Balades au calme dans Venise

Dorsoduro Est Accademia

Cet itinéraire reste confiné entre la Punta della Dogana et l'Accademia, mais inclut des visites importantes dont la Fondation Cini, les églises de la Salute et des Gesuati, et l'Accademia, ce qui au total occupera largement la journée et plus raisonnablement, deux, surtout si le temps est maussade. Hormis le tracé touristique qui va du pont de l'Académie à la Salute, et les Zaterre, en général très fréquentées, l'itinéraire emprunte des ruelles et des quais quasiment vides et fera des allers-retours de temps en temps pour mieux apprécier les maisons et les canaux (c’est d’ailleurs intéressant de faire l’expérience de quitter le chemin tout droit entre l’Accademia et la Salute, pour constater le calme et l’absence de touristes.

L'itinéraire emprunte une quantité de "Rio Tera". Ce terme désignant une rue vient de ce qu'à partir de la chute de la République en 1797 (et même bien avant, dès le 12ème siècle), nombre de canaux de la ville furent enterrés ou comblés pour en faire des rues et des lieux de passage à pied pour les personnes et les marchandises. Vers 1500, Venise était doté de près de 37 km de canaux : les plus de cent îles qui la composaient avaient été aménagées, en partie remblayées pour obtenir des canaux rectilignes, et avec des passages par de multiples ponts (en général en bois et sans parapet au début !). Ces canaux servaient à la circulation des bateaux, à l'écoulement des eaux usées et des eaux de la lagune. Le rio Batario fut enterré en 1156 pour permettre la création de la place Saint Marc coupée en deux. De nombreux autres furent aussi bouchés ou enterrés (voir le canal qui passe sous l'église San Stefano depuis le campo) avant la chute de la République. Par la suite les militaires de Napoléon en firent remplir aussi un grand nombre pour faciliter la circulation des troupes. On estime, rien qu'à Dorsoduro, que près d'un quart des canaux a été enterré (de plus ça coûtait moins cher que de les entretenir).

Notes :

  • Les numéros 01, 02, ... se rapportent aux lieux numérotés sur la carte.
  • Les lettres (a), (b), ... se rapportent aux endroits sur la carte où on peut manger ou boire rapidement (en général très bon et adapté à une journée de découverte).
  • Les références REF : des références vers les guides pour en savoir plus (pas toujours), et éventuellement un lien vers une page du site (référence commençant par JCS-xxxxxx , la page étant aussi accessible par d’autres moyens).

Guides en photos des églises et palais disponibles pour

Accademia (01, à venir), Fondation Cini à San Vio (04), Salute (23), Gesuati (29)


Rev3 17/04/2019

01 Accademia. La visite s'impose mais on peut très bien la remettre à un autre jour, ou la réserver pour la fin de la balade. Inutile de dire que c’est avec Correr, Querini Stampalia, Fondation Cini, l’un des plus riches musées. Voir le guide en images du musée de l'Accademia.

Contourner la façade par la gauche et prendre Rio Tera Antonio Foscarini, puis la première à gauche (très passante), la

02 Calle Nuova Sant’Agnese. On arrive dans la foule et revoici les bijouteries, des galeries. Néanmoins le coin est très pittoresque et agréable si on regarde autre chose que les vitrines (donc, en hauteur) : médaillons (patères) plaques.

Hauts reliefs sur les murs (un jolie Vierge à l'enfant tout de suite à gauche), fenêtres gothiques aux murs rouges. Sur la gauche, quelques mètres avant le café situé au coin de la calle à droite, l’entrée du

03 Palais Contarini Polignac (ou Contarini dal Zaffo), peut-être ouvert (par temps de Biennale sûrement). N’hésitez pas. Le patio de verdure dans les piliers, la grille donnant sur le Canal en face du Palais Franchetti, l’étage et ses salles renfermant des décorations multi centenaires (stucs, tentures, cheminées, fresques), font oublier les constructions parfois bizarres des créateurs internationaux.

