Guide en images des églises de Venise

San Stae (Santa Croce)

Eglise CHORUS

Histoire

La fondation de l'église de San Stae (Eustache, Eustacchio, Eustachio, Eustache et ses Compagnons martyrs) est très ancienne, bien qu'il n’existe pas d’informations certaines avant le début du 12ème siècle (1127). On dit que la première version date de 966, déjà dédiée à Saint Eustache (devenu San Stae en vénitien). Pour l'anecdote, Saint Eustache était le général des armées de l'empereur Trajan, et lors d'une chasse, il aperçut un Crucifix entre les deux bois d'un cerf.

L'ancienne église était un gros bâtiment à cinq nefs, en rotation de 90° par rapport à celle d'aujourd'hui, avec la façade sur Salizzada S. Stae et l'abside qui arrivait au bout du rio Mocenigo. Au milieu du 17ème siècle, le bâtiment était en délabrement complet, tant et si bien qu’on décide de le démolir pour en construire un nouveau. Le projet est confié à l'architecte peu connu Giovanni Grassi et les travaux commencent en 1678, la façade est réalignée sur le Grand Canal et sa réalisation, plus tard, financée par un legs du Doge Alvise Mocenigo II, mort en 1709. Le concours ouvert pour sa réalisation est remporté par Domenico Rossi en 1709 ; le travail, considéré comme un bel exemple du Baroque (comme l’intérieur) a été terminé en 1710, avec les apports des plus célèbres sculpteurs de l'époque: Torretto, Tarsi, Baratta, Cabianca, Groppelli et Corradini.

Extérieur

La façade est constituée d’un grand groupe de 4 grosses colonnes corinthiennes (130 ans après, Andrea Palladio aurait aimé), posées sur des piédestaux élevés, qui portent le grand fronton triangulaire également très palladien, doté d’une rosace centrale en marbre richement découpée. On retrouve ces 4 grosses colonnes dans beaucoup d'églises palladiennes (à Venise, San Giorgio Maggiore, Gesuiti, Gesuati, Piétà, San Pietro di Castello, etc.). Aux sommets du fronton sont placées trois statues avec le Rédempteur au sommet, la Foi à gauche et l’Espérance à droite, par Antonio Corradini. Encadrant les grosses colonnes se trouvent 4 colonnes plus petites, posées sur des socles courts et dotées de pilastres aussi corinthiens. Les deux au centre entourent le portail d'entrée et supportent son tympan triangulaire mais très découpé. L'entablement de ce groupe mineur continue le long de la façade, à travers les grosses colonnes, jusqu’à les dépasser et rejoindre les deux colonnes extérieures définissant la largeur totale de l’église. On peut voir la (faible) profondeur des chapelles latérales entre une grosse colonne et la colonne extérieure. Le tympan du portail est la partie la plus baroque de la façade. Découpé, il abrite un groupe de sculptures. Entre les 2 couples de grosses colonnes on voit deux niches, chacune avec une statue et deux bas-reliefs au-dessus.

Le campanile, dépourvu de cloches aujourd'hui, au fond à droite, fait 34m, fut reconstruit fin 17ème, il est surmonté d'un ange du 13ème siècle.

Intérieur

L'intérieur est très lumineux grâce aux grandes fenêtres semi-circulaires palladiennes, effet renforcé par la couleur blanche des parois et de la voûte. L’édifice est constitué d’une nef unique, d’un large chœur et de trois chapelles peu profondes sur les côtés, dont les autels sont très simples mais dotés de belles colonnes supportant au-dessus des tympans triangulaires, richement baroques, et tous différents. La tombe du Doge Alvise Mocenigo, décorée de marbres noirs et blanc (le noir pour les squelettes) se trouve dans la travée centrale.

Plein de statues partout dont Eustache, des évêques et des anges, mais la décoration ne paraît pas excessive avec les hauts murs blancs. Le chœur est très grand, mais le maître-autel assez discret, ce sont ses parois latérales qui recèlent des œuvres très belles, dont les douze apôtres dans des cadres de stucs décorés de putti et de volutes florales, commandées aux meilleurs peintres du début du 18ème siècle à Venise (GB Tiepolo, GB Piazzetta, Sebastiano Ricci, Nicola Bambini, GB Pittoni, etc.) à Venise. La sacristie est pleine de tableaux aussi relatant la vie de Saint Eustache. Un bel orgue des …. frères Callido complète la contre-façade.


