Guides en images des églises de Venise

I Gesuati (Dorsoduro)

Santa Maria del Rosario

Eglise CHORUS

Histoire

Giovanni Colombani, né au début du 14ème siècle, riche marchand de Sienne et ayant eu des révélations, aurait créé cette confrérie franciscaine des Jésuates, en 1360, avec Saint Jérôme comme protecteur. Ils sont présents lors de la peste de 1363 à Venise. On les appelait Jésuates car ils avaient toujours le nom de Jésus à la bouche. L'ordre, de frères laïcs, est approuvé sous ce nom par Urbain V en 1367 (date de la mort de Colombani). Ils s'installent vraiment à Venise vers 1390 dans divers édifices (Sant'Agnese à côté, Santa Giustinia, San Gerolamo). Ils créent un monastère et un oratoire dès 1423 dédié à Saint Jérôme (Girolamo Emiliano). Alexandre VI en 1491 (ou 1492) officialise leur appellation, à la suite de quoi ils construisent une petite église (la Visitation, qui sera consacrée en 1524) à la place de leur oratoire en bois sur les Zattere. Paul V leur donne en 1616 le droit de recevoir les Ordres et ils deviennent un Ordre mendiant. L'église des Gesuati n'existe pas encore.

Après le Concile de Trente en 1668, l'Ordre est supprimé pour cause d'immoralité par le Pape soudoyé par Venise qui  convoitait sa richesse (vrai ou faux ?). On en doute encore. Un an plus tard le lieu est donné  (vendu) aux Dominicains. 

Une église plus grande, portant le nom d'église des Jésuates (Gesuati), et consacrée à Sainte Marie du Rosaire (Santa Maria del Rosario) est commandée à Giorgio Massari en 1726, à côté de la Visitation, plus à l'est, avec Giovanni Maria Morlaiter comme sculpteur et Giambattista Tiepolo comme peintre des fresques et concepteur de l'organisation de l'intérieur autour du thème du Rosaire. L'église est terminée en 1735, elle est consacrée en 1743 (Massari transforma l'ancienne Visitation en bibliothèque). En 1810 l'ordre est supprimé par … Napoléon, toujours lui, et l'église est transformée en église paroissiale alors que San Vio et San Gregorio sont carrément supprimées.


Extérieur

La façade de Giorgio Massari, néo-classique, ressemble à l'église du Redentore (d'Andrea Palladio) en face sur la Giudecca (en plus petit). Les quatre niches abritent des statues de Vertus exécutées par 4 artistes différents.

Le flanc droit de l'église dans le Campiello abrite un bas-relief du Christ entouré de 2 anges qui semble provenir de l'ancienne église de la Visitation.

Un grand campanile de 21m se trouve entre l'église et les monastères.

L'espace dédié aux 3 cloîtres (2 datent du 18ème, le troisième date de l'église) devint en 1815 un orphelinat de la Ville, et après quelques vicissitudes, il est vendu en 1923 à Don Orione pour les enfants en situation familiale difficile. Celui-ci crée un pensionnat et des formations professionnelles. Aujourd'hui c'est un centre de conférences, avec  de nombreuses salles, des chambres, des évènements culturels (écoles d'été, conférences). 

Intérieur

L'intérieur (comme la façade)  est semblable au Redentore. Tout est d'une symétrie et d'une précision "à la Massari", ne souffrant pas d'exception, avec une grande nef rectangulaire aux coins diagonaux, avec 6 chapelles communicantes de forme identique, y compris le tympan qui reprend celui de la façade. Le thème du Rosaire, cher aux Dominicains, est brillamment dépeint ici par Tiepolo (1738-1739) avec une immense fresque au centre du plafond en forme de bande dessinée, où l'on voit le rosaire passer de mains en mains. La fresque est accompagnée de deux autres plus petites qui illustrent l'apparition de la Vierge à Dominique, et la Gloire de Dominique (bon, c'est monomarque mais normal vu ce que les Dominicains ont imposé et ont payé, comme dans le reste de l'église d'ailleurs). Les 16 médaillons en grisaille tout autour des fresques (ils sont montrés ici en priant le lecteur d'être indulgent sur la qualité due à l'éloignement et la luminosité) seraient encadrés de ce qui semble être des décors en relief de stucs,  mais un auteur prétend que c'est peint (Chorus cite des nœuds de stuc, à vérifier si c'est du trompe-l'œil ou non). Tiepolo a aussi réalisé l'autel des Dominicaines, magnifique, dans la première chapelle à droite. On trouvera aussi le maître-autel de Massari, un très beau Ricci (Pie V, Thomas d'Aquin et Pierre de Vérone), un Tintoret mal restauré, ainsi que le tableau de Piazzetta représentant Saint Dominique. Gian Maria Morlaiter, toujours lui, au four et au moulin, s'est consacré aux statues de Prophètes et d'Apôtres sur les lourds piliers, ainsi qu'à la chapelle de Saint Dominique et au chœur. 

