Guide en images des églises de Venise

Santi Maria e Donato, le pavement

Préambule : la présence des rangées de bancs, les tapis, le mobilier (autel, bénitiers, etc., et autres surveillants font qu'il est très compliqué d'être exhaustif dans la présentation des pavement de Santi Maria e Donato. On présente ci-dessous d'intéressants exemples mais on est loin de couvrir l'ensemble (personne n'a pu à ma connaissance le faire).


Voir aussi le guide en images de l'église REF JCS-Murano-SantiMariaeDonato

et pour la balade dans Murano, voir le guide REF JCS-Murano

Histoire de Murano

Murano (Muran dans les premiers temps, mentionné dans un traité de paix en 840 entre Lothaire et Pietro Tradenico duc de Venise) fut peuplée comme les autres îles de la lagune : les invasions à répétition des Barbares venus des steppes russes (eux-mêmes fuyant les hordes venus d'Extrême-Orient, Mongolie ou Chine) dévastent cette région Vénète de grand passage en Europe, depuis le 2ème jusqu'au 8ème siècle : en 160, des "Barbares" venus du Nord : Quades, Marconiens, Sarmates, en 250 les Alamans, les Jutes, en 390 les Goths de Théodose et les milices d'Alaric. Un raz-de-marée vers le 5ème (date non prouvée) dévaste tout. En 452 cela continue avec Attila qui détruit Aquilée et produit une émigration massive dans les îles de la lagune, en 486 avec Théodoric, avec les Lombards du roi Albouin, en 560 (puis en 639), avec des flots de réfugiés emmenant tous leurs biens (jusqu'aux pierres de leurs maisons ou leurs églises).

Les Vénètes durent se résoudre à quitter la terre ferme pour les îles où les marais, les hauts fonds les protégeaient suffisamment. D'où des migrations complètes de villages sur Torcello, Rivo Alto et Muran entre autres.

Des traces d'une première église dédiée à Marie et datant du 7ème siècle (mais pas sûr) sont indiquées dans un manuscrit de février 999, mentionnant aussi une restauration au 9ème siècle.

Mais en 1124, le Doge Domenico Michiel revient d'une croisade où il avait à l'aller pulvérisé la flotte sarrasine puis fait tomber Tyr occupée par les Musulmans (moyennant de gros avantages commerciaux). Au retour, il punit Jean Comnène l'empereur byzantin pour avoir dénoncé les privilèges commerciaux de Venise à Byzance : il reprend Rhodes, les iles Egéennes, remonte sur Modon, et occupe Céphalonie (côte ouest de la Grèce au large de Patras et au sud de Corfou), où il dérobe les reliques de Saint Donat (avec en plus les "os" du "dragon" qu'il avait abattu) pour les ramener à Venise en grandes pompes en aout 1125. L'histoire de ce dragon a plusieurs versions : Saint Donat a éloigné le dragon-démon qui avait pris possession des filles du gouverneur en crachant dessus (en fait non mais c'est une image), ou alors (plus classe) en faisant un signe de croix.

Santi Maria e Donato

Des traces d'une première église dédiée à Marie et datant du 7ème siècle (mais pas sûr) sont indiquées dans un manuscrit de février 999, mentionnant aussi une restauration au 9ème siècle.

Mais en 1124, le Doge Domenico Michiel revient d'une croisade où il avait à l'aller pulvérisé la flotte sarrasine puis fait tomber Tyr occupée par les Musulmans (moyennant de gros avantages commerciaux). Au retour, il punit Jean Comnène l'empereur byzantin pour avoir dénoncé les privilèges commerciaux de Venise à Byzance : il reprend Rhodes, les iles Egéennes, remonte sur Modon, et occupe Céphalonie (côte ouest de la Grèce au large de Patras et au sud de Corfou), où il dérobe les reliques de Saint Donat (avec en plus les "os" du "dragon" qu'il avait abattu) pour les ramener à Venise en grandes pompes en aout 1125. L'histoire de ce dragon a plusieurs versions : Saint Donat a éloigné le dragon-démon qui avait pris possession des filles du gouverneur en crachant dessus (en fait non mais c'est une image), ou alors (plus classe) en faisant un signe de croix.