La rue devient la Piscina Forner. Sur la gauche de palais Molin Balbi Valier della Trezza (peu visible mais son nom indique la multiplicité des propriétaires successifs, car le coin était très couru et très cher). Juste avant le pont qui donne sur le campo San Vio, entrer dans le porche sur la gauche dans

04a Palazzo Cini. Il abrite la collection Cini, inaugurée en 1984 avec la donation de Yana Cini fille du Comte Vittorio Cini. Voir le guide en images REF JCS-Palazzo Fondation Vittorio Cini. Son fils Giorgio meurt dans son avion près de Cannes en 1949, il crée la fondation Giorgio Cini sur l'île de San Giorgio Maggiore en 1951. Vittorio mort en 1977 à Venise, ses filles héritent et Yalda décide de donner à la Fondation Vittorio Cini une partie des magnifiques peintures, sculptures et objets, en particulier de la Renaissance florentine (Lippi, Angelico, Botticelli, di Cosimo, Pontormo). En 1989 la collection s'enrichit d'œuvres de Ferrare. En sortant, prendre quelque temps à regarder depuis le pont, avant de redescendre sur le campo San Vio,

04b Le rio di San Vio et les Fondamente Bragadin et Venier. Rien à dire sauf qu'il n'y a plus personne (touristes) sur ces quais. Les maisons sont sympathiques et bourgeoises (l’hôtel American jaune, illuminé souvent) avec leurs belles façades. Passé le pont, on est

05a Campo San Vio. C'est un campo célèbre pour plusieurs raisons dont celle de donner directement sur le Grand Canal. Vio vient du raccourci de Saint Vito et Saint Modesto, 2 Siciliens. L'église fut construite vers 910, puis remaniée par le Sénat en prenant des dépouilles de la maison de Baiamonte Tiepolo le traître qui voulut renverser la République ce 15 juin 1310, jour de la fête des deux Saints !

On aime ce petit campo non pas pour l'église San Vito et Modesto qui a disparu en 1813, mais pour : l'espace et le quai qui permet de voir le Grand Canal, le puits du 16ème siècle en marbre d'Istrie, les arbres, le fronton de l'église anglicane blanche avec son Saint Georges au-dessus du portail, continuée par le palazzo Barbarigo, et à droite la chapelle votive aux mosaïques et fenêtres récupérées de l'ancienne église. Démolie ensuite en 1813, elle fut reconstruite plus tard mais plus petite (le couvent attenant fut détruit). Aujourd'hui elle est déconsacrée et constitue une propriété privée.

Mais aussi par l'histoire de la comtesse de Tagliapietra : elle avait l'habitude d'aller faire ses dévotions à San Vio bien qu’elle habitât à San Marco de l'autre côté du Canal, et cela exaspérait son père (il y avait plein d'autres églises du même côté du Canal que son palais). Il fit passer un décret comme quoi les gondoliers n'avaient plus le droit de faire passer la comtesse vers le campo et l'église. Alors la comtesse se mit pieds nus et traversa comme ça le Grand Canal.

Entrer (étroit !) dans la calle della Chiesa. On reste sur la gauche et on continue jusqu’au prochain pont qui ne manque pas de charme non plus, le ponte del Fromager, qui traverse le rio delle Toresele, et montre sur son côté la suite du rio, qui part à angle droit jusqu’au canal de la Giudecca. On reste sur la gauche pour la

06 Fondamenta Venier dei Leoni. Le nom d’abord, parce que deux lions se trouvaient sur le portail d'accès au palais. Le palais ensuite, qui est très petit en hauteur parce que le voisin d'en face sur le Canal (Barbarigo ?) ne voulait pas avoir sa vue sur la Giudecca bouchée par la construction ! Depuis le Canal, cette petitesse est flagrante, il n’y a pas d’étage noble (piano nobile) ni de façade exubérante. Au 712 le sottoportego Venier dai Leoni (personne). Plus loin, paré de vigne vierge, le mur de briques avec l’entrée du palais Venier dai Leoni, avec son grand jardin (idem que pour l'Accademia, il faut au moins une demi-journée pour visiter la collection d'art moderne et en profiter).

