Palais, Musées, Scuole à Venise

Scuola di San Giovanni Evangelista

Note 1 : La présentation de l'église en face se trouve ailleurs (menu guides en images des églises).

Note 2 : il existe un site très bien fait, avec une version française intéressante pour ses informations mais incomplète quant aux descriptions des œuvres exposées, ainsi qu'une documentation remise à l'entrée.

Note 3 : attention, les jours de visite de la Scuola sont contraints, et il faut aller sur le site pour les découvrir.

La Scuola Grande San Giovanni Evangelista (Saint Jean l'Evangéliste), instituée en 1261 à l'église de Sant'Aponal (Saint-Apollinaire), est transférée en 1301 à la Contrada San Stin (Saint Etienne le Confesseur), en louant des locaux appartenant à la famille Badoer situés à l'étage d'un hospice existant dédié les femmes âgées attenant à l'église. Elle fait partie des 6 Scuole Grandi de Venise définies par le Conseil des Dix en 1467, et en est la plus ancienne.

Les locaux, loués, ont subi des rénovations: les deux inscriptions placées sous le bas-relief dans le Campiello à gauche de l'entrée, avec les confrères agenouillés devant San Giovanni, indiquent que les travaux avait été commencés en 1349 et terminés en 1354.

Au cours du 15ème siècle, la Scuola accroît son importance dans Venise grâce à la donation d'une relique de la Sainte Croix en 1369 par Philippe de Mézières, Grand Chancelier du royaume de Chypre, et décide d'acheter non seulement les locaux loués à la famille Badoer, mais aussi l'hospice, pour tout remodeler l'ensemble (1414 - 1420) afin d'obtenir un siège plus conforme à ses besoins croissants et ses exigences.

Pour la relique fut réalisé un précieux reliquaire, gothique, fait de cristal de roche et d'argent doré.

Deux cycles picturaux furent demandés en 1420 à Jacopo Bellini, mais ils furent rapidement et totalement dégradés dans la dernière décennie du siècle. Gentile Bellini, fils de Jacopo, et ses collaborateurs donnèrent naissance en 1490 aux peintures des "Miracles de la relique de la Croix" pour remplacer les précédentes, pour commémorer les divers miracles accomplis à Venise par la relique et attester ainsi de l’authenticité du bois conservé. La description minutieuse de Venise et de ses notables (particulièrement les membres de la Scuola) prime sur la narration de l’événement. Gentile Bellini représenta le miracle survenu, entre 1370 et 1382, lors d’une procession de la relique jusqu’à l’église San Lorenzo. « Ce miracle, le voici, rapporte Vasari : par je ne sais quel accident, la Croix tomba du pont de la Paglia (en réalité pont San Lorenzo) dans le canal. Nombreux furent ceux qui, par révérence pour le bois de cette Croix, se jetèrent dans l’eau pour la repêcher. La volonté de Dieu fut que personne ne fut digne de la saisir, sauf le prieur de la Confrérie. On considère parfois que Bellini s’inspira d’une cérémonie commémorative de l’événement, à laquelle il aurait pu assister. On identifie alors le prieur sortant le reliquaire de l’eau à Andrea Vendramin, «Guardian grande» de la Scuola Grande San Giovanni Evangelista avant de devenir doge en 1476.

En 1454 la Scuola a été enrichie par la façade latérale en gothique fleuri, de 1478 à 1481, et aussi par l'entrée de la cour en marbre, par Pietro Lombardo. Le portail est surmonté par une grande fenêtre arrière avec un aigle, symbole de saint Jean l'Evangéliste.

En 1498 le chapitre de la Scuola décide de construire un nouvel escalier et fait appel à Mauro Codussi. On voit là tout le génie de Codussi de s'adapter à l'étroitesse légendaire de Venise : pour faire les deux escaliers (montant et descendant) vers le premier étage, comme la longueur totale disponible n'était pas énorme, il a en fait rendu les murs de ces escaliers plus épais en haut qu'en bas. Du coup, et avec d'autres artifices tout aussi géniaux, il a donné l'illusion (parfaite) que ces escaliers étaient beaucoup plus longs (donc majestueux) que dans la réalité ! il a répété le même coup de génie dans l'église de San Giovanni Crisostomo à Cannaregio près du Rialto (le chœur et les absides sont très profondes à cause du manque de place, et le chœur est arrondi car peu profond.