Du coup, l'église Santa Maria devient le réceptacle des reliques, on change le nom de l'église en Santi Maria e Donato (pas de problème pour les Vénitiens). Déjà restaurée plusieurs fois en style roman byzantin, elle est encore largement remaniée en 1140 dans sa forme actuelle, avec en particulier son pavement.

La façade et les flancs sont construits majoritairement en briques rouges sans décorations autres que de grandes lésènes verticales (mais c'est normal pour une église romano-byzantine).

L'abside (le chevet), donnant vers l'est (donc : venir tôt le matin), est véritablement un joyau du roman byzantin qu'on retrouve à Ravenne et ailleurs. L'apport de la pierre blanche et du marbre polychrome produit des combinaisons magnifiques.

On passe ensuite le long de la nef droite, avec un mur de briques sans autre décoration notable que ces arcatures soit aveugles, soit entourant les fenêtres des nefs, avec aussi ces bandes lombardes verticales qui les relient.

La façade, orientée ouest, est d'une simplicité extrême, à l'image des églises romanes du haut Moyen-âge avec seulement deux petits piliers de marbre sculptés (provenant peut-être d'Altino), quatre fenêtres dans des arcatures et des lésènes très longues rejoignant les arcatures en plein cintre au sommet. Au-dessus de la porte, un haut relief du 13ème représentant Saint Donat et un dévot.

L'intérieur est unique pour son sol pavé du 12ème siècle, et la coupole en cul-de-four de l'abside, toute décorée de mosaïques dorées où règne la Vierge Marie, typiquement byzantine, en prière.

Le(s) pavement(s)

Le (ou les ?) pavement (s) (terme général désignant le sol de l'église) mérite un sort particulier compte tenu de son histoire et de son contenu magnifique, Ces pavements (les carreaux, roues, triangles ou rectangles de mosaïques et de bouts de marbre et de pierres) ont été, de façon certaine, posés en même temps que ceux de la basilique Saint Marc puisqu'ils sont datés de 1140 (voir la roue centrale hérissée de porphyre dans la travée centrale, l'inscription indique clairement le 1er septembre 1140). On ignore si ce sont les mêmes ouvriers ou artistes qui ont travaillé ici aussi.

Fait de porphyre, de serpentine et d'autres pierres méditerranéennes précieuses, les décorations et mosaïques comprennent des motifs géométriques et des images figuratives.

Deux techniques sont utilisées pour associer les pierres et les verres des motifs. La première est dite sectile (opus découpé), elle consiste à prendre de gros (relativement) morceaux de pierre découpés pour les assembler en décorations, qui ne sont pas des mosaïques à proprement parler. La seconde est dite en tesselles (opus tesselatum, du latin tessela qui signifie cube ou dé) et consiste à prendre de petits cubes de pierre ou de verre, de 1 à max 2 cm, pour fabriquer des mosaïques et des ornements plus fins. Les paons que l'on voit dès l'entrée en sont un bon exemple. (plus petit, on parle de l'opus vermiculé)

La voie centrale (la voie du Salut, les rangées de bancs comprises) est composée d'abord de 4 grandes roues de mosaïques de marbres polychromes, quasiment identiques, en tous cas en dimensions, qui entourent au centre de la travée une roue plus petite très ouvragée. Des triangles (en opus tessellatum) de porphyre hérissent cette roue (en mosaïque opus sectile) où un texte est écrit: In Nomine nostri Jhesu Christi Anna Domini Millesimo CXL Primo menso Septembris indictione V (au nom de notre Seigneur Jésus Christ l'an du seigneur 1140, 1er jour de septembre)

Au début et à la fin de cette composition on trouve deux couples de paons (symboles d'éternité) qui se font face, un des deux puisant dans une jarre sa pitance. Ces paons datent de 1141. Viennent ensuite les motifs rectangulaires en marbre contenant probablement des tombes de personnages chers à l'église., puis une frise de carreaux qui se poursuit avec de nouveau quatre roues, plus petites, entourant une cinquième. Elles sont peu visibles à cause des bancs placés dessus. Enfin, une série de plaques de marbre plus grosses que les précédentes est placée devant le chœur et l'autel principal. La tombe centrale est celle de la tombe de l'évêque Marco Giustinian (descendant de San Lorenzo Giustinian, premier patriarche de Venise, représenté à gauche de l'autel majeur)