Il s’agit bien sûr de la Collection Peggy Guggenheim, un des plus importants musées mondiaux d’art moderne du 20ème siècle. (J’ai honte mais me focalisant sur Venise, je n’y suis jamais entré). L’extérieur avec le puits et la verdure est magnifique pour y prendre le frais (mais l’endroit est très passant !). Au bout du quai, la calle San Cristoforo est très étroite aux murs de briques, au coin

07 Jardins de la Collection Peggy Guggenheim. Si on n’est pas entré par la porte du quai Venier, on peut pénétrer dans le jardin ici avec son très beau puits . Un angle droit à droite et on arrive au

08 Campiello Barbaro plein de charme avec ses deux arbres et sa verdure, en hauteur une belle cheminée vénitienne (mais on ne sera pas seul).

Prendre à gauche la Calle Barbaro (panneau Al vaporetto), au bout la grille du Palais Dario maudit (?), à droite pour le

09 Pont della Fornace, qui traverse le rio della Fornace. Fornace est le nom du four à cuire les briques qui étaient fabriquées en très grandes quantités ici. Plus loin à partir des Zattere on verra mieux le rio et on a aussi une calle della Crea (Crea signifie argile). Aller tout droit dans Calle del Bastion qui mène à l'ex-église San Gregorio avec à gauche l'ancienne abbatiale San Gregorio.

10 Eglise San Gregorio. Quant à l'église, elle est maintenant fermée depuis longtemps et contenait sept retables dont un du Tintoret, un autre de Ricci. Un des pilastres renfermait une cassette contenant la peau d'Antonio Bragadin, qui défendit Famagouste avant la chute totale de Chypre, et, venu négocier en la reddition avec les Turcs, fut en fait torturé puis écorché vif par le Sultan (voir le guide en images sur Zanipolo pour l'histoire complète). Cette peau fut volée par un esclave à Constantinople et ramenée à Venise (aujourd'hui elle se trouve dans l'urne de l'autel dédié à Bragadin à Zanipolo. Le campiello et son puits sont un havre de paix relatif entre la Salute et son débarcadère, et les quais Venier dei Leoni et Bragadin fourmillant de monde.

10a San Gregorio (abbaye). Des moines bénédictins s'installent ici après avoir été expropriés de leur monastère à Sant'Ilario noyé sous les eaux à cause d'une déviation de la Brenta en 1151. Le palazzo Genovese fut construit au 19ème siècle sur l'emplacement du second cloître. Le monastère et le premier cloître sont ouverts au public lors des Biennales des arts.

L'intérieur est vieillot mais reflète bien les bâtiments du Moyen-Age. Le déclin commence vers 1450 et Napoléon le ferme en 1807. Le monastère appartient ensuite à de nombreux propriétaires et devient une fonderie, un établissement de bains, etc.

Il est placé sous la responsabilité de la Surintendance des Biens Culturels et Artistiques, et (très bien) restauré à la fin des années 1950.

10b Palazzo Genovese. Sur le côté on peut voir le magnifique palais Genovese devenu aujourd'hui un hôtel de luxe (la façade sur le Canal est aussi remarquable). Il date de 1892 mais a été restauré en 2009 après une longue période de décadence.

On continue dans la calle dell’Abbazia, et on passe sous le sottoportego où souvent des artistes locaux vendent leurs petites aquarelles.

11 Fondamenta della Salute. A droite après avoir passé le pont de bois, on quitte déjà la foule qui va vers la Punta della Dogana. On longe l'arrière de San Gregorio, et le flanc de la Salute ce qui permet d'apprécier l'énormité de la construction, ses contreforts et ses innombrables statues, dont celle de la Vierge sur la grande coupole.

