Récits et Légendes de Venise
(contenu partiel en travaux, patience)
Les Vénitiennes célèbres
Giovanna Dandolo (1400-1462)
Préambule
J'ai entamé cette série sur les Vénitiennes célèbres après avoir vu les tableaux extraordinaires de l'artiste vénitienne Marzia Ratti, qui exposait à la Biennale 2024 sous le patronage de la Fondation Dona dalle Rose à Cannaregio (Venetian (DNA) Dona Boxes). Ne pouvant la contacter je prends la liberté d'afficher une image de la magnifique toile qu'elle à réalisée, avec treize autres, de Vénitiennes célèbres. Bien que ce portrait n'a rien à voir avec la vraie Giovanna Dandolo dont on n'a qu'une effigie sur un revers de médaille mais aucun portrait d'époque, cette toile est une superbe reconnaissance à cette femme qui il y a des siècles, est sortie de l'anonymat pour transformer la vie de Venise. Noter la dentelle dont Giovanna a été déclarée "la Princesse" en son temps, superbement réalisée par l'artiste.
Voir https://www.donnaboxes.it/installazione/ et http://www.marziaratti.com/
et http://fondazionedonadallerose.org/
rev1 20250219
Introduction
Giovanna Dandolo naquit à Venise vers 1400 et mourut en 1462. On la marie à 14 ans à Pasquale Malipiero, riche et patricien. Ils eurent 3 fils et une fille. C'est un homme terne et sans ambition, mais il se retrouve malgré lui élu Doge le 30 octobre 1457, alors que le Doge Francesco Foscari est encore vivant, ce qui est unique à Venise.
Le Doge Foscari
Chose très rare, le 65ème Doge Foscari, qui sera destitué de son vivant, eut le plus long règne de la Sérénissime (de 1423 à 1457 soit 34 ans). Avec une excellente mémoire, un discours brillant et une capacité de persuasion exceptionnelle, sa carrière fulgurante passe par le Sénat en 1404, le Conseil des Dix, puis il devient Procurateur de Saint Marc en 1418, et ensuite Ambassadeur.
Sa contribution à Venise fut l'expansion territoriale dans la Terre ferme, au prix de guerres coûteuses car nécessitant des troupes dirigées par des condottiere) mais aux résultats brillants, la Vénétie s'étendant de Brescia au Frioul.
Mais ces années lui donnèrent aussi bien des soucis : nombreuses catastrophes naturelles (sécheresse, montée des eaux, gel de la lagune en 1431, tremblements de terre) et épidémies (peste) où il perdra 4 enfants sur 11.
De plus, son fils Jacopo est accusé de meurtre d'Ermolao Donato qui l'avait condamné auparavant pour trahison (il aurait reçu de l'argent de rois étrangers), malgré aucune preuve. Il est condamné à l'exil en Crète mais fait tout pour revenir. Le vrai coupable se dénonce plus tard sur son lit de mort, mais Jacopo meurt dans sa prison de Crète juste après. Ceci affecta beaucoup le Doge Foscari.
Début 1457, le Conseil des Dix tente de faire abdiquer Francesco Foscari, dont la sympathie a fortement diminué au Sénat qui demande sa démission. Il refuse.
Alors trois magistrats du Conseil des Dix pénètrent dans les appartement du Doge, le 22 octobre, lui ôtent son Cornetto et brisent son Anneau de Doge, et il finit par accepter son abdication.
Et le 30 octobre 1457, les cloches de Saint Marc sonnent, annonçant le 66ème Doge, Pasquale Malipiero, ce qui n'était jamais arrivé. Cet évènement sonne la fin de Foscari qui humilié en meurt de chagrin 11 jours après, le 1er novembre. Plein de remords, le Sénat lui donne une sépulture officielle, et un somptueux tombeau à Santa Maria Gloriosa dei Frari (les Frari à San Polo).
Digression : Les Condottiere
Venise n'a jamais eu d'armée de terre proprement dite. D'une part, la lagune la protège de toute invasion, de plus par mer, et d'autre part, la Vénétie, sous la protection de Byzance, n'avait pas vraiment d'ennemis, du moins au début.