La nef droite est selon certains spécialistes, la représentation de la voie baptismale. Derrière le bénitier de droite, on trouvera un aigle tenant un volatile dans ses serres. Elle commence avec un hexagone, puis une série de 4 roues (symbolisant l'église fondée sur les 4 évangiles), et ensuite on trouve des rectangles remplis d'ondes marines (allégories du baptême au nom de la Trinité, il y en a ailleurs aussi). On pourra noter tout près des nœuds gordiens (ou de Salomon) et aussi des griffons marins stylisés. A gauche des ondes, un échiquier remarquable. Plus loin dans la nef droite, un octogone (attente de la venue du Christ au Jugement dernier), puis six grandes roues au niveau de l'autel majeur. Dans la chapelle on retrouve des roues plus petites agrémentées de motifs circulaires de fleurs.

La voie de gauche est appelée voie ecclésiale ou de l'église (la voie centrale est celle du Salut). Elle commence par des roues dont les espaces libres sont décorés de végétaux quasi identiques mais tous différents. Dans la troisième arcade au sol, une représentation d'arcades opposées, séparée par des losanges et des carrés. Devant le pilastre de la chaire vers la chapelle, un carré de tuiles représentant un labyrinthe. Il y en a une autre plus bas vers la chaire (ouvert par les bancs).

Devant l'autel, un bel ensemble de roues agrémentées d'un couple de grillons et de deux bestioles non identifiées. Le demi-cercle de porphyre et de marbre prépare l'accès aux marches du chœur de la chapelle.

Les restaurations

Plusieurs restaurations successives et malheureuses (en style baroque) eurent lieu les siècles suivants, mais celles de la mi-18ème (reconstruction de l'abside) et une restauration importante par Tommaso Meduna) entre 1866 et 1873 remirent un peu les choses en ordre. Dans les années 70 l'église est restaurée dans sa forme initiale.

En 1974, un premier important travail de restaurations a été entrepris. Jean et Gladys Krieble Delmas ont fourni un financement pour Save Venice pour changer le sol en mosaïque dans l'église. Une intervention radicale qui a sauvé le pavement dans un état proche de l'extinction. Les pièces en mosaïque avaient été posées directement sur la couche de terre avec une mince couche de mortier, selon les pratiques habituelles des constructions médiévales d'alors. Mais l'église était fréquemment soumise à des inondations, et des bassins stagnants d'eau de mer avaient corrodé les mosaïques, qui étaient déjà dans un état précaire à cause des siècles d'usure.

Pour installer un sous-plancher étanche qui protégerait la mosaïque précieuse, tout le pavement de marbre et de mosaïques du sol a été découpé en petites zones, comme un puzzle, faciles à enlever et remettre. Chaque zone, numérotée, a reçu un traitement de fond par application de colle imprégnant des bandes de tissu de coton, qui deviennent rigides au séchage. Ces zones de mosaïque solidifiées ont alors été codées et placées sur des racks de stockage spécialement construits jusqu'à ce qu'elles puissent être réinstallées sur le nouveau plancher. La construction de ce plancher au-dessus du sol brut a duré quatre années, jusqu'en 1978. Pendant la réinstallation, les morceaux manquants, les carrés minuscules de mosaïque ont été remplacés et, dans la mesure du possible, les motifs ont été complètement remplis. Un revêtement de marbre a remplacé les pertes les plus importantes.

L'entretien a recommencé en 2014 avec un financement partiel de The Thompson Family Foundation, Inc., Tina Walls et The James R. Dougherty, Jr. Foundation, Inc. Les conservateurs de la campagne récente de Save Venice se sont d'abord concentrés sur une section gravement endommagée dans la nef gauche décorée d'une série de vaisseaux sacrés formant un motif vague entourant un roman coloré. Des dons supplémentaires sont nécessaires encore aujourd'hui en 2016 pour compléter l'œuvre de restauration.

Références

Petit guide de la Basilique, (en français), G. Mazzucco, Unita Pastorale di Murano

Les Eglises de Venise, ouvrage extraordinaire (et lourd)

Le blog de Paul Geslin, le Blog d'Anna Livia

Les photos de Mr Hostetler m'ayant permis de "situer" certains détails et photos dans l'église (en attendant mon prochain voyage)

SaveVenice:

https://savevenice.org/our-restorations/murano-church-of-santa-maria-e-san-donato-mosaic-pavement/

Adresse : Campo Santo Donato, Murano

Horaires : Lun-Sam 08:30-12:00 16:00-19:00 Dim 16:00-19:00

Rev3 14/06/2019

La travée centrale (voie du Salut).

