Guide en images des églises de Venise

San Marcuola (Cannaregio)

Histoire

La légende fait exister une première église ici en 569, dédiée aux Saints Ermagora et Fortunato, et devenue, par les rouages très mystérieux du dialecte vénitien, San Marcuola. Elle fut sans doute construite par des réfugiés d'Aquilée fuyant les invasions lombardes, en mémoire de l'évêque Ermagora (initiateur du catalogue des évêques aquiléens au 4ème siècle) et de son diacre Fortunato.

Une autre légende fait d'Ermagora un Aquiléen converti par Saint Marc et nommé évêque par lui pour évangéliser l'Italie du Nord, Marc allant ensuite en Egypte vers Alexandrie, d'où son corps fut ingénieusement soustrait aux Musulmans en 828 (lire dans le menu Récits et Légendes comment Saint Marc est arrivé à Venise, passionnant). Ermagora et son diacre furent ensuite martyrisés sous Néron.

La première mention documentée est 1069 avec la construction d'une église sur Lemeneo (une île de Cannaregio), et célèbre pour posséder la main droite de Jean-Baptiste - celle avec laquelle il avait baptisé le Christ - et qui est exposée les 24 juin. Reconstruite au 12ème siècle après un incendie causé par un tremblement de terre qui ravagea tout le quartier, elle est financée par les familles Memmo et Lupanizza, et reconsacrée en 1343. La carte de Barbari (1500) montre l'église perpendiculaire au Grand Canal avec son abside au Nord.

Cette église possédait aussi des cellules d'ermites au-dessus de la porte, dans lesquelles vivait une poignée d'Augustines. Elles partirent à l'église de l'Eremite à Dorsoduro lorsque San Marcuola se délabra, devint instable et fut démolie. La reconstruction est décidée en 1663 avec le chœur, puis le reste de l'église, orienté parallèlement au Grand Canal cette fois, avec son abside à l'Est. L'architecte en était Giorgio Gaspari, mort en 1730, après quoi elle est réalisée par Giorgio Masari (ou Massari) jusqu'en 1736 et l'église est finalement consacrée en septembre 1779 par le patriarche vénitien Federico Maria Giovanelli. Une plaque de marbre à gauche d'une chaire en écrit (en latin de cuisine) l'histoire (sa création au 6ème siècle, le tremblement de terre, la reconstruction par les mécènes, la consécration par Giovanelli). Masari plaça la porte sur le côté gauche comme dans d'autres à Venise (Cassiano, San Polo, …).

Extérieur

La façade est inachevée comme ailleurs, et comme ailleurs l'aspect extérieur de l'église est notoirement quelconque, sale et délabré alors que l'intérieur est impeccable et impressionnant. Fait rare cependant, l'église n'est pas enfermée dans les autres bâtiments mais possède deux campi ornés de beaux puits, et son flanc nord donne sur la calle del Cristo assez large (pour Venise). Le puits baroque sur le campo du Grand Canal, avec ses quatre têtes de lion, date de 1713 et son usage était réservé aux plus démunis par décret.

Le campanile initial était une tour baroque, il est reconstruit en 1728, mais démoli au 19ème siècle, la partie inférieure restante est maintenant une maison. L'actuel est plutôt de style roman à 4 cloches en ligne.

Intérieur

L'intérieur est rectangulaire (ou carré) à une nef, avec des paires d'autels à chaque coin, les autels ayant des statues (plutôt que des peintures) de Gian Maria Morlaiter et son atelier. Il est également responsable des statues de Saints flanquant le tabernacle du maître-autel.

Le chœur était à l'origine une abside semi-circulaire, qui a été transformée en un plan quasi-carré, surmonté d'une coupole à 2 fenêtres semi-circulaires au plafond orné d'un ovale, soutenu par quatre colonnes corinthiennes et identiques à toutes les autres dans l'église.

Dans l'ovale de la voûte de l'autel, une peinture de Francesco Migliori représente la foule nourrie dans le désert par le Christ , sur son nuage et les Saints portant les pains aux femmes et aux pauvres. L'originalité de la fresque est qu'il faut la voir non pas en se plaçant devant l'autel, mais avec l'autel dans le dos ! Plus à l'intérieur de l'église, le plafond est orné d'une autre oeuvre de Migliori, La Gloire des deux Saints, avec Ermagora montant au ciel porté par les anges avec les Vertus sur le pourtour.

Le tabernacle imposant du 18ème siècle cache une Assomption de la Vierge (pléonasme) sur laquelle aucune information n'a pu être trouvée. De part et d'autre, l'évêque Ermagora et son diacre Fortunato (de Morlaiter aussi), deux statues très fines devant les triples colonnes décorant le fond de l'abside.