On prend le pont de pierre au fond et on se retrouve sur le Rio Tera dei Catecumeni.

12a Rio Tera dei Catecumeni. Ici le calme absolu revient et on peut apprécier les façades des maisons, très variées d'ailleurs. Et, en arrière, les deux campaniles identiques flanqués de part et d'autre de la petite coupole du chœur de la Salute. Ce rio fut comblé en 1843, ainsi que les rues de part et d'autre. La photo n'est pas truquée, il n'y a vraiment personne ici.

On y voit de belles maisons mais aussi d'anciens petits palais un peu délabrés. Le tout est très minéral.

Sur la gauche, on voit l'église de Saint Jean Baptiste (fin 16ème siècle) et les bâtiments du monastère au crépi jaune (fermé) des Cathécumènes, un immense bâtiment rectangulaire, restauré par Masari en 1727 avec un cloître intérieur (aujourd'hui y a pris place un institut de sœurs Salésiennes, c'est probablement un hospice désaffecté). Un catéchumène est une personne non encore baptisée mais qui suit l'enseignement chrétien pour le devenir (chez les catholiques, c'est celui/celle qui se prépare à la confirmation).

Remarquez avant le porche suivant (et identique à) celui de l'église, en bas à gauche, le bas-relief du Christ et de la Croix avec la mention "Offerta".

12b Rio Tera ai Saloni. On croise le Rio Tera ai Saloni qui part vers les Zaterre, et où on a planté au milieu une rangée d'arbres qui peut-être dans quelques années donneront un peu de verdure à ce quartier très minéral. Il est très large car il comprend les deux quais qui longeaient le rio d'alors, recouvert depuis. Le nom Saloni vient probablement des magasins de sel de la pointe de Dorsoduro, où débarquait le sel (venu de la lagune ou d'autres pays plus lointains de la rive de l'Adriatique et d'où il repartait (au fond de la soute comme lest) avec de gros bateaux dans les pays de l'Orient et de l'Europe. Venise défendait vigoureusement son monopole de la production et du négoce du sel qui lui rapportait des fortunes colossales au Moyen-Age (avec le temps bien sûr les productions et les transports se sont délivrés de ce monopole). On poursuit tout droit dans Rio Tera dei Catecumeni pour tomber sur

13 Fondamenta Ca' Bela et le Rio della Fornace. On passe l'hôtel Messner, suivi du restaurant en terrasse qui a l'air sympa, et on longe le quai.

En face (Fondamenta della Fornace), quelques jolies maisons avec leurs cheminées vénitiennes.

14 Ponte del Mezzo. On traverse le ponte de Mezzo pour l'autre côté, le quai de la Fornace. Fornace est le fourneau dans lequel on faisait cuire les briques pour les maisons. On en parle déjà en 1292 et il fonctionna jusqu'en 1661. Tout près on a aussi la calle de la Crea, la crea étant l'argile dont on faisait les briques.

Au bout, le Ponte ai Saloni sur les Zaterre. Les magasins du sel se trouvaient entre rio Tera dei Saloni et le rio della Fornace, ils étaient immenses. Le quai s'interrompt sur une belle maison avec sa Vierge Marie protégée par une coupole en fer, avec de la verdure (elle se voit de très loin car le vert n'est pas la couleur dominante ici sauf sur les volets).

15 Sottoportego ai Santi. On prendra le sottoportego qui f face au pont (ai Santi), où l'on peut voir sur la droite une jolie Vierge logée dans une vitrine en bois (et protégée de la pluie) pour aboutir dans Calle del Monastero, déserte en général, que l'on prend à gauche jusqu'aux Zattere. C'est grâce à la multiplication de ces petits autels (niches votives, offertoires) dans les rues de Venise, presque toujours bien entretenus et surtout allumés la nuit par des bougies, que Venise eut l'initiative en 1124 sous le dogat de Domenico Michiel de créer un éclairage public des rues et un service pour le gérer (en 1730 le système comptait plus de 1500 réverbères). Cela augmentait un peu la sécurité dans ces endroits sombres et coupe-gorge.

