Guide en images des  églises de Venise

San Moisè (San Marco)

 Histoire

Saint, Moïse ?? On ne voit cela qu'à Venise. La façade de San Moisè se voit facilement depuis le campo, près de la Piazza. La première église en bois dédiée à San Vittore, financée par les familles nobles Artigeri et Scopari,  est datée de la fin du 8ème siècle. Le bois à Venise, cela ne dure pas, et en 947, Moïse Venier, un autre noble (la famille a donné des Doges et des Procurateurs célèbres) en finance la reconstruction, et la dédie au prophète Moïse comme de bien  entendu, d'où le nom qu'on lui donne. 

Notons tout de même que l'on trouve aussi San Zaccaria, San Giobbe, San Geremia et San Samuele à Venise, tous héros de l'Ancien Testament, et morts trop tôt pour être canonisés. 

Le bois brûle bien aussi, un incendie la détruit en 1105, on la refait. En 1632 (d'autres disent 1628) l'église est reconstruite entièrement, financée par la famille Fini, devenue noble par achat de leur charge lors des problèmes financiers de la Seigneurie qui créait ses nominations moyennant 100 ou 150 000 ducats.  

Après 1870 et l'unification de l'Italie, on pense à détruire l'église, devenue dangereuse. Mais le comte Alvise Zorzi défend vigoureusement sa conservation, pour garder à Venise les monuments du passé, beaux ou non, et finalement arrive à convaincre la municipalité de garder l'édifice.


Extérieur

Ce qui frappe d’abord c’est cette façade pompeuse et prétentieuse (normal on est en plein baroque, et le classicisme palladien en prend un coup), façonnée pour contenir les figures des Fini, grands commerçants vénitiens et exemples de la noblesse d’argent. Parenthèse, quand on voit la façade de Santa Maria del Giglio qui n’est pas très loin d’ici, on se dit qu’il y a encore pire comme mégalomanie, même si  l’esthétique est incontestablement meilleure à SM del Giglio.

Cette façade est réalisée en 1668 sur les plans d'Alessandro Tremignon, toute à la gloire de la famille (coût : 30 000 ducats quand même). On y voyait des statues partout vantant la réussite commerciale des frères Fini. Vicenzo Fini, fait Procurateur de Saint Marc en 1687, est assis au-dessus de son obélisque tenu par des anges et posé sur deux chameaux (dromadaires dont tout le monde dit, moi aussi, qu'ils sont horribles, mal faits et ressemblant plus à des tortues). Il y avait plein d'autres statues des Fini sur la façade, mais certaines sont tombées, avec la vétusté. 

Au-dessus des Fini, les Vertus, et au sommet des Sibylles. Tout cela sculpté par Heinrich Meyring, célèbre sculpteur flamand (qui a fait aussi l'autel) et élève de Bernini.

Intérieur

L'intérieur est à une nef avec deux chapelles autour du chœur et contient de très intéressantes œuvres des 17ème et 18ème siècles, avec aussi un Palma le Jeune (la Cène) et un Tintoret (le Lavement des pieds). 

Mais l’œuvre qui caractérise le plus l’église est le maître-autel. C’est un énorme bloc minéral sculpté (Heinrich Meyring) représentant Moïse recevant les Tables de la Loi (au goût très discutable mais c’est original). John Law a sa tombe ici. Il était le financier écossais ayant inventé à la fois, le papier monnaie (la banque générale en France en 1716), la Bourse, et les junk bonds en 1717 avec la Compagnie de l'Occident pour développer le Mississipi. Les actions montèrent de 500 à 20 000 livres grâce à une spéculation forcée sous l'égide du Duc de Bourbon son ennemi juré qui ensuite revendit tout ce qu'il avait, créant la panique et l'effondrement des cours. Ruiné avec ses actionnaires en 1720, Law dut s'enfuir à Venise où il mourut en 1729 dans la pauvreté.

Le campanile date du 14ème siècle en briques avec des pierres d'Istrie en décorations, assez joli.


Le Châtiment des Serpents (Nombres, 20 et 21)

Le fameux Châtiment des Serpents, comme il y en a plein à Venise (Ancien Testament, Nombres, 20 et 21). Pendant la fuite d'Egypte avec Moïse, des serpents du désert tuaient les Hébreux dont la foi devenait faible: « Alors l'Eternel envoya contre le peuple des serpents brûlants ; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël » (verset 6).

