Palais, Musées, Scuole à Venise

Ca' Sagredo (Cannaregio)

Quand on demande "Sagredo" sur le Web, on trouve des dizaines de pages sur l'hôtel, magnifiquement situé et aux prestations exceptionnelles, et quasiment rien (wikipedia, venise1, Noblesseetroyautes, …) sur le palais ayant appartenu aux  plus historiques et glorieuses familles de Venise.

Noter aussi que les sources donnant les dates et les protagonistes du palais varient énormément, et sont remplies d'erreurs et de contradictions. Il y a de quoi, puisque on trouve dans les célébrités Sagredo :  2 Nicolo, 2 Zaccaria, 3 Gian Francesco, des Cecilia en pagaille.

 

La famille Sagredo

La famille Sagredo  était établie de longue date dans le quartier de Santa Sofia. On a deux sources très différentes sur la famille Sagredo : elle viendrait de Sibenic, envoyée par Rome en Dalmatie, puis établie à Venise en 840 et mentionnée dans les actes publics vers l'an 1000 (sous le nom "Secreti e Segredi"). Ou bien (moins vraisemblable), elle serait de Thessalonique en Grèce et serait venue à Venise au 10ème siècle.  Au choix ! Quoiqu'il en soit, l'histoire de cette famille est un long roman …

Commençons par le premier, Gerardo  Sagredo, qui  est le seul et unique Saint vénitien, né sur l'île de San Giorgio Maggiore. Moine bénédictin, il part pour la Hongrie, devient évêque sous le nom de Gellert (ou Gerhard),  et aussi le précepteur du fils du roi.  Mais en 1046, les païens le capturent, le torturent et le mettent  dans une barrique percée de longs clous pointus, et il dévale la colline de Buda (140 mètres quand même), futur Budapest, jusqu'au Danube. Il devient alors un Saint martyr, et on lui érige en 1904 une grande statue de 12 mètres sur la colline qui porte son nom. Plus tard en 1918 il aura son magnifique hôtel  4* au bord du Danube, de style Art Nouveau, internationalement connu. Gellert  est le saint patron de la Hongrie et protecteur de la capitale !


La famille Sagredo


La famille Sagredo est incluse dans le Grand Conseil de la Sérénissime en 1110, et confirmée lors de la Serrata de 1293 (un gel des familles éligibles ayant des siècles de noblesse vénitiennes, qui fit des vagues à l'époque et qui fut assouplie quand vint le manque d'argent). 

En tout cas, pendant plus de 1000 ans, les Sagredo forment une famille richissime, active dans tous les domaines:


La lignée "Santa Sofia" commence avec Bernardo (1505-1568), où la famille s'installe au palais Trevisan Cappello (pas sûr). Son fils Nicolo se maria à Cecilia Tiepolo (des Cecilia Tiepolo, il y en eut aussi beaucoup, dont une née Guardi, sœur des célèbres frères védutistes, et mariée à … Gianbattista Tiepolo !).

De leurs 4 enfants, on trouve Giovanni Francesco, (1571-1620), philosophe, mathématicien et célèbre physicien (photo), qui fut le grand ami de Galilée (1564-1642). Passionné par le magnétisme, ce Sagredo rencontra Galilée à Venise et ils devinrent amis intimes (Galilée appelait GianFrancesco son "idole"). Ils discutèrent au palais Trevisan Cappello, où Galilée imagine son ouvrage "Dialogue sur les deux plus grands systèmes du Monde", commencé en 1620 et publié en 1636. 

Aparté facultatif: L'ouvrage en question discute des systèmes aristotéliciens et copernicien. Le premier système est auréolé de la gloire d'Aristote et des philosophes illustres grecs, plus de la bénédiction catholique mettant la Terre créée par Dieu le Père au centre de l'Univers. Le second système, copernicien, vient de révolutionner ces idées apparemment immuables avec d'abord la notion d'héliocentrisme (inventé par le moine Giordano Bruno en 1584 (brûlé vif pour hérésie en 1600), où le Soleil est au centre du Monde), mais reprise ensuite par Copernic  pour imaginer que la Terre n'est non seulement pas au centre du monde, mais que le Soleil ne l'est même pas non plus ! Ce livre se passe à Venise, où les deux dialoguent avec Salviati (Florentin porte-parole de Galilée, en fait Galilée même) et "Simplicio" (un prêtre défenseur d'Aristote, mal à l'aise). Il aborde une quantité immense de domaines aussi variés que la philosophie, l'histoire, la politique, la religion, les sciences, les femmes, etc, dans une atmosphère à la fois scientifique et philosophique admirable d'actualité. Galilée fait dire à GianFrancesco (copernicien lui aussi mais sans a priori) :