Mais avec la constitution de duchés devenus puissants en Italie, comme Gênes; Milan, Naples ou Florence, sans compter les Etats du Pape et le roi de France, les guerres de territoires ont commencé. Venise en faisait aussi partie, car elle entendait protéger et si possible étendre ses possessions en Terre Ferme. Et ce n'était pas les quelques milliers d'Arsenalotti, efficaces sur la lagune mais peu armés pour marcher à la guerre, qui pouvaient la défendre autour de Padoue, ni lui permettre d'augmenter ses territoires au-delà de la Vénétie.
C'est pourquoi, très tôt quand commencèrent les guerres entre les puissants d'Italie, elle dut faire appel à des bandes de mercenaires, commandées par un Condottiere.
Ces condottiere étaient grassement payés car ils devaient entretenir leurs troupes, et leur allégeance à leur financeur coûtait très cher. Ainsi ces condottiere étaient des personnages très puissants.
Venise en utilisa beaucoup, ce qui lui permit de conserver ses territoires, mais aussi de les étendre considérablement. Le Doge Foscari en usa beaucoup au 15ème siècle en particulier, ce qui lui permit de régner sur un immense domaine allant de Brescia au Frioul.
Les deux condottiere les plus illustres furent Carmagnola et Colleone, dont les vies sont truffées de rebondissements incroyables.
Francesco Bussone, dit Carmagnola
Carmagnola, né à Carmagnola dans le Piémont (1385) est d'abord un condottiere pour Florence, puis se tourne vers les Visconti à Milan, où il devient en 1415 Commandant général des armées du Duc avec d'importantes victoires.
Le Duc le couvre de cadeaux et lui donne même sa fille Antonia en mariage. Mais, mécontent des récompenses des Visconti, il part se mettre au service de Venise en 1425. En 1427, il anéantit l'armée milanaise pourtant expérimentée, mais son attitude envers les vaincus le rend suspect à Venise. Visconti lui restitue ses biens, Venise refuse sa démission et lui promet des terres. La guerre entre le Doge Foscari et le duc de Milan continue, et Carmagnola semble changer de camp en abandonnant Crémone en 1431, cependant il prend le Frioul pour Venise. Venise le convoque en avril 1432, et dans sa naïveté il s'y rend. Le Conseil des Dix l'arrête dès son arrivée pour haute trahison, il est décapité le 5 mai 1432 entre les colonnes de la Piazzetta.
La tête en porphyre rouge, en mémoire de Carmagnola, est placée au coin de la balustrade du premier étage de la Basilique. Elle provient du sac de Constantinople en 1204. Elle représenterait Justinien 1er, un souverain de l'Empire d'Orient, mais aussi un avertissement contre ceux qui trahiraient la République.
Bartolomeo Colleoni
Le Colleone fut presque plus célèbre que Carmagnola. En 1431, il entre au service de Carmagnola et se fait vite remarquer par ses dons militaires Son vrai nom prête pourtant à rire : Coglione, qui signifie "les couilles" ou les testicules. Mais Colleone en était très fier, il attaquait l'ennemi aux cris de "Coglia, Coglia" (couillons, couillons). Et même, il choisit comme blason de mettre
"duos colionos albos in campo rubeo de supra et unum colionum rubeum in campo albo infra ipsum campum rubeum"
Ce qui veut dire "deux paires de testicules blanches dans le champ supérieur rouge, et une paire rouge dans le champ inférieur blanc".
D'abord au service de Venise, il passe dans le camp milanais en 1441, bat les Français du duc d'Orléans en 1447.
Mais en 1448, il revient au service de Venise avec une Condotta de 500 lances et 400 fantassins. Il se couvre de gloire et amasse une énorme richesse. Mais suspecté de trahison il doit s'enfuir de nouveau pour Milan chez les Sforza. Mais en 1454 il démissionne, et signe une nouvelle Condotta avec Venise. Son contrat spécial mentionne 100 000 ducats et des villes à conquérir. En juin 1455 il devient Commandant général de l'armée vénitienne. Des périodes de paix pour Venise arrivent, mais Colleoni continue de batailler, et en 1467, il est au côté de René d'Anjou contre les Aragonais de Naples. Celui-ci lui concède le droit d'ajouter "d'Andegavia" à son nom et des fleurs de lys sur son blason, tout en gardant les 3 paires de couilles !