Moïse, supplié par les Hébreux repentissants, demande une solution à Dieu qui finit par lui donner. Il lui demande de mettre un serpent de bronze (ou d'airain) sur une perche et lui dit : "Quiconque sera mordu et le regardera, vivra".

Et effectivement c'est ce qui se passa.         


Note : après 3 visites, il s'avère très difficile de faire de bonnes photos pour la raison que les lumières extérieures arrivent de haut en bas à travers les fenêtres alors que la bâtiment est relativement clos, ce qui entraîne de fortes variations de luminosité sur les œuvres, que les caméras n'aiment pas du tout.

  

Adresse: Campo San Moisé San Marco

Horaires : 9:30-12:30 15:00-18:30  (autres sources différentes, mais ça a l'air ouvert la journée.

Rev4 10/12/2023 (entièrement refaite, changements à venir encore)

Saint, Moïse ?? On ne voit cela qu'à Venise. La première église en bois dédiée à San Vittore, financée par les familles nobles Artigeri et Scopari,  est datée de la fin du 8ème siècle. Le bois à Venise, cela ne dure pas, et en 947, Moïse Venier, un autre noble (la famille a donné des Doges et des Procurateurs célèbres) en finance la reconstruction, d'où le nom qu'on lui donne. 

Le bois brûle bien aussi, un incendie la détruit en 1105, on la refait. En 1632 (d'autres disent 1628) l'église est reconstruite entièrement, financée par la famille Fini. La façade ultra-baroque de San Moise, est aussi très païenne (ce n’est pas la seule, voir Santa Maria del Giglio ou San Zulian pas loin d’ici), elle est constellée de bustes des Fini. A gauche, Girolamo, au centre ET à droite, Vicenzo. 

Au-dessus des Fini, les Vertus, et au sommet des Sibylles.. 

La façade est due à l'architecte Alessandro Tremignon et au sculpteur Heinrich Meyring en 1667. Parmi tous les bustes exposés, certains sont déjà tombés par terre

A gauche, Girolamo Fini, Procurateur de Saint Marc, finança la façade pour 30000 ducats avec son frère Vicenzo 

Le monument central à la gloire de Vicenzo est porté par des dromadaires (à tête de grenouilles disent les mauvaises langues). 

A droite, Vicenzo Fini. Au-delà de l'extrême exposition  de la famille, c’est pompeux et déplaisant. 

Cette façade, ultra-baroque, est très païenne, comme celles de Santa Maria del Giglio ou de San Zulian pas loin d’ici .

C’est une petite église à nef unique, avec deux chapelles de part et d'autre du chœur. 

Vue de la contre-façade bien décorée aussi. (visite par la gauche). 

Flanc gauche, très baroque, aux lourds piliers et aux épaisses doubles colonnes des autels, en marbre veiné et sans doute très chères. 

Premier autel, La Vierge et les Saints (Antonio Molinari, ca 1680), à noter sur l’autel la belle icône de la Vierge à l'Enfant datant du 14ème siècle. 

Imposant monument baroque (Marco Beltrame, 1688) où on peut lire le nom de Christophor Ivanovich, un Dalmate devenu Chanoine de Venise en 1681.

Historien de l'opéra, il a écrit des livrets et dressé la liste des opéras joués à Venise entre 1637 et 1681. 

Il serait mort en 1689, soit après la construction de ce monument.

Naissance de la Vierge, Masseo Verona 1610. 

Les chapelles latérales occupent un grand espace par rapport au chœur. 

Chapelle du Saint Sacrement (18ème siècle) à droite du chœur.  Noter la partie droite de la balustrade très inclinée par rapport à la partie gauche

Le lavement des pieds (Le Tintoret), où le principal acteur est confiné au fond en haut de la toile (Farceur ce Tintoret).

Les Apôtres qui occupent tout le tableau ne se sentent pas vraiment concernés (comme dans presque toutes les scènes identiques du Tintoret, par exemple à San Marcuola). Et Jésus tout en haut à droite, qui tient une serviette et sèche les pieds de Pierre. 

C'est le Maniérisme, courant artistique s'opposant au Classique de la Renaissance, dont le Tintoret sera un des maîtres du 16ème siècle, qui se fiche des perspectives, de la perfection des corps, et du placement du sujet dans la toile. 

A gauche de l’autel, la dernière Cène (Palma le Jeune, 1595 ?), tableau plein de facéties également, par exemple le fameux chien (ici un genre lévrier, il ne devait pas y en avoir beaucoup autour de Jérusalem  à l’époque …). 

