Guide en images des églises de Venise

San Nicolo al Lido (Lido)

On voit depuis tout Venise ou presque la façade et le campanile de cette église entourée de verdure, située pas tout à fait au nord de l'île du Lido. . Mais c'est de là (du fort, juste un peu au Nord) que partaient les expéditions pour conquérir la côte adriatique, la Grèce, Contantinople, la Crète, et les pirates Narentins en 996. C'est aussi de là que partit la flotte qui va soumettre la Dalmatie le 9 mars 1000 à Venise (sous Pietro Orseolo II), un évènement qui est à l'origine de la cérémonie des épousailles du Doge avec la Mer (fête de la Sensa, à l'Ascension, voir plus bas).

Aussi bien l'histoire de l'église et son monastère, que celle de Nicolas de Myre et ses ossements rapatriés ici, font l'objet de multiples versions, difficiles à démêler.

Histoire

Vers 1044, sous le dogat de Domenico Contarini, une église bénédictine avec un couvent attenant est créée pour les Bénédictins (le Doge Domenico Selvo y sera intronisé car la Basilique Saint Marc était en reconstruction). 

L'église reçoit donc le Saint en 1100 (ou 1101, voir ci-dessous) ou plutôt quelques ossements (sans doute volés à Bari, qui est le lieu "officiel" des pèlerinages à Saint Nicolas), et elle rénovée vers 1316.

Mais l'église ancienne est totalement refaite en 1626 par Tommaso Contin, à un emplacement légèrement différent, elle est terminée en 1629 par Matteo Cirtoni. Elle est à une nef avec 3 chapelles communicantes de chaque côté, et un chœur profond où les stalles se trouvent derrière l'autel. Elle est adossée au monastère bénédictin dont le cloître date de 1530. L'ensemble fut supprimé en 1806 (ou 1770 ?), l'église devenant la chapelle de la caserne militaire à côté, jusqu'en 1926 où elle est réoccupée par les Frères de Saint Antoine (ou 1938 ?), et aujourd'hui un centre de recherches. Comme souvent la façade n'est pas terminée. 

Le campanile baroque date de la reconstruction qui est commencée en 1626 et terminée en 1634. Des mosaïques et des colonnes corinthiennes, de la première basilique, furent découvertes dans le monastère et restaurées à partir des années 1950.

(Autre version lue ailleurs : la communauté de la Congrégation de Saint Justine de Padoue fut supprimée en 1770. Rouverte 140 ans plus tard, elle est depuis 1926 gérée par les Franciscains, mais le monastère est devenu un terrain militaire. Qui croire ?)

Bien entendu, l'église est le point d'arrivée de la fête de la Sensa (Ascension, voir plus bas). A cet endroit (en fait au début dans le bras de mer du nord du Lido reliant la mer à la lagune), le Doge (aujourd'hui le Maire de Venise) jette à la mer l'anneau d'or qui rappelle les épousailles de Venise avec la Mer, accompagné d'une myriade de bateaux et de compagnies de régatiers colorés. Une messe solennelle a lieu dans l'église en présence de tout le gratin civil, religieux et militaire.

Extérieur

On la voit de loin car la vue est dégagée.  C'est une grande bâtisse qui inclut le monastère, sans grâce en briques rouges. La façade est comme beaucoup ailleurs inachevée, avec un monument en marbre au-dessus du portail, du 17ème siècle et dédié au Doge Domenico Contarini le bienfaiteur du monastère.

Lemonastère se trouve en arrière de l'église.

Le campanile en style baroque, date de la construction de l'église (1629).

Intérieur

L'intérieur est à une nef (17ème siècle), assez étroite, avec trois chapelles communicantes et des autels de chaque côté. Aux coins, de gros pilastres contiennent des niches où logent des statues de Saints et d'évêques. Le chœur est baroque avec trois grandes statues et un sarcophage censé contenir les reliques des Saint Nicolas et Théodore. Derrière le chœur, une pièce ronde avec une coupole, abrite les stalles en bois de Giovanni da Crema et Camillo da San Lucca, qui décrivent 27 épisodes de la vie de Saint Nicolas.

Le tout est très sobre, blanc cassé, et lumineux assez. Pas de très grandes œuvres, mais des tableaux de Palma le Vieux, et de Palma le Jeune petit neveu du précédent.