Adresse : Dorsoduro 917

Horaires : Lun-Sam 10 :00-17:00

 

Sur Giorgio Massari (1686-1766, Venise) 

Sans conteste c'est un ténor de l'architecture du 18ème, inspiré par Palladio (Néo-classicisme)  mais aussi par Baldassare Longhena (Baroque), dont les Gesuati sont l'exemple parfait. Il a beaucoup travaillé avec  GM Tiepolo (peinture) et GM  Morlaiter (sculpture). Il a réalisé à Venise La Piétà, la Ca'Rezzonico, le palais Grassi, et aussi en dehors de Venise, la Villa Lattes à Trévise, le Santo Spirito à Udine, etc. Il est connu pour son souci des détails et de la perfection.

Sur les Jésuates

Avant tout, il faut souligner une majorité d'informations contradictoires, de dates fantaisistes et de faits imaginaires que la Toile peut fournir sur ce thème. Ce qui suit est donc aussi sous réserves. Giovanni Colombani aurait créé cette confrérie en 1360, avec Saint Jérôme comme protecteur et la règle franciscaine de l'errance et de la pauvreté. Ils sont présents lors de la peste de 1363 à Venise. L'ordre, de frères laïcs, est approuvé sous ce nom par Urbain V en 1367. Ils s'installent vers 1390 à Sant'Agnese à côté, Santa Giustinia, et San Gerolamo. Ils créent un monastère et un oratoire dès 1423. Alexandre VI en 1491 (ou 1492) officialise leur appellation. Ils construisent la Visitation à la place de leur oratoire en bois. Ils soignaient les malades avec des pharmacopées de leur composition et des alcools qu'ils fabriquaient eux-mêmes. Ils deviennent assez riches à Venise, attirant les envieux, en particulier la République, qui demande à Clément IX, après le Concile de Trente, de supprimer l'ordre, en 1668 (pour raison d'immoralité !). La République s'empare aussitôt de leurs biens, et revend le tout aux Dominicains (aussi riches voire plus) pour financer la coûteuse guerre de Candie (la  Crète, prise par les Turcs après 21 ans de guerres terminées en 1669 par la chute d'Héraklion et 130 000 morts chez les Turcs).  

Références

Sur le dictionnaire amoureux de Venise, et Philippe Sollers qui adorait les Gesuati :

http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article1040 

Site de Chorus en italien

http://www.chorusvenezia.org/chiesa-di-santa-maria-del-rosario-gesuati

 

rev4 30/12/2023

Façade sur les Zattere, Massari y a exercé son talent tout en clonant les thèses … 

… d'Andrea Palladio (néo-classique, colonnes corinthiennes, niches, tympans, etc.) 

Le portail en demi-lune est repris par Massari dans tous les autels à l'intérieur. A comparer à la façade du Redentore, le chef d'œuvre  de Palladio à Venise, juste en face sur la Giudecca. Les 4 niches abritant les Vertus Cardinales, sont de 4 sculpteurs différents. 

Le Courage (bas gauche, Giuseppe Torretti).

La Prudence (haut gauche, Gaetano Susali) (l'enfant et le serpent : "soyez prudent comme des serpents").

La Tempérance (bas droite, Alvise Tagliapetra). 

La  Justice (haut droite, Francesco Bonazza). 

Sur le côté, sous un bas-relief du Christ soutenu par deux anges (peut-être de l'église précédente), l'arche aux trois quarts ensevelie qui existait avant le comblement du rio Foscarini.  

La nef, sans ailes, possède trois chapelles de chaque côté, séparées par des colonnes corinthiennes et des statues de Gian Maria Morlaiter. Sur les côtés, la voûte est percée de grandes fenêtres en demi-lune. 

L'intérieur très symétrique ressemble un peu au Redentore, en face sur la Giudecca. Le chœur est couronné d’une coupole terminée par une lanterne. 

Vierge à l'Enfant du Rosaire (F. Bernardoni, 1704) prise en 2015, richement vêtue et placée au centre presque à l'entrée. 

La qualité de ses habits montre la dévotion qu'on lui accordait et donne une idée des foules qui se pressaient ici. 