Dans les quarante premières années du 16ème siècle on refait la salle de l'Albergo avec les stalles de bois sculpté et des bas-reliefs; dans ces mêmes années, le Titien et son atelier complètent la série de peintures pour le plafond. La "Vision de saint Jean l'Evangéliste" est maintenant à la National Gallery of Art de Washington, tandis que les travaux de l'atelier (putti, grotesques, symboles des évangélistes) sont conservés à l'Accademia.

À la fin du siècle Jacopo di Antonio Negretti (Palma le Jeune) est choisi pour exécuter quatre grands "Episodes de l'Apocalypse» pour couvrir les murs de la salle de l'Albergo.

Au 17ème siècle, quelques travaux mineurs ont affecté la Scuola, mais c'est dans le siècle suivant, grâce à un legs important, qu'ont été effectués de grands travaux qui concernent tout le premier étage de l'immeuble: à partir de 1727 l'architecte Giorgio Massari s'attaque à la restauration de l'Albergo. Dans la salle capitulaire il rehausse de 7 à 11 mètres l'ancien plafond en bois. De plus il fait refaire complètement les murs et ouvrir douze grandes fenêtres ovales pour donner de la lumière. Dans ces années a été commandée au sculpteur Giovanni Maria Morlaiter la grande statue de Saint Jean l'Evangéliste (1732-1733) sur l'autel de la salle capitulaire. Massari y a également conçu le magnifique sol en marbres polychromes, réalisé en 1752. Les marbres blancs, rouge et noir, forment des décorations extraordinaires en ovales, en étoiles.

L'Oratoire de la Croix fut aussi en restauration. En 1761, Giuseppe Angeli peint la grande toile centrale du plafond.

Par décret napoléonien du 25 avril 1806, la Scuola est supprimée, et son patrimoine en partie vendu. Les lieux deviennent un entrepôt et un dépôt des Domaines. Les grands tableaux représentant dans l'Oratoire les Miracles de la Croix, de Gentile Bellini, Vittore Carpaccio et d'autres, furent expropriés mais restèrent heureusement à Venise et sont aujourd'hui exposés à l'Accademia.

Venise revient ensuite aux Autrichiens qui pensent même à démolir la Scuola et transporter en Autriche le sol de la salle du Chapitre. Heureusement, en 1856 l'entrepreneur en construction frioulan Gaspare Biondetti Crovato, avec l'aide d'un groupe de citoyens vénitiens, rassemblent l'argent nécessaire et arrive à racheter toute la Scuola à l'État.

La Scuola est alors reformée par une corporation "des arts de la construction pour les secours mutuels", pour maintenir le bâtiment et aider les membres dans le besoin.

Depuis lors, la confrérie a repris ses activités. Outre les membres consacrés aux arts des édifices (ou de la construction ou des architectes, le terme italien "arti edificatorie" n'étant pas clair), ont ensuite été admises comme membres aussi d'autres personnes avec un engagement à respecter les objectifs de l'association. En 1931, l'école a été élevée en Archiconfrérie par Pie XI.

Le reliquaire de la Croix, qui, par le décret napoléonien aurait dû être transféré à la Zecca pour être fondu, a été sauvé par le dernier Grand Gardien de la Scuola en fonction à ce moment-là, Giovanni Andrighetti. Ses héritiers le restituèrent à la Scuola plus tard par l'intermédiaire du Patriarche de Venise.

L'histoire du passé de la Scuola, des œuvres d'art, l'architecture, les objectifs de la Scuola ont récemment été recueillis dans un guide détaillé de l'Editeur Marsilio sous la direction de Chiara Vazzoler.

Adresse : San Polo 2454

Horaires : 09:00-17:00 seulement les jours indiqués sur le site mois par mois.

Site web : http://www.scuolasangiovanni.it

Rev3 10/04/2019

Le portail (transenne, portique ou transept ?) délimitant le campiello et le site de Saint Jean l'Evangéliste.

On trouvera partout les signes du Saint (aigle, livre).

L'aigle.

De part et d'autre, des statues en prière.

Il y avait des portes dans le passé.

Ce portique est considéré comme un chef d'œuvre de la Renaissance, mais il est assez abîmé.

Le campiello, avec au fond sur la gauche un sottoportego mène à la Calle della Laca.