Sur Nicolas de Myre et la récupération de ses reliques

Les versions sur la récupération des reliques de Saint Nicolas de Myre à Bari et Venise (voire en Russie) sont innombrables, en voici deux ou trois. Après la déroute des Byzantins en 1071 à Manzikert,  les Musulmans projettent de détruire la cathédrale de Myre contenant le sarcophage de Nicolas, d'où suintait en permanence une sainte huile (myrrhe) parfumée. Bari et Venise, très concurrents sur les mers, se disputent alors la récupération de la dépouille du Saint à la fin du 11ème siècle, après la chute de Myra (en Anatolie du sud) par les Musulmans.  Les navires de Bari y débarquent en 1087 et ramènent le 9 mai une bonne moitié  (voire la totalité ?) du Saint, qui est alors enterré par le Pape Urbain II en grandes pompes dans une cathédrale bâtie exprès. Mais Venise, croisant vers l'Orient pour la 2ème croisade en 1099, s'arrête à Myre et y découvre d'autres restes de Nicolas cachés (légende ? en tous cas, on a prouvé que les ossements à Venise et à Bari provenaient bien de la même personne !) et les installe dans l'église du Lido. Une autre version de la présence de reliques de Nicolas à Venise fait arrêter la flotte vénitienne, en route pour la Terre Sainte en 1100, à Bari afin de les récupérer, l'odeur de l'huile suintant des os permettant aux sbires vénitiens de les découvrir et d'en récupérer une partie. Une troisième version décrit une flotte commerçante de marins de Bari et de Venise pour ramener de façon rocambolesque le corps du Saint à Bari. En tous cas,  le Nicolas de Venise attire moins de pèlerins (russes orthodoxes en particulier) que celui de Bari. 

Nicolas de Myre, né à Patare en Lycie vers 260, évêque à Myre et mort en 345 (ou 343), se dévoue aux enfants et aux pauvres, participe au concile de Nicée où il lutte contre l'arianisme, rencontre Constantin et fait de nombreux miracles, d'où sa réputation dans l'Eglise orthodoxe. Il est le Saint Patron des marins (6 décembre), des pêcheurs et des navigateurs, des écoliers, des prêteurs sur gages, des notaires, et de nombreuses villes et régions. Il est à l'origine de Santa Klaus (importé d'Amérique par les Hollandais), puis du Père Noël.


La fête de la Sensa (Ascension) et les Epousailles de Venise avec la mer

Voir la page web décrivant la fête de la Sensa  n cliquant sur

La fête de la Sensa 

Cérémonie unique au monde (bien que ce type de manifestation vis-à-vis de la nature et en particulier avec la mer remonte aux anciens rites païens depuis la plus haute Antiquité) qui célèbre l'union de Venise avec la Méditerranée, tant la Sérénissime a dû son éclat et sa fortune aux conquêtes et aux commerces avec les pays méditerranéens. Ne pouvant pas faire autrement que de se tourner vers elle, elle a su développer toutes les technologies marines (avec l'Arsenal), les échanges financiers (avec les Banques, les Lettres de Crédits, les Assurances), et avec une marine et une flotte sans égales pendant des siècles.

En 997 (certains disent le 9  mars de l'an mil), les Vénitiens et le Doge Orseolo en ont assez des pillages de bateaux de commerce et vont  conquérir toute la Dalmatie pour mettre (temporairement) fin aux piratages. 

Une cérémonie eut lieu chaque année pour fêter cette victoire qui permit l'expansion de Venise. Mais c'est en 1177 que le pape Alexandre III remet au Doge Sebastiano Ziani un anneau béni, comme témoignage de la souveraineté reconnue de Venise (du Doge et de ses successeurs) sur la mer. La cérémonie habituelle est alors codifiée pour l'avenir. Cet anneau est alors porté depuis Saint Marc sur le navire de prestige Bucentaure, à l'entrée de la mer au Lido, tout près de San Nicolo al lido, au large de Sant'Elena. Le tout escorté de barques et bateaux des sociétés de Rameurs et de marins. Le Doge jetait l'anneau en disant : "En tant que signe de domination éternelle, nous Doge de Venise, nous t'épousons, mer". Je donne plus bas d'autres versions des phrases prononcées et des gestes effectués, tant il y en a dans la littérature, mais en gros l'objectif est le même : assurer la suprématie définitive de Venise sur le bassin méditerranéen. Aujourd'hui c'est le Maire, escorté des ambassadeurs et des élites religieuses et politiques, qui fait de geste en jetant un bouquet, puis la messe solennelle est célébrée à San Nicolo.

Note : il existe très peu d'informations sur les œuvres à l'intérieur de l'église, et si on peut m'aider à confirmer ou compléter ce contenu ce sera avec reconnaissance.