4 énormes roues et une au centre.

Mosaïque des deux paons, symboles d'éternité.


La roue centrale, qui date le pavement de l'église à 1140 (MXLC).

En abréviations de latin compliquées du moyen-âge, l'inscription invoque le Christ et date l'ouvrage au 1er septembre ('set~bindic~v").

Au bout de la zone de roues, des paons de nouveau, presque les mêmes, datés de 1141

Et une rangée de tombes.

a travée continue avec une tombe et un nouvel ensemble de roues.

Ici, les roues vues depuis l'autel.

Les motifs sont extrêmement recherchés et de grande qualité. Tout cela date de 1141 quand même, et ce sont peut-être les mêmes artisans que ceux de Saint Marc qui travaillaient à la même époque sur les mosaïques de la Basilique.



Devant les marches de l'autel majeur, des tombes, celle au centre est celle de l'évêque Marco Giustinian, descendant de Lorenzo le premier patriarche de Venise.

La nef droite porte des mosaïques de la "voie baptismale", elle commence par un aigle tenant un volatile dans ses serres.

Puis un hexagone (ici sa partie centrale hexagonale aussi) représentant les 6 jours de la Création.

Sous la troisième arcade, les deux coqs très fiers emmenant un renard ficelé et pendu (le renard se fait passer pour mort, un symbole de la ruse qui prévaut sur la naïveté).

Après l'hexagone, quatre grandes roues représentant les évangiles; Puis une rangée d'ondes marines.


Et toujours des carrés de pavements magnifiques, certains en arrangements de pierres semi-précieuses (porphyre, serpentine) d'autres en mosaïques.

L'échiquier plus loin, jeu oriental évoquant la lutte entre le Bien et le Mal.

Les griffons marins vers les ondes marines.

(Presque) les mêmes de l'autre côté.


Devant l'autel de la chapelle, ce nœud de Salomon (nœud gordien, il y en a d'autres ailleurs) et les 4 roues hexagonales aux contours complexes.

La nef gauche est appelée "voie ecclésiale", elle commence par des roues dont les espaces libres sont décorés de végétaux semblables mais subtilement différents.

Les motifs floraux ou végétaux aux côtés des roues.


Tous sont différents mais très semblables.


On peut passer la journée à admirer tous ces éléments de pavements.

Un arrangement très moderne de plaques de marbre et de motifs très fins et colorés.

Ici des damiers d'une finesse incroyable.

Et aussi des motifs abstraits qui semblent dater des années trente.

Sous l'avant dernière arcade, l'aigle emportant un agneau.

Les deux griffons face à face, placés sous les bancs la plupart du temps.


Ici, une double rangée d'arcades opposées séparées par des losanges et des carrés.

Le labyrinthe (le chemin spirituel de l'homme, confronté aux impasses, vers la Vraie Vie).


Devant l'autel de la madone des Grâces, des sections de pavés irréguliers et des mosaïques de très grande qualité.

A droite, des bestioles inconnues (des cailles ? des pintades ?).

A gauche, les grillons (symbole de l'homme chantant la gloire du Seigneur).

Devant les marches, ce demi-cercle mélangeant plusieurs techniques (à-plat de marbre, triangles de porphyre, petits carreaux de pierre et de verre).

Les mosaïques photographiées qui suivent n'ont pas pu être précisément localisées par la suite.

La restauration de 1974 à 1978 (et c'était absolument nécessaire à cause des acque alte, des corrosions et du ciment éliminé par l'âge) ….

… a permis de construire un faux-plancher, et les découpes furent stockées, numérotées, surs des racks.

Pour chaque découpe, les éléments furent restaurés en rajoutant des pièces manquantes. Un mélange de coton et de colle permit d'étanchéifier et de solidifier chacune des découpes qui furent remises sur le plancher nouveau

A partir de 2004 SaveVenice a pu continuer à consolider le pavement de la nef gauche de nouveau endommagé.


Presque le même motif …

On peut remarquer le travail de restauration qui a essayé au maximum de ne pas en faire trop.