"Vouloir faire de la faculté de compréhension humaine la mesure de ce que peut la nature m’a toujours paru être la plus grande présomption, alors qu’au contraire pas un seul des événements, aussi insignifiant soit-il, qui se déroulent dans la nature ne peut être pleinement connu, même par la méditation la plus profonde. La vaine prétention de vouloir tout comprendre provient uniquement du manque total de toute connaissance. Celui qui aurait essayé, ne serait-ce qu’une seule fois, de comprendre parfaitement une chose, et qui aurait goûté à la science véritable, reconnaîtrait qu’il ne comprend aucune des autres vérités innombrables." Fin de l'aparté

GianFrancesco, envoyé en Syrie comme ambassadeur, fut surpris du retour de Galilée à Florence, et promit d'écrire chaque semaine à l'astronome. Ses lunettes révolutionnaires, dont l'idée germa lors d'une discussion entre eux,  grossissaient jusqu'à 30 fois et les premières furent présentées au Doge Leonardo Dona le 21 août 1609. En fait Galilée avait pris l'idée en Hollande et voulait vendre ces lunettes jouets en Italie, mais avec des miroirs et des lentilles plus sophistiqués, et GianFrancesco fut un initiateur des dispositifs grossissants de Galilée.

Un autre enfant de Nicolo, Zaccaria (1572-1647), frère de GianFrancesco, donna naissance à une nombreuse famille, dont un Nicolo qui deviendra célèbre.

Histoire de la Ca Sagredo

Ce palais fut construit au 14ème siècle (Trecento), son architecture et sa structure interne est typique de cette époque vénitienne (rez de chaussée pour les magasins et les bureaux, cour intérieure, style gothique vénitien à fenêtres quadrilobées comme au Palais des Doges, étage noble avec un grand portego et une salle de bal, casino au 3ème étage, etc). Situé sur le campo Santa Sofia, il se trouve en face de la Pescharia, et à quelques pas du Traghetto.

Le palais est repris par Lorenzo  Morosini , il est entièrement rénové par Michele Morosini à partir de 1382 (ou Lorenzo ??), et pendant le 15ème siècle, de façon luxueuse avec des fresques et des stucs impressionnants.

En 1661, le palais Morosini est acheté par un autre Nicolo Sagredo (1606-1676), ambassadeur à Rome auprès d'Innocent X, puis Doge de 1675 à 1676 (son frère lui succéda mais son élection fut annulée). Nicolo Sagredo fut marié à une Caterina Corner, (mais non pas la très célèbre reine de Chypre du 15ème siècle qui dut céder l'île à Venise ensuite). Noter que les Sagredo hommes et femmes furent mariés à des  noms prestigieux : Cecilia Tiepolo, Vienna Foscarini, Cecilia Grimani, Domenico Tiepolo, Francesco Molin Giustinian, Andrea Pisani, les Malipiero, Zorzi, Dolfin, Renier, Bembo, etc . Bref, la crème de la crème à Venise !

Le frère de Nicolo,  Zaccaria Sagredo (1653-1729) reprit le palais au 18ème siècle, en le transformant radicalement. En particulier, il commanda le magnifique escalier en 1732 à Andrea Tirali, et sa décoration du plafond et des murs par Pietro Longhi  qui peignit à 32 ans (en 1734) une superbe Chute des Géants (sa seule fresque mythologique, Longhi étant le grand peintre vénitien célèbre pour ses petits tableaux de scènes de la vie quotidienne des Vénitiens, voir en particulier au Musée Querini Stampalia  ou la page web du musée sur ce site). En ce début du 18ème siècle, la salle de réception (Portego), refaite entièrement par Zaccaria, comptait plus de 100 tableaux en 4 rangées, et le palais en abritait à une époque un millier sans compter tous les dessins et les livres accumulés !.

Le palais échut ensuite au fils de Nicolo, Gerardo (1692-1738), qui donna naissance à 2 filles Caterina et Marina, éteignant ainsi la lignée Santa Sofia. S'ensuit alors une bataille juridique longue pour la succession de cette immense fortune.

