreuses sources, en voici une plausible : en 1204 lors du saccage par les Croisés et Vénitiens, il est ramené à Venise, quelques fragments sont portés à Syracuse. Lucie passe à San Giorgio Maggiore en 1205, puis à l'église Santa Lucia (1313) bâtie pour elle. Elle arrive donc ici en 1863 après la démolition de l'église Santa Lucia. En 1955 Jean XXIII (Angelo Roncalli alors Patriarche de Venise) revêt son visage desséché d'un masque en argent (doré par la suite). Sainte Lucie est aussi peinte aux Santi Apostoli (Tiepolo).
Adresse : Campo San Geremia, 334, Cannaregio
Horaires : Lun-Sam, 08:30-12:00 15:00-18:30 (selon une autre source : 08:00-20:00), entrée gratuite mais des troncs tous les 2 mètres.
Note : revisitée en 2022, de nombreuses modifications ont été apportées à l'intérieur, en particulier la chapelle de Sainte Lucie (il est probable que l'autel et la décoration soient partis pour une rénovation, sans garantie), ici sera montrée la chapelle de 2013 principalement). De même, les fonds baptismaux et la Madone du peuple ont (probablement) été inversés dans les côtés de la nef donnant sur le canal de Cannaregio (sans absolue certitude).
rev5 10/05/2023
Selon une légende une église existait au 9ème siècle pour y mettre les reliques du prophète Jérémie. (autre source : bâtie au 11ème siècle pour le bras de Bartholomé). Elle est reconstruite en 1292 puis rasée en 1753.
Le campo où se jouaient des courses de taureaux et à gauche le palais Labia, siège de la RAI. En 1861 l’église de Santa Lucia fut rasée pour construire la gare, et ses reliques furent ramenées ici, d’où le nom Geremia e Lucia.
En 1861 c'est l’église de Santa Lucia qui fut rasée pour construire la gare, et ses reliques furent ramenées ici, d’où le nom Geremia e Lucia. Sur le campo se déroulaient des courses de taureaux (près de l'ambassade d'Espagne).
La grande coupole centrale est flanquée de 4 demi coupoles aux extrémités des bras. Le campanile se trouve contre le palais Labia (qui abrite la RAI). Aujourd'hui on l'appelle le Santuario di Lucia.
La face donnant sur le Grand Canal.
Avec une inscription bien explicite. (visite par la droite à partir de l'entrée par le campo)
L'entrée par le campo montre l'allée du transept avec d'énormes piliers qui cachent la perspective de l'ensemble, majestueux, assez clair et assez dépouillé.
En haut, la grande coupole centrale, et une des 4 semi coupoles fermant le transept et la nef. Pas de décorations sauf des autels et des tableaux tout autour.
Présentation de Marie au Temple
(Bernardino Lucadello, 18ème siècle). Une toile indigne de l'église qui il est vrai ne contient pas beaucoup de chefs d'œuvre.
Très pâle et malheureuse copie de celle du Tintoret à Santa Madonna dell'Orto, même si tous les personnages sont absolument identiques et placés de la même façon.
La Vierge assiste au couronnement de Venise par l'évêque Saint Magne (Palma le Jeune).
Saint Magne était évêque d’Oderzo au 7ème siècle, et il eut 9 visions des Saints qui lui dictèrent où bâtir les églises de Venise,, ce qui se réalisa (voir l'introduction sur la page San Zaccaria à Castello)
Chapelle de la Vierge Immaculée, à droite du chœur.
La Vierge est entourée de St François de Sales et St Jean Népomucène (Giovanni Marchiori, 18ème).
A gauche sur le mur, L'attente de la maternité de Marie.
La tentation de St Thomas d'Aquin (Palma le Jeune). Noter la similitude des deux parties hautes de ces tableaux (angelots et rayon de lumière).
Drôle de scène, peinte par Palma le Jeune en 1628. On voit le bœuf et l'âne sur la gauche, mais aussi sans doute Joseph à l'arrière-plan qui semble trouver longue l'attente.
Appelé aussi La victoire de St Thomas sur la Tentation (1628).
A gauche dans l'arrière-plan, serait-ce Antoine qui lui aussi a été tenté ??
Le chœur majestueux est érigé en 1790 par Domenico Fadiga. Avec la grande coupole centrale, la vue est grandiose (un peu comme à la Salute).
Mais les énormes piliers limitent la vue, où que l'on soit., avec une dominante de blanc partout. On distingue les deux buffets d'orgue de chaque côté.
Statues de Jérémie Prophète à droite et Saint Pierre à gauche (Giovanni Ferrari dit Le Torretti, 1798), au centre la Madone du Rosaire (Giovanni Marchiori).
L'orgue de gauche fonctionne, mais celui de droite est factice, pour assurer une belle symétrie !