On est dans la Calle del Monastero, à droite on trouve le Campiello Spirito Santo qui nous mène aux Zaterre, les grands quais qui borde la partie sud de Dorsoduro sur des kilomètres. Elles ont été créées en 1520, et on ajoute un petit nom pour les situer.

16 Spirito Santo. Ce qui ressemble à une église, juste à côté de la vraie église du Spirito Santo, est en fait la Scuola attenante, créée en 1506. L'église elle date de 1483 et possédait à côté un couvent.

Elle est reconstruite en 1506 par le Scarpagnino (Antonio Abbondi), et de nouveau remodelée entièrement lorsque les quais furent refaits. Elle semble toujours fermée. La Scuola est privée et fermée aussi.

On continue sur les quais et on trouve le début des "Incurabili", à la façade blanche immaculée

17 Les Incurabili. En 1517 Gaetano di Thiene, fondateur de l'ordre des Teatini récupère un terrain sur lequel il construit un hospice en bois pour les malades de la syphilis (le "mal français", en italien !), alors incurable maladie. Et en 1522 grâce au Conseil des Dix et les dons de deux patriciennes de Venise, Maria Malipiero et Marina Grimaldi, (habitant tout près et ayant sauvé trois femmes de San Rocco atteintes de la maladie), il devient un hôpital et un hospice en dur, accueillant essentiellement des syphilitiques (d'où son nom des "Incurables"). Les Provéditeurs aux Hôpitaux et à la Santé rédigèrent aussi à la fin du 16ème siècle un rapport alarmant dénonçant l'afflux croissant de pauvres dans la ville (comme aussi dans d'autres villes italiennes comme Bologne ou Rome), pour encourager la création de tels établissements.

Plus tard l'hospice eut aussi un rôle social (orphelins, pauvres sans famille). On formait les enfants orphelins (comme ailleurs à Venise à la Piétà, ou aux Mendicanti). Les filles dès 6 ans étaient recueillies et formées à la musique et au chant, et elles étaient utilisées lors des multiples concerts qui étaient donnés à l'époque y compris dans les églises de ces institutions (intelligemment dotées de narthex pour ne pas avoir les bruits extérieurs). Les garçons apprenaient en général un autre métier. L'église est créée en 1560 sur un ancien oratoire en bois du cloître, et dédiée au Santissimo Salvatore. Elle est reconstruite en 1572 par Antonio da Ponte (le Rialto) sur un projet de Sansovino, mais a été détruite par les Autrichiens en 1822. Elle est juste représentée au sol par les bandes de marbre blanc, très visibles au sol dans le cloître actuel. L’église, comme certaines autres à Venise, était de forme ovale.

Il faut savoir que vers les 17 et 18ème siècles, les fils de familles nobles ne se mariaient pas pour ne pas diviser le patrimoine en morceaux, seul l'ainé héritait et se mariait en grossissant l'héritage avec la dot de sa femme. Les autres enfants avaient interdiction de se marier : d'où une foule d'enfants non reconnus provenant de ces fils de nobles mais aussi des milliers de courtisanes.

Ces orphelins (comme Philippe de Neri le faisait à Rome) étaient alors recueillis par Girolamo Emiliani à cet endroit. L'hôpital fut fermé en 1813 (ou 1817), comme les trois autres (Mendicanti, Piétà, Derelitti) et devint une caserne d'artillerie.

Aujourd'hui les Incurabili sont le siège de l'Académie des Beaux-Arts où les étudiants se pressent toute la journée.

On poursuit sur le quai jusqu’au pont suivant au-dessus du rio delle Toresele, et là on tourne à droite pour longer les Incurables

18 Calle Dietro gli Incurabili. Après un petit campiello (degli Incurabili), on arrive à de petits pâtés de maisons basses, assez rares à Venise (ça ressemble à des quartiers de Castello (derrière San Pietro), près des Giardini mais les maisons sont plus cossues, ou au nord-ouest de Cannaregio, mais c’est différent et plus ancien).