Le palais fut habité ensuite par d'autres Sagredo de la lignée Santa Ternita, avec en particulier Giovanni Gerardo (1740-1822). La famille décide alors de dépouiller le palais de ses biens mobiliers

Entre 1774 et 1780 les tableaux furent vendus (de même que les livres et le mobilier !) et remplacés en 1780 par les 4 grandes œuvres d'Andrea Urbani, représentant des scènes allégoriques de chasse et de vie mondaine. Les autres salles furent moins impactées (sauf le mobilier) car fixes sur les murs, par exemple la salle de Musique (ou salle de bal).

Des procès dans la famille concernant la succession de Gerardo firent avorter pendant des années les projets successifs d'aménagement du palais, qui resta dans la famille jusqu'à la mort du dernier descendant, le Sénateur Agostino Sagredo (1798-1871). Agostino légua toute sa bibliothèque au musée Correr à sa mort. Par la suite, des rénovations eurent lieu pour redonner son luxe au palais, exécutées par la Surintendance des Beaux-Arts de Venise pendant 7 ans.

Mais en 1913 la famille vend le palais, qui passe dans les mains de plusieurs propriétaires, avant d'être finalement acquis pour devenir un hôtel de luxe. Depuis, il a conservé son aspect du 18ème siècle, à part la réception située au rez de chaussée à l'endroit de la cour (corte) qui était au centre des entrepôts et bureaux au moyen âge.

Un mystère demeure dans ma quête d'informations exactes sur ce palais : celui du lieu de la rencontre entre GianFrancesco Sagredo et Galilée à Venise. Wikipedia italien la place non pas dans le palais actuel, mais dans le palais Trevisan Cappello (qui se trouve dans Castello et non dans Cannaregio où il était connu que cette famille Sagredi résidait depuis longtemps), ce qui semble plus plausible vu que ce palais Sagredo, dénommé Morosini depuis des siècles, ne fut acquis qu'en 1661 par la famille, bien plus tard que la mort de Galilée en 1640. Le site web de l'hôtel et d'autres sources la situent dans le palais Sagredo, où on peut voir les 2 personnages dialoguant dans la salle de musique (2021).

Extérieur

Comme beaucoup de palais, la façade "noble", donnant sur le Grand Canal, est d'un luxe puissant, tandis que les autres côtés sont banals.

Cette façade est complexe, et non symétrique, à cause des multiples modifications apportées à l'intérieur. Le rez-de-chaussée est constitué de fenêtres rectangulaires vestiges des entrepôts de marchandises, avec 2 portes d'eau dont une devait donner sur le Corte central pour les occupants et les invités.

Au premier étage, on constate les changements opérés, avec une moitié gauche richement architecturée, et une moitié droite plus simple (elle correspond à l'intérieur avec le grand escalier de Tirali). Les 6 hautes fenêtres, de style vénéto-byzantin (correspondant à une suite de l'hôtel) sont entourées de deux autres de style différent, tandis que la partie droite comporte 2 fenêtres trilobées de facture moyenne.

Au second étage, où se situe la salle de réception (Portego), on trouve un ensemble de fenêtres trilobées de style gothique fleuri, surmontées de quadrilobes, le tout entouré de marbre blanc, de même facture qu'au palais des Doges ou à la Ca d'Oro. Cette structure permet de mieux éclairer le Portego, longue salle qui de l'autre côté est fermée. D'autres fenêtres, du même style que plus bas, ornent la façade, mais la dissymétrie est flagrante.

Au-dessus, une série de petites fenêtres simples, qui donnaient sur le casino.

La façade sur le campo Santa Sofia est très banale, les propriétaires n'ayant pas vu l'intérêt de la rendre aussi luxueuse (il faut dire que cela coûtait très cher). Mais de multiples fenêtres de style byzantin ont été créées pour apporter lumière et un peu de décoration.

Intérieur (aujourd'hui)

On pénètre (lors des biennales où des œuvres sont exposées dans l'hôtel, ou bien en demandant gentiment à la réception), dans la réception, moderne, puis le palais se découvre avec la porte menant à l'escalier monumental de Tirali, réalisé en 1732. En soi cet escalier est un chef d'œuvre (voir les sols, les deux angelots, les marches), et les murs très haut sont décorés de la seule fresque mythologique réalisée par Pietro Longhi, dans sa jeunesse (il avait 32 ans). Elle représente la Chute des Géants (très à la mode à Venise, et des dizaines d'autres existent, il y a même une litho de "Jupiter aidant la France à terrasser les Géants" !), avec un Jupiter tout en haut chassant les Géants avec ses éclairs de foudre. On admirera ces corps puissants, enveloppés d'énormes nuées de couleur, le tout est très impressionnant.