En vérité ce chien est un clin d'œil a son ami le peintre Bassano, un des premiers à introduire un chien au centre de la scène. Ils ne seront pas les derniers ! 

On peut aussi se poser la question pourquoi le Christ se croit obligé de mettre une hostie dans la bouche de Jean, comme d'habitude affalé sur la table. 


Le fameux et hideux maître-autel de Heinrich Meyring (Moïse recevant les Tables de la Loi). 

Un gros rocher avec des volutes, des plaques d’acier représentant les Tables de la Loi. 

Moïse tout en haut, entouré de chérubins très laids soufflant éperdument dans leurs trompes. 

Moïse tout en haut, entouré de chérubins très laids soufflant éperdument dans leurs trompes. 

Sur le mur gauche du maître-autel, le fameux châtiment des serpents (Antonio Pellegrini), comme il y en a plein à Venise. Pendant la fuite d'Egypte avec Moïse, des serpents tuaient les Hébreux.

(voir l'introduction) 

Dieu lui demanda de mettre un serpent de bronze (ou d'airain) sur une perche et dit : "Quiconque sera mordu et le regardera, vivra" Et effectivement  c'est ce qui se passa. 

A droite du choeur : chapelle de Saint Antoine, (Jacopo Guarama). 

A gauche, au-dessus des scènes de la vie de Saint Antoine, le Cercueil vide 

(note : ces 2 photos seront remplacées prochainement)

Sur le mur droit de la chapelle, Présentation de la Vierge au Temple (Domenico Beverenza, 19ème siècle).

A droite dans la chapelle, Présentation de la Vierge au Temple (Domenico Beverenza, 19ème siècle).

Vue de la nef droite. 

Invention de la Croix par Sainte Hélène (Pietro Liberi). Hélène est née vers l'an 250 et morte en 330 à Nicomédie. C'est la femme de l'empereur Chlore 1er (donc impératrice), et la mère de Constantin,  1er empereur converti (par sa mère) au christianisme, rendu ensuite religion acceptée dans l'empire. 

Hélène aurait retrouvé la Croix du supplice de Jésus à Jérusalem (on parle de "l'Invention de la Vraie Croix"), sur le site du Saint-Sépulcre où l'empereur Hadrien avait fait construire un temple à Vénus qu'Hélène fait abattre. (en fait ce serait à l'initiative de l'empereur Constantin qui avait fait restaurer les lieux). 

L'adoration des Mages (Giuseppe Diamantini, ca 1655 ?) 

La sacristie aussi est intéressante. 

Mélange anachronique de la Vierge, de Tables et des évêques ! 

Les murs sont décorés de stucs délicats et de tableaux des Evangélistes, de la Madone, etc 

Au plafond, une Piétà très belle. 

La contre façade, avec deux grands tableaux entourant l'orgue. 

Encore un orgue des  frères Callido que toutes les riches églises de Venise se devaient d'avoir ! 

A gauche de l’orgue, la Lapidation de Saint Etienne (Sante Piatti). Saint Etienne, pur Juif de Jérusalem fut condamné parce qu'il avait blasphémé contre le Sanhédrin. Jamais chrétien, il est tout de même devenu le premier Saint de l'Eglise chrétienne. 

Ici aussi, on a des images très baroques (Piatti est un Vénitien élève de Diamantini, et son art se développe en pleine période du Baroque flamboyant). 

Le buffet de l'orgue. 

A droite de l’orgue, La Crucifixion (Girolamo Brusaferro, ca 1705). 

(encombrée et curieusement peinte au moment de la montée de la Croix). 

A droite de l’orgue, La Crucifixion (Girolamo

Brusaferro, ca 1705). Elle est bien encombrée et curieusement peinte au moment de la montée de la Croix.

Les peintures de cette église sont de l’époque baroque, des 17ème et 18ème siècles, on a un peu de mal à les apprécier par rapport aux grands classiques vénitiens comme le Tintoret, Palma, ou même plus tard les Tiepolo. 

Au plafond, une fresque représentant Moïse frappant le rocher (Nicolo Bambini). Après 40 ans à errer dans le désert, les Israélites et Moïse commencent à avoir soif. 

Jéhovah lui dit d’aller taper un rocher pour faire jaillir de l’eau. C’est ce qui se produit et sauve le peuple. (Mais Jéhovah est fâché contre Moïse car il a fait croire que c’était lui qui avait fait jaillir l‘eau et pas Dieu …).