Adresse : Riviera del Lido 226, Lido

Horaires : entrée libre

Rev31 29/11/2023

Un matin ensoleillé pour la fête de la Sensa. A ne  pas rater si on est présent ici le jour de l'Ascension. En 997, le Doge Pietro Orseolo II, lassé des incessantes pirateries dans l'Adriatique, part conquérir la Dalmatie. 

Zara, les Narantais, Trau, Raguse, Curzola, sont occupés.  Le 9 mai (ou mars ?) 1000, on crée la cérémonie du Sposalizio del Mare pour la fête de la Sensa. (Mariage de Venise avec la mer). 

La fête est approuvée par le pape Alexandre III, qui donne au Doge Sebastiano Ziani, en 1176 en lui disant : "Tiens, mon fils, doge de Venise, c'est l'anneau nuptial de ton mariage avec la mer. Nous voulons que désormais toi et tes successeurs l'épousiez ainsi chaque année ". 

Ensuite, le Doge part avec le Bucentaure à l'entrée au Nord du Lido, et jette un anneau d'or en disant : " Desponsamus te, mare, in signum veri perpetuique dominii » (« Nous t'épousons, Mer, en signe de véritable et perpétuelle domination".

Interrompue en 1796, la fête reprend vie en 1965, (avec aujourd'hui le Maire accompagné de l'évêque et de personnalités). 

Et le concours des clubs nautiques qui accompagnent une (amusante) réplique du Bucentaure, le navire de prestige du Doge. 

Une messe solennelle a lieu dans l'église, qui est tout près de l'embouchure où l'anneau est jeté. Une autre version de la déclaration est " Noi ti sposiamo, o mare, in segno di vero e perpetuo dominio "  (c'est du Vénitien …) 

Façade inachevée (classique à Venise), avec au-dessus de l'entrée, le buste et le sarcophage du Doge Domenico Contarini qui fonda la première église vers 1044. 

Tout le gratin vénitien est présent, y compris ministres, consuls et autres édiles. 

Belle église à une nef avec un chœur plus étroit. 

La contre-façade avec une fresque "Venise rendant hommage à Saint Nicolas" (Girolamo Pellegrini).

Il y trois chapelles communicantes de chaque côté. (visite par la droite) 

Aux coins dans les 4 piliers principaux, deux niches avec des statues (évêques ou Saints ?) 

 Première chapelle (pas d'information fiable).

Deuxième chapelle. 

Il pourrait s'agir de San Giovannino (Palma le Jeune) (Saint Jean jeune, avec son Evangile porté par les putti au-dessus, ou bien est-ce Saint Marc avec le lion ? sans garantie) 

Troisième chapelle : un crucifix très grand sur fond d'or. (fait face à la Vierge dans l'aile gauche).

Pilier droit du chœur. 

Le chœur est plus étroit à cause des piliers massifs à droite et à gauche. Le chœur est profond avec derrière un espace pour les moines. 

De nouveau des statues (en bronze ou en bois) d'évêques (pas d'information dessus). 

L'autel baroque, de 1630, avec au-dessus du tabernacle, bizarrement placé, un sarcophage des reliques de Saint Nicolas et de Saint Théodore. 

Le  devant de l'autel en marbres polychromes 

Les stalles pour les moines sont placées derrière le chœur dans une pièce ovale surmontée d'une coupole. Elles datent de 1636 (ou 1634 ?) et sont magnifiquement conservées. 

Il y a 27 panneaux d'épisodes de la vie de Saint Nicolas, réalisés par Giovanni Carlo Giovanni Cremasco (Giovanni da Crema) et Camillo da San Lucca (ou Giovanni Carlo ?) (une fois de plus sources discordantes). 

Remarquer comme ces panneaux sont très épais. Les sculptures dans le bois sont plus profondes que sur les panneaux "classiques" comme aux Frari par exemple. 

Il y a quand même un peu de fantaisie çà et là …

Pilier gauche à l'entrée du chœur. 

Troisième chapelle de gauche. 

Deuxième chapelle de gauche, devant l'autel une icône de Saint Nicolas. (sur le Saint voir l'introduction)

Il a l'air de découvrir une tombe ouverte (celle du Christ ??). 

Première chapelle à gauche, l'Ascension (Pietro Muttoni, dit Pietro della Vecchia).

Pilier à gauche de l'entrée. 

Sortie de la messe solennelle de la Sensa. Belle fête avec énormément de rameurs devant le quai et plein d'animations (chanteurs, conteurs, etc.) devant le parvis. 

Long couloir à droite de l'église pour rejoindre le grand monastère carré situé derrière. 

En haut de l'escalier, une fresque intéressante  de la fuite en Egypte (mais pas d'information)

Le cloitre très grand et lumineux. 

Magnifique puits octogonal sur 4 marches.