Aparté facultatif : pour la forme, Jupiter (Zeus) est fils de Saturne et d'Ops (Rhea), et Saturne dévorait systématiquement ses enfants nouveau-nés, suite à un oracle prédisant son assassinat par un de ses enfants. C'est (Ovide) l'Age d'Or. Rhéa met au monde Jupiter, et place une pierre dans des langes du nouveau-né, que Saturne s'empresse d'avaler. Zeus est éloigné et élevé au Mont Ida. Zeus détrône ensuite Saturne comme prédit, c'est l'Age d'Argent, Zeus crée les 4 saisons. Avec sa femme Héra (Junon) ils eurent les Dieux Olympiens (Bacchus, Diane, Apollon, Mercure, Minerve, Vénus, Mars et Vulcain, en termes romains) et bien d'autres. Mais les 40 Géants, les monstrueux enfants d'Ouranos et de Gaïa les tout premiers nés du Chaos, s'attaquent à Zeus et aux Cieux, mais Zeus les foudroie et les répand morts sur le Terre, Plus tard Zeus déclenche le Déluge pour anéantir la race humaine devenue trop violente. Il découvre plus tard deux survivants en Béotie, un homme et une femme : Deucalion (fils de Prométhée) et Pyrrha (fille d'Epiméthée) sur le mont Parnasse. Le dieu est ému par ces humains justes et bons. Il décide alors d'arrêter le Déluge. Deucalion et Pyrrha jettent des pierres derrière eux, qui prennent vie et deviennent des hommes et des femmes. Fin de l'aparté.

En haut de l'escalier, on pénètre dans le Portego, la grande salle de réception du palais, qui fut rénovée et refaite plusieurs fois. Très en longueur avec au bout les 4 fenêtres en gothique fleuri à la mode depuis toujours à Venise (car les fenêtres sublimes du Palais des Doges furent prises longtemps comme exemple de luxe suprême). On peut y voir les 4 fresques, réalisées par en 1780 par Andrea Urbani, représentant des scènes allégoriques de chasse et de vie mondaine. A noter aussi les trois lustres imposants mais gracieux de Murano, les médaillons au-dessus des portes.

A côté du Portego, on peut encore visiter plusieurs salles magnifiquement décorées.

La première, dite Salle Amigoni, longue et étroite, fait la connexion avec les 3 autres. On y a placé les figures du Doge Leonardo Dona qui recevait Galilée et sa lunette astronomique en 1609, la toute première qu'il avait créée en 1607 à partir de lentilles hollandaises (grossissement x3 !).

La salle du Doge qui suit possédait un tableau du Doge Nicolo Sagredo,  Au plafond, Nicolo Bambini a peint la Défaite des Vices, où Jupiter et les Dieux pourchassent les sept péchés capitaux.

La salle Tiepolo ensuite est une reconnaissance envers GianBattista Tiepolo sans doute le plus grand peintre du 18ème siècle. Le plafond est d'ailleurs orné d'une de ses fresques, très reconnaissable aux visages des femmes et à leurs vêtements splendides. Ici on voit un hommage à Venise, avec cette femme figurant Venise, que Tiepolo a peint et repeint dans de nombreux endroits.

La Salle de Musique (ou de Bal), au bout, a gardé ses murs extraordinaires. Dans ce carré de 12m de côté et 9m de haut, on peut admirer au centre des murs les fresques de Gaspare Diziani (1737-1797), avec des balcons en trompe l'œil, rénovées plus tard par Gerardo Sagredo au 18ème siècle mais aujourd'hui en mauvais état.. Tout autour, les figures peintes en grisaille de Jupiter, Minerve, Mercure, Vénus, Mars, Neptune, Cybèle et Junon sont enchâssées dans de fausses niches. Une des grisailles cache une porte secrète. Cette porte était empruntée par les favorites du prince et menait à sa chambre (ou au casino ?) à l'étage supérieur.

Les stucs magnifiques, de couleurs rose pastel, d'Abbondio Stazio et Carpoforo Mazzetti Tencalla, de Lugano, embellissent encore plus le décor. Ils ont réalisé aussi ces stucs dans les autres salles, au début du 18ème siècle. De hautes tentures pendent aux murs et quatre immenses tapis décorent le sol vénitien (Terrazzo). Dans ce luxe, on ne remarque même pas les lustres en bronze doré pendant du plafond.