La même, vêtue différemment et placée sur le côté, en 2011. (celle du flyer des Gesuati de 2011 est encore vêtue autrement …). 

Le sol en damiers multicolores, qu'on retrouve dans la sacristie. 

Le plafond de Gian Battista Tiepolo (1739) raconte la vie de Dominique et l'institution du Rosaire. 

Au-dessus de l'entrée, Saint Dominique soulevé par les Anges (la Gloire de Dominique). Tiepolo (1696-1770) devient rapidement le plus grand décorateur du 18ème siècle. Il épouse la sœur des peintres Guardi, Cécilia, en 1719. Un croquis de l'original se trouve au Musée de Philadelphie. 

La scène centrale représente la descente du Rosaire sur Terre par l'entremise de la Vierge, de l'enfant Jésus et de Saint Dominique (la commande des Dominicains à Tiepolo a dû être sévèrement définie). Le plafond de Gian Battista Tiepolo (1739) raconte la vie de Dominique et l'institution du Rosaire. 

On est admiratif devant cette bande dessinée en trois étapes, et magnifique de précision, aux couleurs pastel.

Tout en haut du ciel, La Vierge (magnifique) tient Jésus qui porte le Rosaire et va le tendre à un angelot qui descend sur Terre. 

L'angelot donne le Rosaire à Dominique, qui le transmet à un groupe de dévots, de Doges, de Patriarches et aussi (parce qu'il faut y penser pour faire bien) de femmes du peuple. 

Remarquer l'enfant en bleu en bas à droite (probablement la fille de GB Tiepolo) et la vieille femme à côté (probablement Cecilia Tiepolo sa propre femme) (voir la Via Crucis de son fils Gian Domenico dans l'église  San Polo  où toute la famille est représentée). 

Vers l'autel, Dominique regardant la Vierge accueillir les Bienheureux (pour la plupart des Dominicains).  (visite par la droite)

La nef droite avec 3 chapelles (des Dominicaines, de Saint Dominique, de la Vision des Saints). 

Les espaces dédiés aux colonnes et entre les chapelles sont garnies de niches remplies avec des statues des grands prophètes et des grands apôtres, œuvres de GM Morlaiter.  A droite de la porte : Abraham.

Plus haut, Jésus et le Centurion (GM Morlaiter, 1754). 

Chapelle des Dominicaines (1749): Vision de la Vierge. Ne pas manquer : sur la tringle au fond derrière Marie : l'oiseau, signature de Tiepolo comme dans bien d'autres endroits.

Sainte Catherine de Sienne portant un crucifix, Rosa (ou Reina ?) da Lima portant Jésus.

En bas, Agnese da Montepulciano tenant le Rosaire.

Statue d'Aaron (GM Morlaiter, 1750). 

Plus haut, Jésus guérissant l'aveugle. 

Chapelle centrale : Gloire d'anges, GM Morlaiter et Giambattista Piazzetta, 1739. 

La décoration en marbre de l'autel est une grande "toile" de marbre, nouée au sommet, qui descend en plis latéralement. Des putti sont distribués le long de l'appareil : l'un porte un lys, l'autre un livre ouvert (symbole du Saint).

Dans la partie inférieure, deux grands anges soutiennent le drapé entourant le tableau de Saint Dominique (Gianbattista Piazzetta, 1743). 

Sur la colonne, Saint Paul apôtre (1743). 

Plus haut, Jésus apparaît à Madeleine (1743). 

Chapelle de la Vision des Saints (GB Piazzetta, 1738), dédié à la mère de Pietro Pesaro, Franceschina Tron, et commandé par ses 3 fils Nicolò, Benedetto et Marco. On y voit à droite Louis Bertrand en noir (Ludovico Bertrando, 1488), parti évangéliser en Caraïbes, tenant un calice contenant le serpent qui le tua, ... 

… Vincent Ferrer en tenue blanche  (1350-1419), Dominicain vénéré à Venise qui ressuscita au  moins 800 morts, et Hyacinthe (Giacinto) de Cracovie (prêcheur en Europe de l'est), sauvé miraculeusement de la noyade grâce à un ostensoir et une image de la Vierge, qu'il tend à l'Enfant. 

La chaire à droite de l'autel.

Au-dessus, Jésus apparaît à Thomas.

Le maître-autel, conçu par Massari, est placé sur 5 marches, L'autel est super-baroque et en bois très ouvragé et deux anges soutiennent le plateau (restauré en 2002). 