Ce quartier est typique de l'architecture de la Venise populaire du 18ème siècle : petits immeubles à 2-3 étages, fenêtres simples à cadres plats en granit blanc, rues étroites. On y voit même une petite maison individuelle (439 Dorsoduro), chose très rare à Venise.

19 Juste après, sur la calle del Navaro, la maison au 446 est datée de 1681 (la date est sous la statue du Christ).

C'est de cette ancienne boulangerie que serait partie une des pestes vénitiennes les plus terribles. Aux quatre angles de la maison on peut voir une statue du Christ protégée par une coquille à l'envers. En face une autre maison abrite une jolie statue de la Vierge (voir plus haut).

Après la maison on peut parcourir le

20 Rio Tera San Vito, plus large, désert, mais sans grand intérêt.

On poursuit vers le nord en longeant cette maison et en prenant la Salizzada del Forno puis à droite la calle del Forno (ou une autre, Sabbion par exemple) qui nous ramène sur la

21 Fondamenta Zorzi Bragadin .En face, la Fondamenta Venier, avec à gauche le Ponte del Fromager (à quelle heure cette photo a-t-elle pu être prise ?? On ne voit personne alors qu’ici la circulation pédestre est des plus denses). Le magasin à la toile blanche est la galerie du fils de mon peintre vénitien (420b) préféré, Giorgio Bacci Baik, qui par ses aquarelles et peintures magnifiques, a su faire vivre l'ambiance des palais vénitiens, de la lagune aux mille visages, et des carnavals.

22 Rio delle Toresele. Si on regarde à droite, on voit le bout du quai où se pressent en général toute l'année des peintres amateurs qui brossent le Campiello Barbaro si mignon avec le petit pont qui va à Guggenheim.

On part donc les voir (droite), et on vire à gauche sur le quai longeant le rio delle Toresele.

En prenant au fond à droite du Campiello, on retrouve la Calle del Bastion, étroite qui va vers la Salute, on y va cette fois tout droit.

23 Eglise de la Salute. On arrive sur le parvis de cette immense église octogonale, soutenue par plus d'un million de pilotis de chêne et de mélèzes plantés dans un sol tout de même relativement dur (dorso-duro : dos-dur) et recouverts d'une couche épaisse de bois attachés et formant la base de la construction en granit et en marbre. Se référer au guide en images de la Salute du site Web REF JCS-Dorsoduro-Salute pour plus d'information pour la visite de l'église, si ce n'est déjà fait (sinon, visite obligatoire !). Le jeune architecte Longhena utilisa des chiffres kabbalistiques, le 8 et le 11, et toutes les parties de l'église se déclinent avec ces deux chiffres : les 8 côtés, les 11 marches du campo au Canal, 121 pieds de long (pied vénitien de 35,09 cm), 88 pieds de large, etc).

Bien que massive avec ses huit contreforts, ses deux coupoles et ses deux campaniles, la Salute est bien un des symboles de Venise, en face du Palais des Doges et voyant passer tous les bateaux de marchandises de la Sérénissime. Le terrain était une île appartenant aux Chevaliers Teutoniques (1256) puis au Patriarcat de Venise qui l'utilisait comme séminaire (1592). La première pierre est posée le 1er avril 1631 (juste à la fin de la terrible peste qui décida en 1630 le Sénat à la faire bâtir en l'honneur de la Vierge si elle s'arrêtait), mais ne fut achevée en 1687. L'intérieur fourmille de Tintoret (Noces de Cana) de Titien, et de sculpteurs (dont Le Court qui sculpta La Vierge et l'Enfant protégeant Venise de la peste).