On peut aussi y voir Galilée et Gerardo Sagredo discutant ensemble de son ouvrage en préparation,  le "Dialogue sur les deux grands systèmes du monde", dont Galilée fera un des trois protagonistes dialoguant  dans le livre. On se souviendra toujours de l'expression "E pur si mouve" (et pourtant elle tourne), que Galilée murmura lors de son procès devant le Pape et les Inquisiteurs en 1663, tout en abjurant sa théorie hérétique pour sauver sa peau.

Je ne parlerai pas des chambres et des suites luxueuses pour ne les avoir vues que sur le site de l'hôtel, mais si vos moyens vous le permettent, sachez que ce magnifique hôtel vaut largement les autres célébrités de Venise. Cette pub est entièrement sincère, et  gratuite.

https://www.casagredohotel.com/

 

 

rev2 21/04/2024

Palais Morosini depuis le 14ème siècle, il est acheté en 1661 par Nicolo Sagredo, d'une riche famille patricienne présente au Grand Conseil depuis 1110. La façade sur le Grand Canal, en face de la Pescheria, est asymétrique. 

Au rdc, 2 portes d'eau pour les entrepôts et les réceptions, au 1er, les fenêtres véneto-byzantines, au 2ème étage,  les 4 magnifiques fenêtres gothiques trilobées, surmontées de quadrilobes comme au Palais des Doges. 

La façade sur le Campo Santa Sofia et le traghetto, comme partout ailleurs, est plus banale. Le palais resté dans la famille jusqu'en 1913, et plus tard il est devenu un hôtel de luxe, avec des rénovations faites par la Surintendance des Beaux Arts de Venise. 

Nicolo Sagredo sera Doge en 1675, et son frère Zaccaria le reprend en le modifiant radicalement (d'où la dissymétrie, créée à l'intérieur avec le grand escalier de Tirali dans la moitié droite).

Après la réception de l'hôtel, on emprunte l'escalier d'Andrea Tirali (1732). 

Et le plafond et les murs sont de Pietro Longhi (1734).

La fresque représente Zeus foudroyant les Géants, thème classique, et c'est la seule fresque mythologique de Pietro Longhi. Ces Géants fils d'Ouranos et Gaïa né du Chaos, se rebellèrent contre Zeus (Jupiter). 

Ils tombent sur la Terre en traversant les nuages. Il faut voir les petits tableaux de genre de Longhi au palais Querini Stamplalia à Castello, dont un représente les Sagredo. Les 2 chérubins en marbre sont de Francesco Bertos. 

Cet ensemble monumental fut commandé par Zaccaria Sagredo en 1732 qui remplit les salles de tableaux (800) et de dessins (2000). Le tout fut vendu entre 1774 et 1780.

Tout comme le mobilier éparpillé. Le dernier Sagredo, Agostino, légua la bibliothèque reconstruite au musée Correr.

Les Sagredo ont donné un Doge, plusieurs  ambassadeurs, dont Nicolo au Vatican, Giovanni en France, Agostino à qui Louis XIV donna le privilège d'ajouter les fleurs de lys à son blason. 

Des militaires (Giovanni gouverneur de Candie en 1604), des religieux (2 Procurateurs de Saint Marc, Alvise Patriarche de Venise), etc.Les Sagredo ont eu 2 lignées : celle de Santa Sofia, qui commence avec Bernardo, mi 16ème siècle. 

Son fils GianFrancesco fut ami intime de Galilée à la fin du 16ème siècle. A l'extinction de cette lignée, le palais est repris par la famille Sagredo – Santa Ternita jusqu'à Agostino en 1871 mais le palais reste dans la famille jusqu'en 1913. 

L'escalier mène au Portego, la grande salle de réception, longue et donnant sur les magnifiques fenêtres, qui fut aménagée et rénovée plusieurs fois. 

La pièce était remplie de tableaux, mais sa rénovation fin 18ème les remplaça par les fresques d'Andrea Urbani en 1780, 4 grandes scènes allégoriques de chasse et de vie mondaine. 

Plusieurs propriétaires se succèderont au 20me siècle. Une grande rénovation est réalisée par la Ville. Il devient un hôtel 5* vers 2010 (date exacte ?), et s'il a perdu son mobilier, il est redevenu un endroit luxueux. 

Le portego est fermé côté Strada Nova par une grille.

Les trois lustres de Murano et le mobilier ont été rapportés de l'extérieur.

Le Portego accueille de nombreuses réceptions, mariages, et évènements vénitiens. 