Les Confrères en prière devant San Giovanni, à la création de la nouvelle Scuola. Une indication dans la pierre donne les dates de 1349 et 1354.

L'entrée est une vaste salle décorée d'œuvres, la plupart étrangères à la Scuola. Le plafond avec ses poutres apparentes est le seul témoignage de la première Scuola avant le 15ème siècle. La porte donnant sur l'escalier à droite, avec ses piliers rainurés et son architrave "niellé".

Le niello est un enduit d'orfèvrerie précieux, contenant du sulfure d'argent, de borax et du cuivre, pour recouvrir des parties d'une décoration, donnant un aspect sombre mais lumineux.

Les murs sont troués de plusieurs ouvertures.

Salle des colonnes, où étaient reçus Confrères et pèlerins. Elle a conservé son aspect du Moyen-Age.

5 colonnes de pierre aux chapiteaux décorés d'un bec de chouette, d'un visage de Confrère avec la cape et l'emblème de Saint Jean, soutiennent une longue poutre maîtresse sur laquelle reposent les poutres transversales du plafond.

La salle, restaurée et rendue imperméable après la grande inondation de 1966, a été mise en valeur avec l'accrochage aux murs, de sculptures intéressantes, mais pour la plupart extérieures à la Scuola.



On ignore d'où proviennent ces pierres.


La porte donnant l'escalier, avec ses piliers et les décors niellés en haut. Mauro Codussi a réalisé cet escalier en 1498, avec des astuces géniales pour qu'il paraisse plus grand.

Il a élargi l'épaisseur des murs (70cm de plus en haut qu'en bas ! Les lignes de perspective des rampes créent l'illusion d'une plus grande profondeur que celle réelle.

Pour augmenter l'effet : les deux petites pièces carrées avec les petites coupoles aveugles au début des rampes, les vitres latérales qui marquent la montée, les arches sur les chapiteaux suspendus qui marquent la voûte du plafond.

La salle capitulaire, destinée à recevoir l'assemblée générale des membres, et refaite par Giorgio Massari entre 1727 et 1762. Dès l'entrée on admire la richesse de la décoration.

L'ancien plafond de bois fut rehaussé de presque 4 mètres. Et les meilleurs artistes furent appelés (Tintoret, Longhi, Peranda, Marieschi, et d'autres plus tard au 18ème siècle). Les 12 grandes fenêtres ovales furent …

… percées pour la lumière, les toiles racontent la vie de Saint Jean l'Evangéliste selon la "Legenda Aurea" (la Légende Dorée) de Jacques de Voragine. (visite par la droite).

Chute du Temple de Diane à Ephèse, Domenico Tintoretto (1560-1635), fils de Jacopo Robusti (le Tintoret).

Le martyre de Saint Jean, (mais l'huile bouillante ne lui fit aucun effet), (Sante Peranda, 1566-1638).

La Déposition, Andrea Michieli (1539-1614).

Transfiguration du Christ, Domenico Tintoretto.

Le mur du fond avec l'autel qui remplace le précédent en bois, en marbre clair avec des veines grises, (Massari, 1728). Au centre, la niche abrite la statue de Saint Jean (Giovanni Maria Morlaiter, 1732-1733), représentant le Saint rédigeant son Evangile, avec l'aigle et un chérubin.

On passe dans une des salles des stucs (à droite, ouverte ce jour-là), construites en 1757, comme salles de logistique pour la nouvelle salle capitulaire. Les stucs sont des maîtres du Tessin Antonio Adami et Francisco Re.

Sur les murs, des posters de la série des Miracles de la Croix (1500) de Gentile Bellini, aujourd'hui à l'Accademia. La relique de la Croix, d'abord dans l'église, fut transférée ici. (voir l'introduction).

Lors d'une procession (entre 1370 et 1382 ?), la relique tomba dans le canal San Lorenzo, mais personne ne put s'en saisir, sauf le Prieur de la Confrérie.

Bellini s’inspira d’une cérémonie commémorative de l’événement à laquelle il aurait pu assister. Le prieur sortant le reliquaire de l’eau est Andrea Vendramin, "Guardian grande" de la Scuola avant de devenir doge en 1476. Les stucs sont blancs sur fonds jaunes.