Sur le mur gauche du chœur, une Cène du Tintoret (on dit que c'est sa première, il est né en 1519 et avait 28 ans) datée de 1547, une œuvre de jeunesse encore très influencée par le Titien (à 15 ans il entrait dans son atelier pour apprendre), commandée par la Scuola del Sacramento dont le siège était juste à côté. On a injustement considéré le tableau comme une copie, mais l'inscription "1547 il 17 agosto in tempo di Miser Isepo Morandelo et compagni" atteste du contraire. Le tableau fut par la suite entouré et défiguré par un ajout architectural indigne mais ces additions ont été détruites en 1935 pour lui rendre sa composition initiale.

Sur le mur droit, le Lavement des pieds qui est une copie par Carlo Ridolfi de la moitié du 17ème siècle de l'original du Tintoret se trouvant au Prado. Le chien au premier plan a été repris par le Tintoret d'un tableau de Bassano, juste pour faire une blague que très peu de connaisseurs ont dû remarquer depuis 500 ans (j'ajoute : pas même votre serviteur évidemment qui l'a appris bien après).

Jouxtant l'abside, la sacristie et l'oratoire du Crucifix sont fermés mais selon la littérature renferment aussi des œuvres de Migliori et de Nicolo Bambini de la fin du 17ème ainsi qu'une Via Crucis de belle facture.

Depuis l'entrée nord en allant dans le sens horaire on trouve quatre groupes de deux autels : le premier, à gauche du chœur, représente la Vierge à l'Enfant (un classique de Morlaiter que l'on pourra voir en plusieurs exemplaires dans d'autres églises à Venise comme San Pietro di Castello ou Sant'Alvise), puis Saint Pierre. Le second, à droite du chœur, Saint Antoine de Padoue (Antonio di Padova), puis Saint Gaétan (Gaetano), les deux adorant l'enfant Jésus. De l'autre côté, à gauche de l'orgue, Saint Joseph (Giuseppe) et Sainte Hélène (Elena) avec sa (vraie) croix. Enfin, à droite de l'orgue, Saint Antoine Abbé (Antonio Abate) et Saint Jean-Baptiste (Giovanni Battista).

Il est notable que, à part le maître-autel du chœur, les autels eux-mêmes, les colonnes en marbre veiné et les niches abritant les statues sont tous absolument identiques, De même, et c'est là que cette église est vraiment unique à Venise, les piliers et les tympans définissant les espaces de chaque autel, ainsi que les voûtes et plafonds, les décorations de murs et même les lampes à huile devant chacun d'eux sont totalement impossibles à distinguer ! Les seules différences sont le Saint représenté dans la niche, et les images votives placées sur les tables des autels. Mieux encore, les espaces réservés aux entrées (et au-dessus, des chaires) de chaque côté sont bluffants de similarité et de symétrie, mêmes espaces, mêmes balcons, mêmes confessionnaux de part et d'autre des portes aux tentures rouge, mêmes couleurs, les tableaux et décorations variant seulement dans leur contenu et pas dans leurs formes toutes identiques. Peu de chefs d'œuvre dans les tableaux mais l'impression que cette église est complète, très soignée et savamment entretenue, y compris par les paroissiens.

Sur le mur de la chaire nord (entrée) : en bas à gauche, l'Enfant Jésus bénissant entre Sainte Catherine et Saint Andrea (attribué à Francesco Vecellio pour son style titianesque) ; en bas à droite, portrait de deux hommes, œuvre d'un élève tardif du Titien, et entre les deux on y a placé une tête du Christ probablement plus ancienne d'un Flamand du 15ème. De part et d'autre de la chaire, sur la gauche, le Baiser de Judas et à droite, Le Christ dans le Jardin des Oliviers (Alvise del Friso). Au-dessus, trois tableaux: à gauche, le Christ couronné d'épines (attribué sans garantie à Carlo Loth), au centre, le chemin du Calvaire, et à droite, une scène non identifiée et obscure.

Sur le mur de la chaire sud : sur les côtés de la chaire, la Vierge et les angelots, et Saint François de Paule (San Francesco da Paula), tableaux de Francesco Migliori. En haut trois tableaux avec à gauche Saint Joseph, et à droite l'Annonciation, du Padovavino (Alvise Varotari), au centre La Cène d'Eredi di Paolo.

Adresse : Campo San Marcuola, Cannaregio (en face du Fondaco dei Turchi)

Horaires : (pas d'information, mais les portes semblent toujours ouvertes le matin)

Note : j'ai conservé ici quelques photos qui devront être remplacées

Merci à Jean Antoine Scarpa (http://www.campiello-venise.com/ ) pour sa précieuse assistance dans les définitions des œuvres et particulièrement les statues des autels.

rev2 24/09/2018

La première église aurait été créée par des réfugiés d'Aquilée fuyant les Lombards en 569 (d'où le culte à Ermagora évêque de la ville). A gauche, la maison du curé, ancienne Scuola des Tisserands.

Rebâtie en 1735 par Giorgio Masari (ou Massari) qui prit la suite de l'architecte Gaspari, elle est consacrée en 1779 avec sa façade inachevée.