Saint Eustache (San Stae)

(rapportée dans La Légende Dorée de Jacques de Voragine)

Lors de l'occupation de Jérusalem par Titus, Eustache (Eustathe, de son vrai nom Placidas) est un Romain fortuné mais charitable. Il devient colonel de la cavalerie, et se convertit au christianisme après sa vision miraculeuse : pendant une chasse il aperçoit un cerf avec une croix brillante entre ses bois, et il entend la voix du Seigneur : « Placidas, pourquoi me poursuis-tu ? Je suis le Christ, que tu honores sans le savoir, et je suis venu sous cette forme pour te sauver et, à travers toi, sauver aussi tous les idolâtres ». Il se convertit aussitôt avec sa femme et ses deux fils et va porter la bonne parole, et on lui donna le nom d'Eustache.

Dieu, qui l’avait prévenu dans son apparition des malheurs qu’il allait lui faire subir, l'éprouve avec la perte de sa fortune troupeaux, terres) et, lors d'un voyage en Egypte, ne pouvant pas payer, sa femme Théophisté est retenue en otage par le capitaine d'un bateau qui les transportait. Il s’en va à la nage avec ses fils ; Comme domestique, il reste 15 ans en Egypte pour gagner son pain quotidien. Comme Job il s'écria : "Dieu a donné, Dieu a repris, que le nom de Dieu soit béni ! "

Plus tard, Trajan le fait rechercher et il accède à nouveau aux honneurs dans l'armée, on lui rend sa femme de même que ses deux fils. Il devient général des armées de Trajan puis d'Hadrien. Il retrouve par hasard sa femme. Comme il ne voulait pas sacrifier aux idoles pour fêter une victoire en 120, Hadrien le fait jeter, avec sa femme et ses deux fils, dans un four surmonté d'un bœuf d'airain brûlant (voir le bas-relief de gauche au-dessus de Saint Osvald sur la façade). Après trois jours on ouvrit le four et l'on trouva les corps sans vie mais intacts.

On représente Eustache en chasseur (ou en tenue militaire) avec à ses côtés un cerf avec une croix sur le front. Le Saint porte un cor sur son côté et il tient un sabre (ou une lance) dans la main. On invoque Saint Eustache comme aide dans les différents tourments et désagréments de la vie.

Saint Eustache fut le Patron des chasseurs, jusqu’à la fin du Moyen-Age, où il fut supplanté par Hubert. Saint Hubert a eu la même vision miraculeuse au 15ème siècle, rapportée dans la Vie de Saint Hubert.

Adresse : Campo/ Salizzada San Stae Santa Croce 1982

Horaires : Lun-Sam 10:00-17:00 et Dim 13:00 17:00

Site web : voir le site http://www.chorusvenezia.org/

Rev3 16/04/2019

Il aurait existé une église dès 966 dédiée à Eustache, Général des armées de Trajan. Avant l'église était tournée vers le rio San Stae.

Au milieu du XVIIe siècle, le bâtiment était en délabrement complet, tant et si bien qu’on décide de le démolir pour en construire un nouveau. L'architecte Grassi la plaça face au Canal lors de la reconstruction en 1678.

La façade, nord-ouest, est souvent avec le soleil derrière. 4 grosses colonnes sur de hauts piédestaux, et 4 autres plus petites, en plus pur style palladien, de Domenico Rossi (1709-1710), payée par un legs du doge Alvise Mocenigo II, mort en 1709.

Le tympan du portail (Pietro Baratta, 1709). Au centre, deux anges avec un lion sur la droite, très abîmé par le temps, à gauche, allégorie de la Patience, à droite, allégorie de la Mansuétude (des Vertus).

Il faut voir la façade le matin quand elle est au soleil, sinon elle est plein nord et c’est dommage pour les photos (voir plus loin).

Domenico Rossi n'a pas lésiné sur les angelots pour faire à Alvise Mocenigo une façade à sa gloire.

Niche de droite, Saint Sébastien (Sebastiano), attaché à l'arbre, avec la flèche de métal visible dans son mollet gauche (mais franchement, une seule flèche ??? même si les soldats ont tenté de tirer à côté ….).

Voir le guide de San Sebastiano à Dorsoduro.

Niche de gauche, Saint Osvald (Giuseppe Torretto, 1709).

Bas-relief de droite : Eustache, sa femme et ses enfants, les bourreaux vont les jeter dans le four d’airain en flammes avec le bœuf d’airain au-dessus (Giuseppe Torretto, 1709). Torretto avait de l’imagination.

Bas-relief de gauche : en haut dans une zone séparée, l’armée des soldats et leurs oriflammes. En –dessous, Eustache et sa famille épargnés par le lion qui courbe la tête par terre (Giuseppe Torretto, 1709).

Le grand tympan palladien supporté par les grosses colonnes, une rosace ouvragée, des bas-reliefs, et des statues aux sommets et aux extrémités.