En 1475 âgé et malade, il rend son commandement à Venise qui le garde comme conseiller, avec derrière la tête un testament qui stipule qu'il lègue quasiment tous ses biens à la Sérénissime ! 300 000 ducats et des territoires … à une condition : que lui soit érigée, place Saint Marc, une statue équestre. Il meurt le 2 novembre 1475 à Malpaga et on lui fait de grandioses funérailles. Son testament ouvert, Venise se gratte la tête pour honorer la condition demandée par Colleone. Car, sur la Place Saint Marc, il n'y avait jamais au grand jamais eu une quelconque statue ou buste d'un Doge ou de qui que ce soit (pour éviter le culte de personnalité de certains, le Sénat s'y était toujours opposé). Et cela n'allai pas commencer avec Colleone. Alors le Sénat finit par trouver l'embrouille géniale : sa statue équestre fut placée non pas sur la Piazza San Marco, mais juste devant la façade de la Scuola di San Marco. Venise récupéra les ducats et les possessions du Colleone.
Digression : Le Conseil des Dix
En 1310, une conjuration est menée par Baiamonte Tiepolo, qui réunit plusieurs bandes d'insurgés de Venise et des îles, pour renverser le Doge. La veille au soir du coup d'état, un repenti avoue le complot, le Doge rameute ses Arsenalotti, protecteurs inconditionnels du Doge. Au matin des bandes arrivent sur la Piazza, mais elles sont immédiatement stoppées et renvoyées dans la ville.
Un femme jette son mortier sur un des meneurs, c'est la débandade ! Les factions sont poursuivies et des massacres ont lieu. Baiamonte Tiepolo se replie derrière le Rialto qu'il incendie, mais il est rattrapé. Son palais à San Polo est détruit (une plaque au sol en témoigne au Campo Sant Agostin).
Le Sénat décide alors de créer un Conseil des Dix, chargé d'enquêter et de garantir la sécurité de l'Etat. Temporaire au départ, il devient permanent en1334, avec 10 sénateurs, tenus au secret, élus pour 2 ans.
Le Conseil des Dix avait tous les pouvoirs possibles et ne dépendait que du Doge. Il pouvait intervenir, sans autorisation, dans tous les domaines des finances, de la diplomatie; de l'armée, de la morale, du clergé, de l'ordre public, et des citoyens nobles ou pas.
Ils vont arrêter et décapiter plus tard en 1355 le Doge Marino Falier qui avait fomenté un coup d'état à son avantage.
Il disposait de services d'espionnage sophistiqués à Venise mais aussi dans toute l'Europe, il pouvait emprisonner à tout moment. Il étudiait les dénonciations remises dans les "Bocche di Leone", et provoquer des procès à n'importe qui. Mais, république sérénissime oblige, et sauf rares exceptions, les prisonniers avaient droit à un procès, qu'ils soient nobles ou roturiers.
Avec le temps, ses pouvoirs illimités ont été rabotés par le Sénat.
Le Conseil des Dix travaille dans ce qu'on appelle les étages secrets du Palais des Doges, situés juste à côté des salles magnifiquement décorées qu'on visite.
Toute une partie du Palais est en effet constituée de lieux inaccessibles. Et de l'extérieur (la cour du Palais), le troisième étage montre des fenêtres semblables en hauteur, mais derrière quelques grandes fenêtres on trouve en fait à l'intérieur deux plus petites qui donnent sur des pièces secrètes.
Au rez-de-chaussée, les prisons des Puits (toujours trempées), puis des escaliers sans fin qui donnent, au troisième étage, sur un série de petites pièces dont la hauteur est la moitié d'un étage. Dans ces pièces se trouvent les bureaux du Conseil des Dix, la Chancellerie, les archives secrètes, et des prisons qui se poursuivent à l'étage suivant.
Au grenier on trouve les prisons des Plombs (car sous la toiture en plomb du Palais), torride en été, et d'où s'est échappé Casanova. On y conserve toutes les archives secrètes de Venise, on y tient des interrogatoires à huis clos, on y torture dans une salle spéciale, et on y garde les prisonniers politiques.
Ce circuit avec guide en français s'appelle les Itinéraires secrets du Palais des Doges, très fortement conseillé, pour 2 raisons supplémentaires : on entre sans aucune file d'attente, et à la fin on débouche sur les salles du Palais que l'on peut ensuite visiter entièrement normalement. Ci-dessous la Salle du Conseil des Dix où il rendait ses décisions, avec le Doge et de ses trois Conseillers.