A gauche du chœur, la chapelle de la Vierge à l'Enfant (madone du Rosaire). Elle est entourée d'anges en liesse. (Giovanni Maria Morlaiter).
GM Morlaiter (1699-1781) a laissé à Venise de très nombreuses magnifiques sculptures rococo, en particulier aux Gesuati, à San Rocco, ou à la Salute.
A droite, Sainte Lucie et Saint Augustin (Palma le Jeune, env 1615).
Ce sont des volets de l'orgue, récupérés de l'église Santa Lucia.
A gauche sur le mur, une Annonciation (Palma le Jeune).
Christ crucifié entre les Saints Augustin, Lorenzo Gustiniani, Antoine de Padoue et Gaétan de Thiène (Sebastiano Santi, mi 19ème).
Tableau bizarre et anachronique, comme d'autres dans l'église (par exemple Sainte Lucie et Augustin voir plus haut)
En continuant avant d'arriver à la chapelle de Lucie, une statue de Saint Antoine de Padoue.
La chapelle de Sainte Lucie, martyre sous Dioclétien, édifiée en 1863, telle qu'elle était en 2013.
Sa décoration utilise celle de l'église Santa Lucia démolie en 1861 pour construire la gare ferroviaire (qui porte son nom).
Légende de Sainte Lucie (voir l'introduction pour plus de détails) : la noble Lucie de Syracuse va à Catane sur la tombe de Sainte Agathe pour faire guérir sa mère. Elle s'endort et voit Agathe en songe qui lui dit : "c'est toi qui vas guérir ta mère, et tu seras à Syracuse aussi vénérée que moi ici".
Sa mère guérit le lendemain, alors elle distribue ses biens et fait vœu de chasteté. Son fiancé romain se fâche, elle lui demande alors ce qu'il lui plaît le plus en elle et il répond : "vos yeux".
(noter le masque d'argent posé en 1955 par le Cardinal Roncalli futur pape Jean XXIII)
Alors Lucie s'arrache les yeux avec un couteau et les lui tend sur une coupelle. Il la dénonce au consul de Sicile Pascasius, tandis que la Vierge lui redonne la vue avec de plus beaux yeux. (image d'octobre 2023, la décoration a disparu, pour restauration ?)
Pascasius veut l'enfermer dans un lupanar, mais l'Esprit Saint la rend immobile et 1000 bœufs ne peuvent la déplacer. Alors Pascasius l'enduit de poix et la fait brûler, mais son corps reste intact. Finalement elle meurt d'un coup d'épée dans la gorge en 304 (303 ?, 310 ?).
A gauche de la chapelle, en biais un bel autel.
Descente de croix de Jésus ou la Déposition (Agostino Ugolini, fin 18ème).
La Sainte Famille (Giovanni Mengardi, fin 18ème).
Un des plus jolis tableaux de l'église, même si la tête du petit Jésus semble petite .
On continue alors vers l'arrière de l'église, qui paraît bien délaissée.
A l'arrière et à gauche, les fonds baptismaux lombards.
En 2013 les murs étaient bien abimés et ce baptistère bien isolé et pas du tout mis en valeur.
La porte donnant à côté du palais Labia, au canal de Cannarregio, a été incendiée par un pyromane en 1998, il a fallu 10 ans pour la revoir. Peu de choses, avec un tableau à droite, qui semble perdu dans le mur.
Ce tableau est pourtant de Leandro Bassano, (1622), grand peintre maniériste et ami du Tintoret. Provient de l'église de l'Annonciation, démolie en 1860.
La gloire de Saint Augustin, avec Saint Antoine, Monica, le roi Louis IX (avec le drapeau aux fleurs de lys), Nicola di Bari évêque (ou de Myre).
La Madone du peuple (Pietro Scrova, 1602).
Note : image prise en 2013, et très probablement non pas sur le côté droit de la nef, mais à gauche.
En 2022, sur le côté droit, on voit une statue dorée sur fond de velours rouge. Les deux autels étant identiques, on a pu inverser le baptistère et la Madone … ??
Premier autel côté droit de la nef. La Purification de Marie (Pier Antonio Novelli, fin 18ème). C'est aussi la Présentation de Jésus au Temple.
40 jours après la naissance d'un garçon, selon la tradition hébraïque (durée doublée pour les filles !!!), les mères,impures; devaient venir se purifier au Temple, en apportant une obole (un agneau, un oiseau).
Cette fête est celle de la Chandeleur (les fidèles portaient un cierge ce jour-là, pour contrer une vieille célébration romaine du même type). Le visage de Marie est ici un des plus réussis jamais vu (mon avis).
Mort de Saint Joseph (Francesco Magiotto, fin 18ème).
Dernier autel, en diagonale entre la nef et le transept près de la porte du campo.