23a Seminario Patriarcale. Long bâtiment blanc qui suit la Salute, on peut le visiter sur rendez-vous uniquement. Construit par Longhena aussi en 1699, il renferme, outre une bibliothèque très riche, des œuvres de Zanchi, du Véronèse et de Ricci.

24a Punta della Dogana di Mare. A la pointe de la douane, on a évidemment une vue splendide sur la Piazzetta, le Palais, San Giorgio Maggiore, la Giudecca et le Bacino rempli de bateaux de toute forme (vaporettos, taxis, gondoles, bateaux ferry, sportifs rameurs, bateaux poubelles, petits bateaux de marchandises etc.) allant dans tous les sens.

La tour à la pointe est surmontée de la Palla della Fortuna, grosse boule dorée soutenue par deux Atlantes. Au-dessus une girouette représentant la Fortune (le hasard) donne le sens du vent. Ici ne comptez pas être seul, et vous serez sur de nombreuses photos allemandes ou japonaises ! Mais bon, la vue en vaut la peine et on reprend le chemin en sens inverse (il y a déjà moins de monde). Notez aussi les fenêtres en demi-lune de la Punta restaurées par Tadao Ando (japonais) en hommage à Carlo Scarpa, célèbre architecte vénitien qui restaura le magasin Olivetti dans les années 80 (aux Procuratie Vecchie au fond de la Piazza).

En continuant du côté de la Giudecca sur les Zattere, on passe devant les anciens entrepôts et la douane de Venise, immenses et désaffectés (400 m2). Ils ont été achetés par François Pinault (LVMH) qui y entrepose des œuvres d'art modernes trop grandes pour être casées dans le palazzo Grassi de San Marco. (une petite visite s'impose, mais on n'est plus à Venise là …).

Tous les bateaux devaient s'arrêter à la douane, venant du ou allant au Rialto. Ils étaient déchargés, ou dédouanés (depuis 1414) avant de continuer. Venise avait développé un système de comptabilité écrit et extrêmement sophistiqué, sur les bateaux, équipages et marchandises, leur destination et leurs contenus, système qui ne laissait quasiment rien passer à travers les mailles du filet.

Evidemment les taxes payées et les monopoles imposés comptaient pour beaucoup dans les finances de la République. Ces taxes devinrent même plus élevées lorsque Venise commença à péricliter face à la concurrence des autres ports anglais, hollandais ou italiens, pour compenser les manques à gagner. Mais en fait cette politique ne marcha pas du tout et Venise fut obligée de les diminuer voire même d'en supprimer pour s'attirer de nouveau les trafics de marchandises par bateau.

25 La Société des Canotiers du Bucentaure. Un peu plus loin on trouve des entrepôts de bateaux et des sociétés de Rameurs qui font la gloire de Venise avec de nombreuses régates et compétitions, sans compter la fête de la Sensa où le Bacino est rempli d’embarcations et de rameurs costumés (et très bons rameurs aussi). Ici l'entrée de le Société des "Canotiers du Bucintoro", d'où partent les bateaux, (caorlina, balotina, mascareta et autres gondoles). On voit d'ailleurs en tout temps des hommes et des femmes s'entraîner dans les rios (riis ?) ou le Grand Canal.

En continuant, on longe les entrepôts du sel, et on arrive à un endroit déjà vu récemment, le

25a Ponte ai Saloni (vue sur le rio della Fornace rectiligne jusqu'au Canal) d’où l’on voit à droite les murs imposants de l'immense ex-entrepôt de sel. On continue tout droit et on passe de nouveau devant Spirito Santo, puis devant les Incurables, et on continue jusqu’au pont suivant

26 Pause au Rio di San Vio

On y voit juste après la fameuse Pensione Seguso et la Pensione Calcina (et son restaurant sur le canal de la Giudecca, ça vaut le coup de faire un stop si on a fait, la terrasse sur l'eau est agréable).