Le Doge Malipiero
Pendant les 8 années de règne de Pasquale Malipiero, il ne se passera rien ou presque. Il est enterré dans la basilique de Zanipolo.
En revanche, sa femme Giovanna déploya une énergie et des activités que nulle autre Dogaresse n'avait entreprise, et qui ont fortement influencé les affaires à Venise. Il n'existe aucun portrait d'elle, mais elle eut l'honneur de paraître sur une médaille, chose très rare à l'époque, surtout envers une femme.
En fait, on sait pratiquement peu de choses sur ses actions, sinon des écrits d'érudits vénitiens qui indiquent clairement ses engagements dans deux domaines importants : l'imprimerie et la dentelle.
Giovanna Dandolo, mécène de l'imprimerie naissante
Palazzi dans "La Virtu in Giuocco" rapporte qu'elle était "une princesse aux dons physiques et mentaux splendides mais dépourvue de fortune privée..." Sa première implication fut dans l'industrie naissante du livre imprimé à Venise. Etant décédée en 1462 (date très improbable car mentionnée rarement), l'imprimerie à Venise est juste naissante à cette date et on n'a peu de récits des débuts de cette industrie.
1450, Gutenberg et l'imprimerie
Inventée en 1450, par Gutenberg dans son atelier de Mayence. Sa technique novatrice utilise des caractères métalliques mobiles utilisant un alliage à base de plomb, d'étain et d'antimoine.
De plus il améliore les presses et les encres (utilisant l'huile de lin, auparavant à base d'eau). Après les Copistes du Moyen-Age qui reproduisaient à la main les textes, la xylographie fut employée, en gravant sur bois les pages du texte à l'envers et en utilisant des presses.
Mais l'invention de caractères individuels et mobiles qui, placés sur des rails pour former les mots, étaient de plus réutilisables et pouvaient être fondus, est une révolution : là où un copiste mettait 3 ans pour reproduire une seule Bible, Gutenberg en produisit 180 entre 1452 et 1455 !
Malheureusement les affaires de Gutenberg n'eurent pas le succès financier espéré et il dut céder tout son travail à son associé et financier Johan Fust. Malgré ses tentatives à Bamberg pour se relancer, il vit misérablement. Fust continua et développa les techniques d'impression, et de très nombreux artisans (fondeurs, sculpteurs, relieurs) passèrent dans ses ateliers avant de partir ailleurs, en France ou en Italie particulièrement.
Gutenberg n'est réhabilité qu'en 1465 par l'archevêque de Mayence qui lui octroie une pension et des avantages en nature. Il meurt en 1468, mais reste paradoxalement méconnu de ses contemporains. Son génie sera reconnu bien plus tard.
Venise s'empare des techniques du livre et innove
Mais l'idée suit son cours et l'imprimerie se développe à toute vitesse en Europe, et particulièrement à Venise.
En effet, la Renaissance connait une révolution dans les milieux aisés qui non seulement lisent et écrivent, mais se passionnent pour les ouvrages classiques. C'est ainsi que la diffusion de livres s'étend à un public bien plus large que les églises ou monastères.
En 1469, les Frères Jean et Wendelen de Spire (les Spira) obtiennent un privilège du Sénat pour imprimer. La même année, Giovanni (Jean) Spira dédia à la Dogaresse (morte en 1462) le premier livre jamais imprimé à Venise. Quatre des premiers livres imprimés à Venise en 1469 étaient tous dédiés à son immense influence, financière et littéraire prodiguée dès les années 1460.
D'autres grands imprimeurs, souvent passés par les ateliers de Mayence, s'installent :Nicolas Jenson en 1470 (inventeur du caractère romain), Erhardt Ratdolt en 1475 (lettres ornées), Torresan en 1480.
Venise commence alors une ascension fulgurante dans la production de livres, aussi bien en intégrant les grands classiques latins qu'en publiant des ouvrages contemporains.
Cela coûtait 3 fois moins cher d'éditer à Venise qu'à Rome. Pour avoir une idée de l'importance de l'imprimerie à Venise dès cette époque, il suffit de savoir que les 113 éditeurs-imprimeurs vénitiens produisaient 325 fois plus de livres que ceux de Florence, Milan et Rome réunis !
Aldo Manuzio et l'âge d'or
A Venise, le célèbre Aldo Manuzio (Manuce) crée son imprimerie en 1490 dans le sestiere de San Polo. Il fonde une "Académie Aldine" pour rassembler des érudits et chercher d'anciens ouvrages grecs et latins.