En haut, le Rédempteur (les trois statues du sommet sont d'Antonio Corradini, 1709.

Au bout à gauche, La Foi (tête couverte).

A droite, l'Espérance, avec l'ancre.

Aux extrémités de la façade, à droite une statue féminine (1709).

A gauche, la Vierge et Jésus (1709).

On est frappé par la clarté et la blancheur de cet intérieur pourtant résolument baroque, mais pas surchargé (enfin, question de goût). Une grande et haute nef unique, avec 6 chapelles latérales peu profondes, un chœur élevé, et une impression d'espace.

La voûte en berceau très blanche, avec les 6 fenêtres palladiennes semi-circulaires. Elle n’est pas décorée, c’est un mystère.

Dans l’allée centrale, la tombe décorée du Doge Alvise Mocenigo II (donateur pour la façade) et sa famille. On y voit aussi le Corno dogal et l'inscription en latin " Nome net cineres una cum vanitate sepolta" (l'honneur et les cendres sont enterrés ici, avec la vanité en même temps).

Aile droite avec trois chapelles, séparées par de grosses colonnes aussi comme dehors, peu profondes, assez semblables à première vue, mais les tympans ouvragés des autels ont très différents (visite par la droite).

La Madonna e i santi Lorenzo Giustiniani, Francesco d'Assisi e Antonio da Padova.

La Vierge et les Saints Laurent Giustiniani, François d'Assise, et Antoine de Padoue, (Nicolo Bambini, ca 1710).

Saint Eustache et ses attributs (le cerf, la croix), (Giuseppe Camerata, après 1710).

Voir l’introduction pour la vie de Saint Eustache.

Sant'Osvaldo (Saint Oswald), Antonio Balestra, ca 1710, l'autel fut le siège à partir de 1711 de la Confrérie voisine des tireurs et batteurs d'or, voir à la fin du guide). Pourquoi 2 fois Oswald ici, et plusieurs fois à Venise ?

Oswald est un roi de Northumbrie, baptisé par Saint Colomban, et il a participé à la christianisation de l'Angleterre au 7ème siècle En guerre avec un voisin païen, il eut la tête tranchée en 642, ce qui en fit un martyr et un Saint jusqu'en Allemagne et en Italie du Nord.


Statue de Saint Marc, sur le gros pilier droit du chœur. Dans les autres niches aux coins de la nef sont représentés un Pape et deux Saints (auteur anonyme).

Le chœur est carré, très haut, lumineux.

Le maître-autel, assez imposant avec de multiples colonnes différentes. Le bas-relief en bas au centre représente la Déposition par les anges (Giuseppe Torretti, 18ème).

Ceux sur les piédestaux des colonnes sans doute des Vertus : Tempérance avec l’ancre, la Foi.

La Force (Courage) (branche de chêne).



Avec ces autels assez modestes et leurs tympans archi-baroques, le résultat n'est pas pesant à l'œil, bien qu'il ne manque pas de putti. La sacristie, sur la gauche, et les tableaux de l'abside seront passés en revue à la fin du guide.

Le Saint Pape ou un évêque sur le pilier gauche de l'abside (nom ??).

On y voit les bustes de Foscarini célèbres. Antonio Foscarini fut accusé de haute trahison par le Conseil des Dix et exécuté le 21 avril 1622. Mais il fut réhabilité un an plus tard par le Doge Antonio Priuli qui en 1623 le fit re-enterrer ici en hommage et en pardon de la République.

Sur le mur gauche, en haut Ludovico (Pietro Baratta), en bas Gerolamo (Pietro Gropelli).

Sur le mur droit, en haut Antonio le réhabilité (Antonio Tarsia), en bas, Sebastiano (Giuseppe Torretti).

L'Ascension, Francesco Migliori (après 1722).


Sainte Catherine et Saint André (Caterina e Andrea), Jacopo Amigoni, 1719.

Le bel orgue, encore (oui) de la famille de Gaetano Callido, sur la contre-façade, date de 1772.

Bien intégré au-dessus du portail, doté d'un balcon richement ouvragé. Callido, élève de l'autre célèbre facteur d'orgue Nacchini, a produit plus de 400 orgues, dont 44 à Venise.

L'orgue est surmonté d'un groupe d'anges musiciens, et une série de festons dorés richement décorés ornent les arches recevant les tuyaux.

De part et d'autre, les colonnes et les niches des statues.

On revient maintenant à l'abside pour détailler les œuvres réalisées par les maîtres peintres du début du 18ème siècle (la donation testamentaire du Noble Andrea Stanzio qui permit ces commandes a dû être conséquente !).