Derrière le maître-autel, le chœur avec des stalles de 39 et 28 sièges (pour les novices), de Massari (1740), sobres. Au-dessus, toile de Matteo Ingoli (la Vierge, Jésus, Sainte Anne et en-dessous Dominique). 

Le tabernacle, avec une Vierge à l'Enfant, est couvert d'un propylée à 6 colonnes en lapis-lazuli, de Morlaiter (1743) se terminant par un tympan garni de roses, de grappes (référence au rosaire). Noter aussi de chaque côté les deux anges dorés porteurs de flambeaux. 

Le plafond du chœur, difficile à examiner, est de Tiepolo aussi (le roi David jouant de la harpe ou de la cithare), aux angles les médaillons des Prophètes majeurs (Ezéchiel, Isaïe, Jérémie, Daniel, 1739). 

A gauche du chœur, l'orgue (Fratelli Bazzani, datant de 1856, en remplacement de l'ancien orgue de 1736). 

La grande coupole et ses hauts reliefs en coin représentant les 4 évangélistes. 

Saint Marc et le Lion ailé. (tous de Tiepolo encore). 

Saint Matthieu et l'Ange (homme ailé).

Saint Luc et le Taureau. 

Saint Jean et l'Aigle. 

 Deuxième chaire sur la gauche de l'autel. 

Au-dessus, baptême du Christ (toujours de Gian Maria Morlaiter, 1746, qui s'est bien régalé ici, tout comme Gian Battista Tiepolo).

Aile gauche de la nef avec trois chapelles (la Crucifixion, la Vierge, les Saints). 

Crucifixion (Jacopo Tintoretto, ca. 1565), la plus ancienne œuvre présente dans l'église. La Crucifixion vient de la Visitation (juste à côté, créée par les Gésuates aussi) comme le crucifix plus loin, et fut transférée ici en 1743 et restaurée par Piazzetta (assez mal jugent les experts). 

Au bas de la Croix, on note une similitude avec la scène  dans l'Albergo de la Scuola di San Rocco (entièrement exécutée par le Tintoret). 

Le ballet pathétique des femmes, richement vêtues, est beau, impressionnant mais très irréaliste. Il y a beaucoup de monde sous la Croix (Marie-Madeleine en pâmoison). L'autel abrite le corps de San Secondo.

Pilier à gauche : Saint Pierre. 

Plus haut, la Samaritaine au puits (1744). 

La Madone du Rosaire, d'Antonio Bosa (1836, donc placée ici bien plus tard). 

Marie est magnifique, mais Jésus a un visage de vieux très étonnant. 

Juste à côté, un crucifix provenant aussi de la Visitation rapportée sur la contre-façade, puis restaurée et placée ici. 

Moïse. Plus haut (et toujours de Morlaiter), la Piscine probatique. C'était à Jérusalem, dans le quartier de  Bethseda, où on purifiait … 

… les animaux avant les sacrifices. Jésus y guérit les infirmes  plongés dans cette eau manœuvrée par un ange. 

Les Saints Pie V (assis), Thomas d'Aquin à gauche et Pierre de Vérone martyr (Sebastiano Ricci, 1733,  placé ici vers 1744). Pierre de Vérone (1225-1274), est un Dominicain célèbre pour ses  écrits mêlant Aristote et la pensée chrétienne. Né … 

Cathare, devient Dominicain. Il enseigne  et convertit les Cathares à l'orthodoxie catholique et au culte de Marie. Nommé Inquisiteur pour Milan, il  meurt attaqué par un déséquilibré à coup de serpe à la tête en avril 1252. Canonisé par Innocent IV juste après. 

Melchisedech. 

Plus haut Saint Pierre sauvé des eaux (?). 

Contre-façade, lunette avec une fresque ronde monochrome de la vision de Pie V à la bataille de Lépante. Au-dessus du portail, Gloire du Rosaire. Ces grisailles sont de Tiepolo et de son atelier.

(vu la hauteur et le peu de lumière, la qualité des vues est moyenne) On fait le tour du plafond par la droite pour suivre la chronologie de la vie du Christ et de Marie. 

A gauche l'Annonciation, à droite la Visitation.

Flanc gauche du plafond (on va vers la droite). 

La Nativité.

La Purification. 

Jésus dialogue avec les Docteurs du temple.

L'agonie de Jésus au Jardin des Oliviers à gauche, à droite la Flagellation.

Le Couronnement d'épines. 

Le début du Calvaire.

La Crucifixion. 

Flanc droit. (toujours vers la droite) 

La Résurrection. 

L'Ascension. 

La descente du Saint Esprit. 

A gauche l'Assomption, à droite le Couronnement de Marie.