Retour à la salle du Chapitre avec le décor du fond de Massari, en haut Saint Jean guérit un enfant, avec l'Ancien miraculé (J. Guarana, 1720-1807), en bas Saint Jean guérit un bébé (J. Marieschi, 1711-1794).

L'autel avec la statue de Saint Jean écrivant son Evangile (Gian Maria Morlaiter, 1733), accompagné de l'aigle et du petit ange.

Au-dessus de l'autel, scènes de l'Apocalypse (de St Jean) (E. Perini, 1671-1757).


A gauche de l'autel, en haut Saint Jean avec l'Ancien miraculé (J. Guarana, 1720-1807), en bas le miracle des pains (J. Marieschi, 1711-1794).

Le flanc gauche de la salle capitulaire, avec le sol en marbres polychromes de Massari.

Disputation entre le Saint et le philosophe Cratène (Domenico Tintoretto).

L'Adoration des Mages, Pietro Longhi (1702-1785).

Saint Jean survit au poison d'Aristobule, D. Tintoretto.

L'Adoration des bergers, A. Balestra (1666-1740) (magnifique !).

Jean sort sa disciple druse de son cercueil, D. Tintoretto (titre ???).

Détail du sol en marbres polychrome (Giorgio Massari, 1752), qui a failli être envoyé en Autriche au 19ème.

Le plafond, rehaussé de 5 mètres par Massari, et décoré par plusieurs maîtres dont Tiepolo et Marieschi on part du fond au-dessus de la porte des stucs de droite), avec des toiles de scènes de l'Apocalypse de San Giovanni.

San Giovanni dévore le Livre (J. Marieschi).

Vision de Saint Jean : le Livre des 7 Secrets (il Libro dei sette sigilli) (J. Marieschi). (ce sont les 7 miracles ou signes décrits par Jean dans son Evangile)

Apparition de la Vierge couronnée (J. Marieschi).

En reculant, à droite, San Giovanni reçoit le bâton pour mesurer le Temps (G. Diziani, 1690-1767), à gauche, le Vieux aux sept lampes.

Dans le grand ovale central, la Lutte contre l'Antéchrist, G. Angeli (1709-1798).

En reculant encore, à gauche, l'ange et le dragon (G. Diziani, 1690-1767), à droite, la Prostituée de Babylone (G. Diziani).

La Vision des sept anges et des sept vases (Jacopo Guarana).

Les Anges et les Vents mauvais, D. Tiepolo.

On passe dans la salle de l'Oratoire de la Croix, très belle chapelle complètement rénovée au 18ème siècle, contenant le reliquaire.

Ici se trouvaient accrochés aux murs les toiles de Bellini racontant les mystères de la Croix. Ils ont été remplacés par d'autres tableaux, certains venus de l'extérieur de la Scuola.





Le reliquaire doré en cristal de roche contient deux fragments de la Vraie Croix, et fut l'objet d'une énorme dévotion à Venise (processions mais aussi dons en argent et en nature dont bénéficia la Scuola …).

A gauche de l’autel, (pas d’info), Christ au mont des Oliviers ?).



Au centre du plafond orné de très beaux stucs, l'Exaltation (ou le Triomphe) de la Croix de Francisco Magiotto (1788), et, juste autour, 4 petits mais très beaux médaillons de stuc bleu représentant les symboles de Saint Jean : pastorale, l'aigle et la coupe de poison.

Dans les stucs ovales rose et doré du plafond, ici le calice.

L'éponge et les clous.

La couronne d'épines.

INRI.

La salle de l'Albergo (de l'Auberge), où se tenaient les réunions des comités de direction (la Banque, et la Zonta), et qui n'a pas eu de rénovation au 18ème siècle comme le reste de la Scuola.

Les stalles en bois sont du 16ème, avec des décorations géométriques.

Aux murs, 4 toiles de Palma le Jeune (1582), avec des épisodes de l'Apocalypse, ici les Anges Exterminateurs (Angeli sterminatori).

Les 4 Chevaliers de l'Apocalypse (I quattro cavalieri dell'Apocalisse).

Le plafond était orné d'un chef d'œuvre du Titien (Vision de Saint Jean à Patmos).




La Vierge couronnée d'étoiles (avec St Jean).


On sort par l'autre rampe de l'escalier de Codussi (en examinant bien la perspective, on se rend compte que les lignes de fuite ne sont pas "naturelles", signe que les murs sont plus près en haut qu'en bas).