Reconstruite au 11ème pour abriter la main droite de Jean-Baptiste, elle fut rebâtie après un incendie par les familles Memmo et Lupanizza au 12ème. Un joli puits avec ses quatre têtes de lion, date de 1713, il était réservé aux plus démunis.

Marcuola est une déformation vénitienne de deux noms, l'évêque Ermagora (Hermagora) et son diacre Fortunato. Sur l'angle nord-est, le Saint dans une modeste niche.

Fait rare, l'église n'est pas enfermée dans les autres bâtiments mais possède deux campi ornés de beaux puits.

Cette patère se trouve Piscina del Cristo à côté au 1718.

A côté dans le rio Tera, la Scuola del Cristo, dont l'objectif était d'enterrer les noyés non réclamés par leur famille.

Au-dessus de la porte, l'inscription : "D.O.M. Scuola du Crucifix unie à Celle de la Mort de Rome 1644".

La forme de l'église tarabiscotée montre des constructions successives maladroites et cache étonnamment un intérieur rigoureusement symétrique et très bien entretenu.

L'ancien campanile en forme de tour fut détruit au 19ème et remplacé par ces 4 carillons romans. De tous côtés, l'aspect extérieur de l'église est notoirement délabré.

L'intérieur est carré à une nef, avec des paires d'autels aux quatre coins, agrémentés de statues du sculpteur Gian Maria Morlaiter (visite par la gauche).

Les autels, les colonnes en marbre veiné et les niches abritant les statues sont tous absolument identiques.

Vierge à l'enfant (on en trouve aussi ailleurs de Morlaiter (San Pietro di Castello, Sant'Alvise).

Saint Pierre. Noter aussi les piliers, les tympans au-dessus des niches, les voûtes et plafond des autels totalement identiques.

Le chœur, initialement semi-circulaire, est maintenant carré, avec une voûte à 2 fenêtres donnant un peu de lumière.

Les colonnes rondes et les colonnes carrées entourant l'abside sont aussi identiques à celles des autres côtés.

Sur l'autel, les statues d'Ermagora et de son diacre Fortunato (Morlaiter). Il paraît que Marcuola est une déformation de ces noms … Mystère.

Joli baldaquin doré au-dessus de l'autel. Ermagora (légende) aurait été converti par Saint Marc de passage à Aquilée qui l'aurait envoyé évangéliser l'Italie du Nord (martyrisé ensuite par Néron).

Mur gauche : La Cène, une œuvre de jeunesse du Tintoret datée de 1547 commandée par la Scuola del Sacramento.

Le Lavement des pieds, une copie du tableau éponyme par le Tintoret, parti au Prado mi-17ème (Carlo Ridolfi).

Le chien au premier plan du tableau est un plagiat en forme de clin d'œil du Tintoret à une peinture de Bassano (il l'a fait aussi à la Fondation Cini à San Giorgio Maggiore).

Derrière (dommage) le tabernacle et les triples colonnes corinthiennes très chargés du 18ème siècle, une jolie Assomption (non identifiée).

Sur la voûte, le Peuple nourri dans le désert, de Francesco Migliori (fin 17ème). Originalité : il faut tourner le dos à l'autel pour voir la fresque à l'endroit.

Migliori a aussi fait des tableaux dans la sacristie (non visitée).


Tout en haut au centre, une autre œuvre de Migliori représentant les deux Saints en gloire,

avec les Vertus (vraisemblablement) sur les bords.

Côté droit de l'autel.

Saint Antoine de Padoue adorant l'enfant Jésus.

Saint Gaétan adorant l'enfant Jésus. Voir la photo suivante qui illustre le mur de la chaire Nord. A gauche au-dessus des confessionnaux, l'Enfant Jésus bénissant entre Sainte Catherine et Saint Andrea (attribué à Francesco Vecellio).

A droite, portrait de deux hommes, œuvre d'un élève tardif du Titien, et entre les deux on y a placé une tête du Christ probablement plus ancienne d'un Flamand du 15ème.

De part et d'autre de la chaire, sur la gauche, le Baiser de Judas et à droite, Le Christ au Jardin des Oliviers (Alvise del Friso).

Au-dessus, trois tableaux: à gauche, le Christ couronné d'épines (attribué sans garantie à Carlo Loth), au centre, le chemin du Calvaire, et à droite, une scène non identifiée.

Vers le côté Nord-Est.

Saint Joseph.

Sainte Hélène et la vraie Croix.

Mur Est : l'orgue et une fausse entrée, noter les colonnes.

A droite de l'orgue, Saint Antoine Abbé.

Saint Jean Baptiste, (rappel : toutes les statues sont de Gian Maria Morlaiter).

Mur Sud : en haut, trois tableaux avec à gauche Saint Joseph, et à droite l'Annonciation, du Padovavino (Alvise Varotari), au centre La Cène d'Eredi di Paolo.

A gauche de la chaire, la Vierge et des angelots, à droite, Saint François de Paule, et en bas à gauche (seule différence notable avec le côté opposé), la plaque en latin sur l'histoire de l'église.