Sur le Rio Tera Secondo dans San Polo, on peut voir encore la maison jaune au 2311, avec la plaque de l'emplacement de sa très célèbre imprimerie "Aldine" installée en 1494.
Il comprit vite l'importance de l'invention de Gutenberg. Il sauve les textes menacés par l'Inquisition. Il ressuscite les ouvrages de l'Antiquité (Aristote, Platon, Hérodote, Horace, Aristophane, etc). Certains l'ont appelé le "Steve Jobs de la Renaissance" ! Il publie aussi avec des caractères grecs pour les érudits. Il innove avec des livres plus petits (moins chers, plus maniables) en créant le format In-Octavo (la page entière est repliée trois fois, ce qui produit 16 pages. C'est l'ancêtre du livre de poche. Manuzio créa aussi les caractères italiques en 1501 (plus denses). Il a publié le Songe de Poliphile en 1499 très célèbre à la Renaissance, orné de gravures.
Il savait rechercher des collaborateurs célèbres comme Erasme ou Dürer, et aussi des investisseurs comme Andrea Torresano qui lui fit confiance pour démarrer et prospérer.
Développement fulgurant de l'imprimerie à Venise
Dès lors, des ateliers se multiplient à Venise : vers 1470 on en compte 113, ils produisent 300 fois plus de livres que Florence, Rome et Milan réunis ! Les milieux aisés s'arrachent les ouvrages classiques, mais aussi les commerçants (en particulier les pharmacies) qui impriment des documents publicitaires, et les bibliothèques publiques mais aussi privées vénitiennes qui accumulent les livres totalement inaccessible auparavant. En 1495, on compte 1821 livres imprimés en Europe, Venise en produit 447, suivi par Paris avec 181.
En France Lyon est à l'avant-garde
Barthélémy Buyer crée avec le typographe Guillaume Leroy (passé par Venise et Bâle, autre centre de l'imprimerie), la première imprimerie en 1472 (ou 1473 ?) sur les quais de Saône. Très riche, il est Conseiller de Lyon. Il soutient la création d’autres ateliers (48, tous rue Mercière et alentours). Il a son
avenue à Lyon (vers Gorges de Loup). Il publie des best sellers comme Le livre des Merveilles du Monde en français (Marco Polo), La légende Doré de
Jacques de Voragine en 1476, ou le Nom de la Rose en 1486.
Buyer meurt en 1485 et est enterré dans l'église Saint Nizier. Son frère, Echevin de Lyon, y crée une chapelle de famille et place une plaque commémorative en 1503, encore visible.
A la fin du 15ème siècle, Paris et Lyon publient 80% des livres en France (loin derrière Venise encore).
Giovanna Dandolo, par son mécénat aux imprimeurs, et en permettant aux Vénitiens d'accéder aux livre, a grandement contribué à l'essor de l'imprimerie à Venise.
Giovanna Dandolo fait naître l'industrie de la dentelle
Une autre implication de la Dogaresse dans le développement de Venise a été l'industrie de la dentelle.
Une légende (il y en a d'autres) de l'invention de la broderie à Burano est amusante : un jeune pêcheur très amoureux fut un jour entouré de sirènes qui lui chantèrent une mélodie envoûtante pour le faire basculer dans l'eau de la lagune. Seul son amour pour sa belle, plus fort que leur magie, lui permit de ne pas tomber, alors les sirènes s'arrêtèrent pleines d'admiration et lui envoyèrent une broderie délicate de mousse d'écume. Il la rapporta à sa bien-aimée qui en fabriqua une copie avec une aiguille et un fil, la dentelle était inventée…, et se développa très vite à Burano.
La Dogaresse Giovanna Dandolo s'y intéressa plus tard, et créa la première école de dentelle. On la surnomma la Princesse de la dentelle et on dit qu'elle apprit les techniques complexes des points de Burano.
Elle favorisa son utilisation dans les vêtements (cols, manchettes) de son cercle de riches intellectuels, et le succès se développa tellement que tous les couvents, remplis de filles placées là pour éviter les successions partagées, s'y mirent. Les hospices et lieux d'accueil de femmes pauvres firent de même.