Sinon, tourner à droite sur la Fondamenta Bragadin, et aller jusqu’au pont suivant

27 Ponte Mezzo. Et on prend tout droit la Calle del Mezzo même si on n'est pas tout à fait au milieu du rio.

On tourne alors à gauche pour la calle Sant'Agnese, (jolie Vierge sur une maison à droite), puis à droite Calle da Ponte. Et on arrive au

28 Campo et église Sant'Agnese.

Une grande place, avec de vieux arbres qui font de l'ombre, et une église (non visitée), Sainte Agnès. On se trouve tout près des Zattere (il suffit de passer le sottoportego sur la gauche) et de l'église, plus belle, des Gesuati.

Le campo est très agréable car il donne presque toujours de l'ombre. L'église aurait été construite au 10 ou 11ème siècle, mais elle fut détruite par un incendie en 1105. Reconstruite elle est consacrée en 1321. En 1810, elle est fermée par les Français, achetée par des particuliers, et devient un magasin de charbon, puis redevient un oratoire en 1854, qui est de nouveau abimé par l'explosion d'un puits artésien 12 ans après. Restaurée, elle rouvre en 1872. Aujourd'hui elle pourrait se visiter aux heures de la messe dominicale (pas sûr ...). L'intérieur est très dépouillé, sans fioriture et ne contient pas de choses importantes (2 tableaux de Veneziano sont dans des musées en Italie et un Couronnement de la Vierge de Michele Giambono, à l'Accademia).

Il est à noter qu'au départ la façade de l'église donnait sur le rio Foscarini reliant la Giudecca au Grand Canal, mais il fut recouvert et devint le Rio Terra Antonio Foscarini en 1863.

On ne manquera pas de voir le clocher roman aux trois cloches dans leur habillage de briques rouges, très esthétique mais construit sur la base carrée du campanile original du 12ème, qui fut détruit en 1837.

Voir l'excellente page extraite de la Légende Dorée de Jacques de Voragine (1261-1266)

https://fr.wikisource.org/wiki/La_Légende_dorée/Sainte_Agnès

Sainte Agnès était une martyre catholique qui fut très vénérée au moyen-âge et sa fête durait 2 semaines (21 janvier).

Aller au bout du campo et avant de tourner à gauche vers les Zaterre, ne pas manquer de remarquer l'arche aux trois quarts ensevelie qui existait avant le comblement du rio Foscarini, sur le mur latéral des Gesuati.

29a Les Gesuati. Cette belle église à la façade originale avec ses 4 niches abritant des statues des Vertus Cardinales, Prudence et Justice en haut, Courage et Tempérance en bas, (et pas de nobles vénitiens et mécènes comme trop souvent à Venise : SM del Giglio, San Moisé, etc) est visible de loin sur les Zaterre, elle donne directement sur la Giudecca.

Elle est surtout célèbre pour son plafond de Giambattista Tiepolo qui représente le passage du Rosaire du Ciel à la terre (d'où son autre nom Santa Maria del Rosario). On trouvera une description complète de l'église dans le guide en images des églises REF JCS-Gesuati Dorsoduro).

29b Après la visite on peut continuer un peu sur les Zattere (ai Gesuati) jusqu'à Santa Maria della Visitazione (jamais visitée car toujours vue fermée, il y aurait un plafond magnifique, et j'aurais bien habité le palais qui la jouxte.

On revient sur nos pas, puis à gauche dans

30 Rio Tera Antonio Foscarini, qui va vers l’Accademia et repasse devant Sainte Agnès.

Avant les hauts murs de l’Accademia, bifurquer à gauche dans la Calle Larga Pisani pour avoir moins de monde (plus personne en fait). Juste au prochain carrefour, tourner à gauche dans le

31 Campiello Calbo avec de jolies vue de verdure, et au loin les campaniles des Gesuati. Faire demi-tour et repartir vers l’Accademia (ou, sur la gauche, prendre Calle larga Nani pour aller à San Trovaso). Puis rejoindre le Grand Canal en passant devant l’Accademia.


FIN DE L'ITINERAIRE