Par une porte de côté on entre dans de magnifiques salles, à commencer par la salle Amigoni, avec de beaux médaillons de stuc rose au-dessus des portes. 

Elle tire son nom du peintre Jacopo Amigoni (1682-1752), représentant du style rococo vénitien. 

Près de la fenêtre, Galilée, et GianFrancesco Sagredo présentent la lunette astronomique au Doge Leonardo Dona en 1609. (scène probablement éphémère ?) 

La salle suivante est la Salle du Doge qui contenait un tableau du Doge Nicolo (1675). Encore ces moulures pastel de Abbondio Staio et Carpoforo Mazzetti au début du 18ème siècle. 

Le plafond de Nicolo Bambini représente La Défaite des Vices, où Apollon chasse les demi-dieux de l'ombre. 

On passe ensuite dans la Salle de Tiepolo (1696-1770), dont Zaccaria Sagredo fut un mécène. On admirera les fines moulures dorées et la toile au plafond, restaurées.

On y voit au plafond L'Hommage à Venise, avec deux chérubins sur un fond gris-bleu. La Venise de Tiepolo avec sa petite couronne se retrouve dans d'autres œuvres de  Gianbattista Tiepolo à Venise. 

On pénètre enfin dans la grande salle de Musique (ou salle de bal). Si le mobilier a disparu à la fin du 18ème siècle, les murs ont conservé leurs œuvres et leur décor. 

Quatre immenses tapis rouges cachent un peu le Terrazzo (sol d'une pièce, fait de petits carreaux de marbre sur un ciment de gravier fin, appelé aussi seminato veneziano, spécialité de la ville). 

Sur deux côtés, des toiles en trompe-l'œil de Gaspare Diziani (1689-1767) représentant des scènes de la vie mondaine dans les villas du Brenta.

Sur les murs, on trouvera 8 grisailles peintes dans des niches en trompe-l'œil, de Jupiter, Minerve, Mercure, Vénus, Mars, Neptune, Cybèle et Junon, faites par d'autres artistes.

Le plafond à fresque montre Apollon sur son char doré, et les Dieux de l'Olympe, terrassant les Péchés Capitaux (drôle d'anachronisme …).

Comme souvent, le pourtour circulaire est "crevé" par les Péchés précipités sur la Terre.

Diziani a bien représenté les rituels de la vie mondaine au bord de la Brenta et le luxe de ces grandes familles richissimes quittant l'été une Venise nauséabonde pour la campagne. 

Zaccaria Sagredo y avait, comme tant d'autres, fait construire une superbe villa (aujourd'hui encore utilisée pour des évènements, mariages, etc) 

Bien qu'abimées, ces fresques sont exemplaires des mœurs raffinés des Nobles vénitiens à l'époque, qui époustouflaient les visiteurs de marque invités. Cette pièce possède aussi une acoustique excellente, et de nombreux concerts y sont donnés

Voir les pages du site consacrées aux villas du Brenta dans les menus Itinéraires, et Palais. La villa Sagredo n'y est pas, car située un peu à l'écart de la Brenta, à Vigovono. 

Peu visibles tout en haut, belles fresques avec deux personnages et des armes accumulées au milieu (j'en ignore le sens exact). 

Au centre des fresques, le Lion. Peut-être un hommage aux nombreux militaires de la famille (Giovanni Sagredo fut Gouverneur de Candie, la Crète, en 1604).  

Noter qu'une des fresques en grisaille cache une porte secrète permettant aux courtisanes favorites de gagner la chambre (ou le casino ?) du Patricien. Dans ce foisonnement de luxe, on remarque à peine les 4 lustres en bronze dorés pendant du plafond.

Discussion entre Gian Francesco Sagredo et Galilée, prélude à son ouvrage "Dialogue sur les deux grands systèmes du  Monde" (voir introduction), qui introduit le révolutionnaire système copernicien au détriment du séculaire et catholique système aristotélicien mettant la Terre au centre du Monde. 

On ne peut sortir qu'ébloui par ce palais si bien entretenu. 

Et on s'arrêtera encore sur les fresques de Longhi si monumentales. 

Ne pas oublier d'admirer les chérubins en marbre de Francesco Bertos aux extrémités des rambardes. 

Et la décoration raffinée du sol. 

On quitte ce palais avec l'envie grandissante d'y séjourner quelques nuits, car les chambres sont à l'image des salles visitées, avec entre autres, des plafonds magnifiques !