La dentelle fait fureur à Venise et en Europe
Dès 1472 Venise institua les "Provéditeurs aux Pompes et au luxe", chargés de réglementer les costumes et les toilettes des Vénitiens qui devenaient de plus en plus extravagants et coûteux (chaussures à semelles de 15cm, etc.), ainsi que les tenues des courtisanes et même la forme des gondoles devenues trop voyantes. Mais comme l'interdiction des jeux et des casinos, ces règles furent longtemps détournées. La dentelle aux poignets ou au cou fit rage.
La France devient rapidement leader avec Colbert
Beaucoup plus tard, Colbert en France réussit vers 1660 à débaucher des artistes et de dentellières expertes. En réaction, Venise publia un décret interdisant l'expatriation des dentellières sous peine d'emprisonnement de leurs parents, et de la peine de mort. Trop tard …
Colbert a créé de nombreuses Manufactures Royales : les Gobelins, les Glaces de miroir (futur Saint Gobain), Porcelaine, Draps, etc.. Il convainc Louis XIV de lancer cette industrie de la dentelle, et crée une Manufacture royale en 1665 à Paris, puis dans 9 autres sites : Chantilly, Calais, Aurillac (8000 dentellières), Auxerre (1664), Alençon, Arras, Reims, Sedan, Le Puy, Le Havre (1661, 20000 ouvrières, femmes de pêcheurs et paysannes), etc. Beaucoup d'autres suivront partout en France.
Colbert interdit l'importation de dentelles (très chères, et développa cet artisanat au point qu'au 18ème siècle on comptait plus de 160000 dentellières en France. Burano déclina alors rapidement et dramatiquement.
Colbert fera aussi évoluer les techniques par l'invention de nouveaux points distinctifs (point de Tulle, d'Espagne, de France, etc.).
Les techniques évoluent au 17ème siècle
La dentelle à l'aiguille (punto in aria), classique, utilise simplement une aiguille et du fil, ce qui n'empêche pas de posséder une précision et une dextérité maximale. Le patron du dessin est enroulé sur un tube de bois ou un coussin rond, qui se tient sur les jambes ou se place sur un rouleau. La dentellière exécute ses points selon le canevas.
La dentelle au fuseau est beaucoup plus technique. Le patron est planté petit à petit d'aiguilles. Des fuseaux de fils sont ensuite manipulés pour enrouler les fils entre eux, et on plante de nouvelles aiguilles sur les points du patron et on recommence les va-et-vient des fuseaux pour former la dentelle qui suit le patron.
Est aussi inventé le "Réseau", qui constitue le fond de la dentelle. C'est une espèce de grille de tissu, aérée, sur laquelle des points sont reliés (point de Venise, Point à l'air, point de France, etc.).
Ici une dentelle à l'aiguille (fin 17ème siècle), avec un fond en réseau de mailles hexagonales, et motifs en point de France.
Renaissance de la dentelle à Venise
En 1852, après un très longue période de marasme créé par la concurrence en Europe, l'activité reprit sous l'impulsion de la comtesse Adriana Marcello, qui reproduisit l'action de Giovanna Dandolo.
Elle reçoit le soutien précieux de Marguerite de Savoie, première reine d'Italie.
Elle crée une école. Elle s'entoura d'une cinquantaine de riches mécènes et l'école des Dentelles (scuola di Merletti) connaît tout de suite un grand succès.
En 1872, Cencia Scarpariola, une nonagénaire de Burano, utilisait encore les techniques séculaires de la dentelle de Burano. Elle savait travailler mais ne pouvait pas les enseigner. Une maîtresse de l'école étudia comment elle travaillait et put transmettre à ses élèves ce qu'elle avait appris, la dentelle de Burano ressuscitait.
De 1878 à 1900 le nombre d'ouvrières passa de 230 à 800, le chiffre d'affaires de 22000 lires à 154000. Et les prix de revient beaucoup plus bas, ce qui fit redémarrer l'industrie de la dentelle à Venise.
Le Musée de la dentelle à Burano
Aujourd'hui sur la grande place Baldassare Galuppi à Burano, le magnifique musée de l'association Il Merletto conserve plusieurs salles de meubles à tiroirs étroits contenant des centaines d'œuvres en dentelle de Burano, certaines très anciennes. Aux murs des tableaux de nobles mécènes et d'artistes. Il y a encore quelques femmes hélas bien âgées, qui viennent là pour créer des dentelles en suivant la tradition (souvent aux fuseaux, technique très complexe.