Les murs accueillent le cycle des douze Apôtres (petits tableaux) de part et d'autre de tableaux plus grands. Ils ont tous encadrés par des cadres en stucs délicats décorés de putti et de volutes florales (début par le mur droit).

Haut, de gauche à droite : San Filippo percorso da un soldato (Philippe battu par un soldat), Pietro Uberti, ca. 1723.

San Giacomo Minore (Jacques le Mineur), Nicolo Bambini, ca. 1723.

Martirio di san Tommaso (Martyre de Saint Thomas), Giambattista Pittoni, ca. 1723.

La chute de la Manne, (Giuseppe Angeli ca. 1723). Avec plein de putti en stuc, mais discrets et jolis. Angeli a peint, beaucoup plus tard (après 1770), le grand tableau du mur gauche (Melsisedech).

En-dessous, de droite à gauche : Crocifissione di Sant'Andrea (Crucifixion de Saint André), Giovanni Andrea Pellegrini, ca 1723.

San Paolo portato in cielo (Saint Paul enlevé au ciel), Gregorio Lazzarini, ca 1723.

San Giacomo condotto al martirio (Saint Jacques conduit au martyre), (Giambattista Piazzetta, ca 1717-1722). Avec cela il signe ses débuts de carrière avec génie, peint beaucoup à Venise (la Fava, Zanipolo, et surtout les Gesuati en 1738). Malgré tout, il meurt dans l'indigence en 1754.

Plafond du chœur (assez petit) : Le virtù e due confratelli della Scuola del Santissimo (les vertus et deux confrères de la Confrérie du Santissimo), (Bartolomeo Litterini, 1708).

Mur de gauche : en symétrie, on retrouve 6 petits tableaux des apôtres et un large tableau de l'Ancien Testament d'Angeli.

En haut, de gauche à droite : San Matteo (Saint Matthieu), (Silvestro Manaigo, ca 1720).

San Simone (Saint Simon), (Giambattista Mariotti, 1725).

San Giuda Taddeo (Saint Judes Thaddée), (Angelo Trevisani, ca.1721).

Sacrificio di Melchisedech (sacrifice de Melchisedech), Giuseppe Angeli, après 1770. Ricci a su rendre St Pierre pathétique et l'ange est splendide.

En bas, de gauche à droite : Martirio di San Bartolomeo (Martyre de Saint Bartholomé), Giambattista Tiepolo (1696-1770), 1723.

San Pietro liberato dal carcere (Saint Pierre libéré de prison), Sebastiano Ricci (1659-1734), 1724.

San Giovanni Evangelista martirizzato (Martyre de Saint Jean l'Evangéliste), Antonio Balestra (1666-1740), ca. 1724.

A gauche du chœur, la sacristie qui contient les tableaux présents avant dans la vieille église, avec au fond ce bel autel (en contre-jour permanent) et une toile de Maffeo Verona (1514-1618), la Crucifixion, du 17ème siècle.

Détails de l'autel.

Autour de la pièce court une bande de portraits (parfois vides) représentant les curés successifs de l'église.

Deux épisodes de la vie de Saint Eustache.

L'imperatore ordina di sacrificare agli idoli (L'empereur (Hadrien) ordonne le sacrifice des idoles (suite à une victoire militaire où Eustache était général), Giambattista Pittoni (1687-1767), 1722.

Sant'Eustachio in prigione (Eustache en prison), Bartolomeo Litterini (1699-1748).

Sur les murs gauche et droite près de la porte vers le chœur, deux tableaux (anonymes) relatant ici la guérison de l'aveugle-né, et Christ prêchant.

Cristo Morto (Christ mort), Muttoni detto della Vecchia (1603- 1678), 17ème siècle.

Christ prêchant.

La fresque qui aurait dû accueillir les portraits des curés, mais cette pratique fut arrêtée peu après sa réalisation, d'où les tableaux vides …

Sant'Eustachio e l'Imperatore (Eustache et l'empereur), école de GB Tiepolo, après 1753.


En sortant prendre à droite, et visiter si ouvert la Scuola di Sant'Enrico dei Tira et Bati Oro située juste contre San Stae. Cette Scuola (créée en 1309, puis unifiant les deux métiers en 1761) réunissait deux artisanats proches :

Le Tiraoro (tirage de l'or), par les tireurs d'or, consistant à fabriquer un fil fait d'un fil d'or et d'un fil de soie, pour tisser des étoffes très précieuses, et le Battioro (battage de l'or), par les batteurs d'or, consistant à fabriquer les très fines feuilles d'or jointes en "livrets" pour les dorures des stucs et des cuirs.